« Host Club » : la Perfect Edition d’un manga culte plein de dérision chez Panini Manga

"Host Club" : la Perfect Edition d'un manga culte plein de dérision chez Panini Manga

Après quelques dizaines d’années d’un monopole sans pitié du shōnen dans l’édition du manga en France, on ne peut qu’être ravi de voir enfin le shōjo rencontrer son public dans l’hexagone. Alors que le festival d’Angoulême de 2024 a mis à l’honneur la déesse du shōjo, Moto Hagio, les éditeurs sont eux aussi heureux de pouvoir publier des titres cultes et longtemps boudés. Parmi eux, Panini manga joue la carte des Perfect Edition pour les grands classiques. Après avoir offert ce traitement de faveur aux mythiques Banana Fish et Mars, c’est au tour de Host Club de se parer de ses plus belles couleurs!

Host Club : un titre culte

Host Club, aussi connu sous le nom de Ouran Host Club, est un manga culte de Bisco Hatori sorti en 2002. On y suit les déboires de Haruhi Fujioka, élève bénéficiant d’une bourse dans le prestigieux lycée Cerisiers et Orchidées. Or, cet établissement est un véritable palace réservé à l’élite de la nation, bien loin du quotidien de prolétaire de Haruhi. Un beau jour, à la recherche d’un endroit calme pour étudier, Haruhi pousse une porte au hasard… et tombe sur le club d’hôtes : un groupe de six beaux garçons excentriques qui consacrent leur temps à divertir des jeunes filles. Haruhi l’ignore encore, mais cette rencontre va bouleverser sa vie au lycée !

Host Club est le premier grand succès de sa mangaka. Bisco Hatori signe là une série longue, qui paraîtra pendant plus de 8 ans dans le magazine Lala (Princesse Kaguya, Vampire Knight, Elle et lui). Le public s’attache très vite à Hatori et ses compères du club d’hôtes lycéen, ce qui donnera lieu à de nombreuses adaptations : série animée, drama CD, jeux-vidéo, drama, film live et même comédie musicale !

Encore aujourd’hui, plus de 20 ans après sa première publication, les fans sont toujours au rendez-vous. Si l’on en croit son subreddit qui compte près de 3000 membres et des discussions quotidiennes, la communauté de Host Club est bien active. Le secret d’un tel succès sur le long terme ? Un humour qui fait mouche, des personnages attachant et des thèmes intemporels. La recette parfaite pour séduire adolescents comme adultes en quête d’une lecture agréable et d’une histoire touchante.

De l’humour à chaque page

Bisco Hatori a réussi à créer avec Host Club le parfait mélange entre la romance et le gag manga. Chaque page recèle de petits trésors d’humour qui font mouche, dans un jeu incessant entre le lecteur et la mangaka. Un jeu de mots caché sous une bulle, une chute catastrophique, des expressions faciales poussées à l’extrême, un malaise invivable… Tout devient prétexte au rire.

La première chose qui saute aux yeux, c’est évidemment à quel point ce manga joue avec les codes et les clichés du shōjo. On retrouve en effet dans Host Club tous les archétypes de personnages et de situations de la romance pour jeune fille. Mais Bisco Hatori s’en amuse et fait rapidement comprendre au lecteur que tout ceci n’est qu’une mise en scène voulue par le club d’hôtes du lycée lui-même. Les jeunes hommes profitent justement de l’engouement créé par ces clichés et capitalisent dessus pour attirer et fidéliser la clientèle féminine. Une ruse qui permet au lecteur de profiter du plaisir coupable de ces stéréotypes tout en se cachant derrière l’œil cynique de celui qui sait qu’il ne s’agit que d’un jeu de dupes.

"Host Club" : la Perfect Edition d'un manga culte plein de dérision chez Panini Manga
Quand le club d’hôtes se met lui-même en scène

Une autre source d’humour dans Host Club est l’immense décalage entre le monde prolétaire de Haruhi et celui ultra-riche du lycée des Cerisiers et Orchidées. Ces univers s’entrechoquent à chaque instant, offrant des situations hilarantes, absurdes, dans lesquelles Bisco Hatori s’engouffre allégrement. Rappelant les fameuses séquences de radio où les politiques français évaluaient le prix du pain au chocolat à 10 centimes, les membres du Host Club ne nous épargnent rien. Fascinés par les nouilles instantanées et le café soluble, romantisant la pauvreté de Haruhi… Ils forment une brochette excentrique et en décalage permanent.

