Panini Manga vient de rendre justice à une édition autrefois bâclée et depuis longuement attendue chez les fans de manga de science-fiction. En effet, SPRIGGAN est réédité en Perfect Edition depuis juin 2024, la nouvelle intégrale comprenant 8 tomes d’environ 300 pages. L’œuvre de Hiroshi Takashige et Ryoji Minagawa, qui était arrivée en France sous le nom de Striker chez Glénat en 1995 et qui avait été annulée après deux tomes, se voit ainsi remise sur le devant de la scène. À la bonne heure !
Synopsis : Une ancienne civilisation régnait autrefois sur la Terre. Elle a laissé sur une tablette un message : « Protégez notre héritage du mal ». Cette mission a été confiée aux agents Spriggan de l’ARCAM, qui doivent s’assurer que les anciennes reliques ne tombent pas entre de mauvaises mains. Yu Ominae, 16 ans, fait partie de ce groupe d’élite…
Un manga classique des années 80
SPRIGGAN mélange action et humour, avec parfois un arrière-plan légèrement teinté de métaphysique ou de spiritualité. Un équilibre plutôt réussi pour un manga léger. Peu de chance ici de se perdre dans une trame narrative complexe : on suit un schéma attendu. Un artefact est menacé, le héros Yu Ominae doit le défendre et le récupérer, il affronte pour cela les méchants.
SPRIGGAN a vu le jour dans le Weekly Shōnen Sunday de 1989 à 1996. Si sa publication tombe clairement dans les années 90, on se rend compte sans peine que c’est la décennie précédente qui a inspiré l’ensemble de l’œuvre, aussi bien socialement qu’artistiquement.
Il est évident quand on tourne les pages que le dessin et l’histoire s’inspirent de mangas issus eux aussi du Weekly Shonen (Jump ou Sunday) des années 80. Ainsi certains des antagonistes paraissent directement tirés des pages de Hokuto no Ken (1983, Tetsuo Hara), le héros cool mais un peu obsédé, Yu, rappelle souvent Ryo Saeba de City Hunter (1985, Tsukasa Hojo) et le côté gag manga adolescent référence beaucoup Ranma 1/2 (1987 – Rumiko Takahashi).
Quant au thème de SPRIGGAN, qui a pour cœur la guerre froide, il reste là-aussi très ancré dans les années 80, puisque la date de publication du manga en 1989 correspond à l’ouverture de l’URSS, à la chute du mur de Berlin et à la fin de cette période historique. Pourtant, les antagonistes de chaque chapitre de SPRIGGAN se révèlent être de la CIA et du KGB, visant chacun la domination de leur pays et de leurs idéaux sur le monde. Un côté déjà un peu rétro pour l’époque, qui a des relents de Rocky IV, pourtant sorti en 1985, soit 4 années auparavant.
De la SF, mais pas trop
Côté science-fiction, SPRIGGAN reste léger et se laisse lire facilement. On creuse un peu sur l’arsenal militaire, les super-armures, les corps augmentés et robotisés mais sans jamais plonger dans de profondes réflexions transhumanistes ou métaphysiques comme Ghost in the Shell, Paprika ou Psycho-Pass. Idem pour la spiritualité et le mysticisme qui sont de l’ordre d’Indiana Jones plutôt que d’Evangelion. Le manga n’hésite d’ailleurs pas à lier les deux aspects, avec certains antagonistes qui mêlent technologie et pouvoirs mystiques.
Si vous avez envie de lire un manga d’aventure et d’action archéologique qui ne se prend pas la tête sur les détails ou qui ne s’attarde pas sur les explications scientifiques, SPRIGGAN est un très bon choix. Si vous cherchez de la hard SF, rabattez vous plutôt sur les classiques cités plus haut ou la Perfect Edition de PLANETES, de Makoto Yukimura (Vinland Saga) elle aussi chez Panini Manga.
Après tout, SPRIGGAN reste un premier manga pour l’auteur Hiroshi Takashige, qui devait composer avec des thèmes bien compliqués pour un magazine large public et un rythme de publication qui ne laisse guère de temps à l’approfondissement. Le dessin aussi est plutôt simple et si on sent bien l’efficacité de la mise en scène de Ryouji Minagawa, le jeune mangaka d’alors se montre encore parfois saugrenu au niveau anatomique, notamment dans les premiers tomes.
SPRIGGAN sous toutes ses formes
Le succès de SPRIGGAN lors de sa publication a permis à l’œuvre de renaître à de nombreuses reprises sous de nouvelles formes, le succès public sinon critique étant souvent au rendez-vous.
Ainsi, en 1998 est sorti le film SPRIGGAN, dirigé par Hirotsugu Kawasaki (animateur sur Ghost in the Shell et Akira). Katsuhiro Otomo est recruté pour superviser le projet, ce qui servira d’ailleurs d’argument commercial majeur lors de la distribution de l’œuvre, notamment en occident. Le film est animé par le studio 4°C (Memories, Animatrix, Mind Game, Berserk) et couvre l’arc narratif de l’Arche de Noé.
En 1999, From Software sort un jeu d’action et aventure sur la Playstation, Spriggan: Lunar Verse. On y incarne un nouveau personnage créé pour l’occasion, qui vise à entrer dans l’unité d’élite des SPRIGGAN. Le jeu reçoit de bonnes critiques mais tout comme l’œuvre principale, peine à être distribuée à l’étranger à cause de sa vision anti-américaine.
Enfin, en 2022, Netflix annonce une nouvelle série animée par studio David Production (JoJo, Captain Tsubasa, Undead Unluck) et écrite par Hiroshi Seko (Attack on Titan, Mob Psycho 100, Vinland Saga, Jujutsu Kaisen, Chainsaw Man). L’animé reçoit de bonne critiques globales malgré une qualité d’animation parfois inconsistante.
Du côté des mangas et de cette nouvelle Perfect Edition chez Panini, le tome 2 de SPRIGGAN sortira le 20 Août 2024. On ne peut qu’apprécier le grand format soigné habituel à ces éditions spéciales, qui permet d’apprécier le dessin et les nombreux dialogues avec plus d’aisance, ainsi que le mini-poster rétro et le marque-page qui se cachent à l’intérieur du livre.
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