« MOB PSYCHO 100 » sur Crunchyroll : le joyau de ONE et de Bones [critique]

"MOB PSYCHO 100" sur Crunchyroll : le joyau de ONE et de Bones [critique]

Pour ceux qui veulent découvrir un shōnen culte sans avoir à dévorer des centaines d’épisodes, Mob Psycho 100 apparait comme un petit miracle. Sortie en 2016, la série qui ne compte que trois saisons est encore aujourd’hui considérée comme un des meilleurs animés jamais créés.  Pourtant, ONE, son auteur, avait déjà mis la barre très haut avec sa première œuvre : One Punch Man.

Synopsis : Shigeo Kageyama, surnommé Mob, est un lycéen asocial et peu sûr de lui qui possède de puissants pouvoirs psychiques. Cependant, il préfère rester discret, afin d’avoir une vie la plus normale possible. De plus, il sait que ce pouvoir peut être dangereux et qu’il augmente en même temps que sa charge émotionnelle qui monte lentement de 0 à 100%. Mais en grandissant, pourra-t-il contenir longtemps ses émotions ?

L’univers de ONE

Il y a des choses clivantes, même chez les fans d’animation. La direction artistique de Mob Psycho 100 est l’une d’entre elles. A l’époque où le manga et l’animé sont sortis, beaucoup de spectateurs se sont détournés de l’œuvre à cause du style de dessin de ONE. En effet le  mangaka est réputé pour être un autodidacte complet et ça se remarque. Sur One Punch Man, ses personnages tenaient plus des patatoïdes que de n’importe quel hominidé.

Lors de la création de Mob Psycho 100, le mangaka commence à avoir de l’expérience et ses dessins s’améliorent. Néanmoins, sa patte artistique reste la même. Les visages sont très peu détaillés, les traits inconstants. Mais il s’agit bien d’un choix, car ce que privilégie ONE, c’est la mise en scène. Néanmoins, ce qui partait pour devenir le handicap de la série s’est révélé devenir, avec le temps, un de ses plus grands points forts.

Planche de Mob Psycho 100, dessinée par ONE

Dans un monde où le manga et les animés sont au sommet de leur popularité et où il en sort des dizaines chaque mois, on se retrouve facilement assommé par cette avalanche de titres. Afin de jouer la sécurité, les œuvres s’inspirent des succès du moment. L’esthétique ainsi que les thèmes abordés ont fini par s’aseptiser. Entre tous les clones de shōnen sans saveur, le travail de ONE éclate de créativité et devient un souffle rafraîchissant. Le mangaka n’a jamais prétendu faire des personnages à la beauté lisse. Son dessin est impactant, organique et ceux qui se sont frottés à One Punch Man savent à quel point il est efficace lors des moments d’action. Dans sa lignée, Mob Psycho 100 attire définitivement l’œil dès qu’on croise sa route.

Un mariage heureux entre ONE et Bones

Encore fallait-il choisir un studio capable d’adapter ce jaillissement constant d’expérimentation, de puissance et de simplicité. Bones, à qui l’on doit entre autres Cow-Boy Bebop le film ainsi que Full Metal Alchemist, a très vite compris la portée de l’œuvre qu’on lui proposait et a su y mettre le budget nécessaire. Quand on commence Mob Psycho 100, c’est une véritable claque d’animation qui nous attend. Si l’on avait pu s’endormir mollement en regardant des animés sous-budgetisés ou produits à la chaîne, Bones se fait une joie de nous réveiller.

Très vite, l’animé s’impose en tant que poids lourd comique, à l’humour physique digne de GTO. Mais également dans l’action. On ne peut s’empêcher de penser à Masaaki Yuasa (Tatami Galaxy, Mind Game, Lou et l’île aux Sirènes) dans la déformation des corps, des visages, dans l’élan vital qui s’exprime à l’écran. Les affrontements sont d’une puissance inouïe, la mise en scène est extrêmement inventive et tout devient impactant, à la dimension de Mob et de ses pouvoirs.

Entre les jeux de couleurs et de formes, ce qui marque également, c’est le foisonnement. Mob Psycho 100 est rempli de petits détails comiques, de références. Chaque revisionnage offre de nouvelles découvertes. Sans compter que, grâce au dessin grossier des personnages, le studio gagne du temps et peut se concentrer sur la fluidité de l’animation, ainsi que sur les environnements. En effet, les arrière-plans de Mob Psycho 100 sont tous réalisés en 2D et se déforment, bougent, vivent tout autant que les personnages. Les instants de Sakuga sont saisissants de vitalité. Ce style d’animation, en plus des couleurs pop qui détonnent, colle avec une étonnante précision au style de dessin de ONE. Un mariage heureux, dans des saisons de 12 épisodes qui ont permis de concentrer le budget.