Comment Host Club rend ses personnages attachants

Les membres du Host Club lycéen forment un total de 7 personnages principaux. De quoi nous offrir une diversité agréable sans se perdre entre eux à chaque chapitre. Il est d’ailleurs facile de les reconnaître : chacun d’entre eux correspond à un cliché du shōjo, aussi bien de par leur physique que leur caractère.

  • Haruhi : personnage principal, prolétaire et franc, qui a la tête sur les épaules
  • Tamaki : le président du club, narcissique et généreux comme seul un riche peut l’être
  • Kyoya : le financier aux lunettes, froid et cynique.
  • Hikaru : le jumeau 1. Inséparable de son frère.
  • Kaoru : le jumeau 2. Inséparable de son frère.
  • Mitsukini : l’élément « kawaii » du Host Club avec son apparence et son comportement d’enfant
  • Takashi : le grand brun, silencieux et mystérieux

"Host Club" : la Perfect Edition d'un manga culte plein de dérision chez Panini Manga

Si Bisco Hatori s’amuse avec ces personnages, elle développe rapidement leurs personnalités et les liens qui les unissent. En effet, tous ces adolescents cachent un certain mal-être, des qualités et des défauts qui sont loin du profil monolithique qu’ils se sont construits. La mangaka nous invite, à travers notre lecture, à franchir le pas des apparences. A soulever le voile, pour aller chercher plus loin.

Haruhi et le genre

Certaines œuvres sont presque inquiétantes d’intemporalité. Bisco Hatori ne s’attendait peut-être pas à ce que le contexte social, lors de la réédition de son manga 20 ans après, soit plus que jamais d’actualité avec les thèmes de Host Club.

Le personnage de Haruhi Fujioka est au cœur d’un quiproquo dès le premier tome du manga. En effet, bien que Haruhi soit biologiquement une fille, iel s’habille avec l’uniforme masculin. Que les autres élèves s’interrogent sur son genre ne change rien. Haruhi ne prête aucune importance au féminin ou au masculin. Moderne dans toute son attitude, son identité, sa vision de la société, Haruhi est non binaire et aimerait simplement que l’apparence ait moins d’importance. La décision de Panini Manga d’éviter de genrer Haruhi dans le manga et dans le résumé laisse planer ce doute et sert magnifiquement le propos.

On peut d’ailleurs saluer la traduction d’Arnaud Takahashi qui signe là un travail tout en justesse. Les références culturelles sont adaptées (qui se serait attendu à retrouver la publicité Juvamine dans ces pages ?). L’identité de Haruhi est préservée, les jeux de mots et le décalage de vocabulaires sont parfaitement retransmis… Un travail essentiel pour garantir une lecture agréable et hilarante aux lecteurs modernes.

Bisco Hatori au secours des adolescent.e.s

Un autre des thèmes forts du manga est le culte de l’apparence. Or, Bisco Hatori sait qu’elle touche là à un sujet qui est au cœur des inquiétudes des adolescents… Surtout à l’époque des influenceurs. Dans cette période charnière où on cherche sa place parmi les autres et où l’estime de soi est rudement mise à l’épreuve, la vision d’Haruhi est rafraîchissante. Haruhi prête en effet plus attention aux actes qu’aux apparences et accepte les autres peu importe leurs différences.

L’intrigue du manga est centrée sur ce club d’hôtes où tout n’est que jeu de séduction, perfection et apparences trompeuses. Un mécanisme qui permet à Bisco Hatori de faire passer de nombreux messages, toujours bienveillants, jamais moralisateurs. La mangaka nous rappelle ainsi que s’arrêter à des préjugés empêche de faire des rencontres. Or, ces rencontres se trouvent être essentielles et fondatrices dans l’évolution de ses personnages.

Les différences de position sociale entre Haruhi et les garçons auraient pu les empêcher de se connaître. Mais c’est en se mélangeant qu’ils garderont le meilleur de ce qu’ils ont à offrir tout en évoluant. À l’heure où la guerre entre école privée et publique fait plus que jamais rage et où on observe un vrai séparatisme scolaire, le message de Bisco Hatori fait du bien !

En bref, Host Club c’est la lecture qui fait du bien à tous les niveaux. Qui offre un franc moment de rigolade tout en taclant des sujets actuels de société. Un plaisir tout sauf coupable, dont on peut retrouver le premier tome chez Panini Manga en Perfect Edition. Le tome 2 arrive bientôt, le 17 avril 2024. Et pour les fans d’animés, l’adaptation du studio Bones est à retrouver sur Netflix.

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