« Fruits Basket » sur Crunchyroll : un shōjo culte !

"Fruits Basket" sur Crunchyroll : un shōjo culte !

Les plateformes ont parfois tendance à proposer les remakes d’animés plutôt que les originaux. Or, remake ne veut pas dire qualité. Parfois, il s’agit d’une bonne décision, comme pour DevilMan Crybaby. Et parfois, c’est une véritable catastrophe (Hinamizawa, le village maudit en est un brillant exemple). Heureusement, Fruits Basket de Natsuki Takaya fait partie de la première catégorie. Le reboot de l’animé culte sur Crunchyroll nous offre un poignant retour en arrière, dans les années 2000.

Synopsis : Tohru Honda pensait sa vie vouée au malheur après qu’une tragédie familiale lui impose de vivre seule dans une tente. Lorsque son modeste logis est découvert par le mystérieux clan Soma, elle se retrouve soudain à vivre avec Yuki, Kyo et Shigure Soma. Mais elle découvre rapidement que la famille cache un secret des plus étranges : lors d’une étreinte avec une personne du sexe opposé, ils se transforment en créatures de l’astrologie chinoise !

Derrière Fruits Basket

Si le scénario peut rappeler un certain Ranma 1/2, sorti en 1987, ce n’est pas une coïncidence. Le manga comique de Rumiko Takahashi a connu un tel succès qu’il a eu un grand impact sur les lecteurs de sa génération. En 1987, Natsuki Takaya avait 14 ans. Il y a fort à parier que l’adolescente a dévoré Ranma 1/2. Dans les intérieurs de couverture de Fruits Basket, elle parlera d’ailleurs à plusieurs reprises de son admiration pour Takahashi et pour ses mangas.

Une altercation tout ce qu’il y a de plus normale entre un père et son fils dans Ranma 1/2

Fruits Basket est donc un bel hommage de Natsuki Takaya à son manga d’adolescence, version shōjo. Rappelons que le shōjo est une œuvre qui cible un public féminin jeune. Il s’agit d’un terme éditorial et non d’un genre, mais certaines tendances se dégagent. A commencer par le fait que les shōjo ont tendance à s’attarder sur les émotions et les relations entre personnages. Fruits Basket en est un exemple flagrant. Là où Ranma 1/2 (qui est un shōnen) se focalise plutôt sur les combats et l’humour, Fruits Basket se concentre sur la malédiction des Soma ainsi que sur les liens familiaux, amicaux, amoureux.

Au niveau graphique, on reconnaît également l’influence très forte du shōjo sur le trait de Natsuki Takaya, qui est presque poussé à l’extrême. Corps longilignes et yeux immenses sont de la partie. Fruits Basket a été un très grand succès public et a même remporté le prix Kodansha du shōjo. Arrivé en France chez Delcourt, le manga y connaît également une belle distribution. Ce succès entraîne une première adaptation en animé en 2001. Hélas, après 26 épisodes la production s’arrête et il faudra attendre 2019 pour qu’un reboot soit lancé.

Un animé plus sombre qu’il n’y paraît

Le reboot de 2019 est très fidèle au manga de Natsuki Takaya et a l’avantage d’adapter l’œuvre au complet, en trois saisons. C’est le studio TMS (Lupin III, Megalo Box, Dr. Stone) qui prend en charge l’animation, pour une qualité tout à fait décente. En 64 épisodes, on plonge donc dans une histoire mignonne et touchante, avec une arrivée très progressive des nombreux personnages. Mais Fruits Basket cache bien son jeu et le triangle amoureux de départ cède vite la place à un drame familial sur fond de violences psychologiques.

Attention aux apparences, donc. L’œuvre peut paraître mièvre au premier abord, mais l’animé se frotte à des sujets très durs : aliénation, deuil, dépression, isolement, traumatismes, violence familiale, manipulation psychologique… Beaucoup de personnages de Fruits Basket doivent apprendre à grandir, à mûrir avec ces traumatismes et à s’en affranchir… C’est d’ailleurs le point central du manga, qui traite chaque arc de personnage comme un arc de guérison.

Le public de Fruits Basket est jeune, puisque c’est un shōjo. D’ailleurs, en France, le manga a été largement distribué en bibliothèque et dans les CDI, à un public collégien et lycéen. Mais Natsuki Takaya ne prend pas les adolescents pour des idiots. Si elle se permet d’aborder des thèmes aussi complexes et durs, c’est parce qu’elle sait qu’ils touchent ses lecteurs. Elle en profite donc pour faire passer de nombreux messages à des adolescents en pleine évolution. Et en tant que femme, elle offre un regard pertinent et acéré sur certains sujets.

Briser les codes

Parmi les codes bousculés par Natsuki Takaya, on peut notamment penser à la jeune Tohru. Souvent critiquée par les détracteurs de Fruits Basket, elle n’est en fait que la version poussée à l’extrême de la femme japonaise idéale. Et là où tout le monde l’apprécie pour son effacement, son sourire constant, sa presque servitude aux tâches ménagères, ce n’est pas le cas de Kyo. Au contraire, le jeune homme passera beaucoup de temps à lui rappeler qu’elle n’a pas à montrer une façade de perfection et de joie, qu’elle a droit aux émotions négatives.