99

Aucun fan d’animé ne peut nier l’importance d’un bon générique. Les openings (ou les outro) nous marquent souvent de manière indélébile. Au rang des meilleurs d’entre eux, on trouve par exemple Tank de CowBoy Bebop ou A Cruel Angel’s Thesis de Neon Genesis Evangelion. En 2016, le premier générique de Mob Psycho 100, 99, se fait une place dans les tops des meilleurs openings de tous les temps. Et aujourd’hui, près de dix ans plus tard, il y figure toujours.

Si l’on parlait de foisonnement, voilà un exemple parfait. 99 est un trip psychédélique où chaque élément compte, sans que l’on puisse poser les yeux dessus. S’amusant du côté absurde de l’animé, Bones dissémine toute l’intrigue dans des détails que l’on ne peut comprendre qu’une fois l’animé visionné. A chaque épisode l’opening prend un peu plus de sens et devient presque un jeu entre le studio et le spectateur.

Quant à la chanson, elle est un hommage vibrant à tout ce que Mob Psycho 100 représente. Elle s’ouvre avec la phrase :

Si personne n’est spécial, peut-être que tu peux être ce que tu veux devenir.

Les pouvoirs ne sont pas importants, ils ne sont pas ce qui rend qui que ce soit spécial. Et ils n’aident certainement pas Mob à atteindre ses buts : sociabiliser, avouer son amour, se construire un avenir. Les paroles sont ponctuées de mots en japonais qui représentent le statut terrible du jeune homme : « détresse », « faux sourires », « perte de confiance », « incapable de lire les signes sociaux »…

99 est un build up constant vers ce qu’on redoute, mais qu’on ne peut s’empêcher d’attendre avec impatience. Dès les premières secondes, une voix se met à compter de 0 à 99, suivant la charge émotionnelle de Mob qui monte inexorablement jusqu’à l’explosion. Les synthés grimpent de plus en plus dans les aigus, le rythme des percussions s’accélère. C’est haletant, prenant, facile à suivre, entraînant.

Deux et trois openings mythiques

Avec trois saisons de 12 épisodes chacune, le studio Bones a pu offrir une constance, une cohérence à l’animé tout entier, openings inclus. Et si la qualité de l’animation ne suffit pas à prouver le soin qu’a apporté l’équipe derrière Mob Psycho 100… Eh bien, il suffit d’écouter les trois openings pour se rendre compte de leur investissement hors du commun. Car ce sont leurs voix, à tous, que l’on entend. En effet, le « Mob Choir » (Choeurs de Mob) mentionné dans les crédits est en fait constitué des dizaines d’animateurs, des scénaristes et du réalisateur de Mob Psycho 100. Dans un milieu surchargé de travail comme l’animation japonaise, il est très touchant de voir une équipe exulter de passion et se concentrer sur un projet important à leurs yeux.

Mob Choir interprétera également les deux openings suivants, 99.9 et 1, qui sont tout aussi marquants que le premier. Véritables hommages à l’histoire de l’animation, les génériques mettent en scène un zootrope, un effet de moiré, le principe de la vague… Des objets et techniques ayant lentement mené à nos animés actuels et à qui Bones adresse une lettre d’amour. Les outro ne sont pas en reste avec de la stop-motion en feutre dépeignant le quotidien de Mob ou de son maître Reigen.

Les numéros attribués aux génériques, tout comme les paroles, continuent de suivre l’évolution de Mob qui, après avoir été poussé à bout, de plus en plus loin, doit désormais apprendre à vivre avec lui-même et n’être qu’un.

Un héros atypique

Tout le personnage de Shigeo est construit pour s’opposer à l’idée même d’un héros archétypal de shōnen. A commencer par son surnom, Mob. En effet, en anglais « mob » signifie plusieurs choses. Il peut s’agir d’une foule, d’un personnage d’arrière-plan dans un animé ou d’un personnage non-joueur dans un jeu vidéo. Au début de la saison 1, Shigeo est tout cela. Pour tous ceux qui l’entourent, il est oubliable. On le discerne à peine parmi d’autres collégiens. Là où les mangakas se cassent la tête pour donner à leur héros un chara-design mémorisable, celui de Mob est volontairement sobre et peu voyant. Coupe au bol noire, uniforme, aucun accessoire, aucune émotion sur le visage. Mais qui donc a envie de voir la vie d’un garçon aussi inintéressant ? Réponse : personne, pas même Mob lui-même.

En effet, ce personnage passe-partout, Mob l’a construit pour protéger le monde de ses pouvoirs. Puisqu’il a tendance à perdre le contrôle sous le coup des émotions, autant ne rien ressentir. Pour ne pas que les gens l’embêtent, autant ne pas se faire remarquer. Oui mais voilà, à force, il a fini par se perdre lui-même. Et alors que les autres se sont construits une personnalité, une vie sociale, Shigeo prend conscience qu’il a laissé sa vie sur le bord de la route.

Finalement, Mob Psycho 100 raconte une quête interne. Celle de la sortie de l’enfance, où on se cherche soi-même, où on cherche notre place parmi les autres. Luttant contre ses affinités naturelles, le jeune homme va s’efforcer à tout ce qui est « normal », malgré les difficultés. Il n’aura de cesse d’essayer de reconnecter avec ses émotions et d’aider ses amis. Mob est un héros auquel on peut et on veut vraiment s’identifier.

Des personnages secondaires forts

Ne parler que de Mob lorsqu’on aborde Mob Psycho 100, c’est ne voir qu’un côté de la médaille. Car l’animé met en scène tout un tas de personnages loufoques, qui contrastent d’autant plus avec notre héros au look insipide. On pense au club de culturisme, dont les pectoraux surdéveloppés renferment un trésor de bonté et de motivation. Mais également au club des télépathes et aux autres membres de l’école du Sel. En dehors du milieu scolaire, on rencontre les antagonistes de La Griffe, de nombreux médiums, le labo d’éveil… Mais également des esprits, dont Smile, qui accompagnera Mob dans ses aventures et développera une relation forte avec ce dernier.

Mob devient un ami, un collègue, un membre de club, parfois aussi un adversaire. En s’opposant ou en s’alliant à son entourage, il se construit, se définit, il trouve sa place peu à peu dans la société. Et finalement, il n’est plus seul.

Mais la vraie tête d’affiche du festival, si l’on veut, c’est évidemment Reigen. Le maître à l’ego démesuré de Mob, roublard, pingre, menteur, débrouillard, drôle, touchant. La série aurait tout aussi bien pu s’appeler Reigen Psycho, tant l’animé lui accorde une importance de premier plan. Reigen a tout le relief qui manque à Mob. Sa personnalité crève l’écran et le rend très attachant, ou du moins absolument mémorable. En trois saisons, c’est la relation qui le lie à Mob qui est la plus explorée et devient la source de bien des émotions.

Bones offre à tous ces personnages des évolutions, des arcs narratifs. En les retrouvant de saison en saison, le studio nous plonge dans un monde consistant. En voyant le chemin parcouru, on a finalement l’impression d’avoir regardé bien plus que 36 épisodes. Et c’est tout à l’honneur de la série.

L’équilibre des émotions

On a dit que Mob Psycho 100 était un shōnen. Et c’est bien comme ça qu’il a été vendu quand il est paru sur Ura Sunday, le magazine en ligne du Weekly Shōnen Sunday. Cependant, ce qui qualifie cette œuvre plus que toute chose, c’est le mélange des genres qu’elle associe avec une grande maîtrise. Car si on retrouve bien le nekketsu du shōnen, les batailles puissantes et qui s’escaladent associées au genre, Mob Psycho 100 va chercher au-delà.

Là où son œuvre aînée, One Punch Man, s’est retrouvée piégée après un moment, Mob Psycho 100 a continué. Car c’est aussi un animé tranche de vie tout à fait réussi, ainsi qu’une comédie très drôle, qui sait toucher juste à chaque fois. C’est une « coming-of-age story », une aventure rocambolesque et une série de science-fiction inventive. Tous ces aspects de l’œuvre se complètent au lieu de s’affronter, tout comme Mob et ses amis. Et il est normal de retrouver autant d’éléments dans Mob Psycho 100, puisque ce que veulent capturer ONE et Bones, c’est la complexité d’une vie entière.

Il y a mille raisons de regarder, reregarder, rereregarder Mob Psycho 100. Chacun y trouve ce qu’il vient y chercher. Une bulle réconfortante. De belles leçons de vie. Des combats incroyables. Une vraie bonne rigolade. Des émotions perdues. Mais à chaque fin de visionnage, lorsque l’écran devient noir, une petite voix reste dans notre esprit. La voix de Reigen, la voix de Mob, la voix de ONE et de tout le studio de Bones : « Sors, rencontre des gens, rencontre-toi toi-même, amuse-toi, pleure, aime. Vis ».

 

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