Mais aussi qu’elle n’a pas à s’occuper des gens constamment, ni à les sauver, qu’elle peut vivre pour elle-même et être égoïste parfois. Un message féministe toujours d’actualité, qui permet à la jeune fille de trouver un espace où elle peut montrer sa vraie personnalité. Une fois son masque retiré, on comprend que Tohru souffre d’anxiété et de traumatismes qu’elle cachait juste mieux que les autres.

Elle n’a pas effacé toute ma douleur, ni proposé de résoudre tous mes problèmes. Elle n’a pas réparé tout ce qui était cassé. Mais ce n’est pas ce dont j’avais besoin de toute façon. Pas vraiment. Ce qui compte le plus, c’est qu’elle soit restée.

Kyo

Natsuki Takaya lutte également contre la masculinité toxique. En effet, la mangaka encourage ses personnages à exprimer leurs émotions et à dialoguer au lieu d’accumuler de la frustration, des traumatismes et de les relâcher sous forme de violence.

Il faut dire que beaucoup des personnages de Fruits Basket ont tendance à sortir les poings plutôt que les arguments. Ce qui donne cette belle déclaration de la part de Tohru :

Si tu te sens blessé, effrayé ou faible, je veux que tu me le dises afin que je puisse y faire face avec toi. Parce que je veux qu’on continue à vivre ensemble. Je veux manger avec toi, étudier avec toi, m’inquiéter avec toi. Toutes ces choses… S’il te plait.

Tohru

Briser les cycles

Natsuki Takaya parle également des cycles de la violence et de l’abandon et des différentes manières de s’en extraire. Kyo, comme tous les signes du chat, est aliéné et maltraité. Les 12 maudits vivent des agressions physiques et morales, menant à des tabous énormes. Arisa et la mère de Tohru, faisaient partie d’un gang où la violence était omniprésente. Ainsi, tous les personnages de Fruit Basket doivent défaire des traditions familiales ou de groupe qui sont malsaines et qui les empêchent d’être libres, d’évoluer. L’œuvre est une ode à la liberté et à l’individualité, qui encourage à briser les tabous et les carcans. Un autre message précieux pour des jeunes en pleine construction.

Natsuki Takaya, à travers le personnage de Kyo, nous montre aussi comment un personnage blessé et qui a l’habitude de l’abandon peut prendre l’habitude de fuir les liens émotionnels. Le cycle de la fuite, le refus de s’investir dans des relations et de chercher à les briser par peur de souffrir est un thème très important de Fruits Basket. Et c’est seulement grâce à la confiance qui se construira sur le long terme et l’acceptation d’enfin se rouvrir aux autres que Kyo arrivera à briser ce cycle.

L’adolescence est une période parfaite pour aborder tous ces sujets fondamentaux : amour, liens sociaux, construction de la personnalité, etc. Natsuki Takaya, en écrivant des personnages qui souffrent d’aliénation et qui luttent pour trouver leur place dans la société, livre une belle métaphore de la période adolescente. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle a choisi le thème de la transformation du corps, qui peut être sujette à un véritable rejet de la part des autres et de soi-même, pour des personnages en pleine puberté.

Astrologie chinoise et personnages

La force de Fruits Basket, c’est aussi ses nombreux personnages. En effet, rien que dans le clan Soma, on rencontre les 12 maudits et leurs familles. Du côté du lycée, une dizaine d’élèves récurrents apparaissent, qui ont une vraie importance dans le développement de nos héros. En comptant Tohru et les défunts qui influent sur l’histoire… En tout, on peut recenser pas moins de 38 personnages ! Chacun a une personnalité bien particulière et un chara-design différent… Ce qui offre une belle palette d’identification pour un public large.

Natsuki Takaya a d’ailleurs utilisé un élément culturel très populaire (même à l’international) et qui a participé au succès de son œuvre : l’astrologie chinoise. Rat, Bœuf, Tigre, Lapin, Chat, Dragon, Serpent, Cheval, Mouton, Singe, Coq, Chien, Sanglier. 13 signes, auxquels la mangaka a attribué un personnage charismatique. Chacun a en plus une personnalité qui correspond à l’animal auquel il est lié. Tout comme pour les signes du zodiaque, de nombreuses personnes connaissent leur signe astrologique chinois. Natsuki Takaya a ainsi créé une sorte d’horoscope vivant à base de personnages.

Fruits Basket est donc un animé à voir, surtout si l’on a du mal avec le trait très particulier du manga de Natsuki Takaya, mais que l’on veut découvrir son univers. Un univers qui prône la bienveillance et l’empathie, qui aime guider les lecteurs vers le chemin de la guérison. On vous promet que vous découvrirez un shōjo culte qui saura vous faire sourire et pleurer, en 64 épisodes tous plus touchants les uns que les autres. 

 

Sources :

3 Replies to “« Fruits Basket » sur Crunchyroll : un shōjo culte !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *