En 1961 était érigé le mur de Berlin, la concrétisation des tensions entre les pays capitalistes et l’Union Soviétique. Mais saviez-vous que ce fut également cette année-là que le danseur classique Rudolf Noureev fuit l’URSS ? Découvrez comment il réussit à échapper au contrôle de son pays natal. Ce fut un événement digne d’un véritable polar et des meilleurs romans d’espionnage qui le fit connaître dans le monde entier.
Naissance d’une étoile
Rudolf Noureev naquit le 17 mars 1938, dans une région transsibérienne, à côté du lac Baïkal. Quatrième enfant et seul garçon de sa fratrie, il passa son enfance dans la ville d’Oufa en URSS. À l’âge de 7 ans, il assista pour la première fois à un spectacle de danse avec sa mère et ses sœurs. Ce fut un choc pour le jeune Noureev, une véritable révélation. Il décida de se lancer dans la danse, contre l’avis de son père qui ne roulait pas sur l’or et aurait préféré un loisir plus « masculin ». Noureev pratiqua donc la danse folklorique et prit des cours de danse classique au théâtre d’Oufa. Il travailla quotidiennement ses capacités et ses pas de danse.
En 1955, il entra dans la prestigieuse Ecole de danse Vaganova de Leningrad. Toutefois, il n’y resta pas longtemps, puisque dès 1958, il intégra la première compagnie de danse de l’URSS, la compagnie de Ballet du Théâtre du Kirov. Rudolf Noureev devint l’idole du public russe. Sa présence et son charisme en firent une star sur la scène. Toutefois, Noureev voulait déjà se produire dans le monde entier, sur d’autres scènes et auprès d’un public différent. Le directeur de l’école lui fit remarquer :
« N’oublie pas que tu es ici par bonté et grâce à la charité de l’école.«
Ces mots restèrent avec Noureev pendant des années et planèrent au-dessus de sa carrière et de sa vie, comme une épée de Damoclès.
Défection à l’Ouest, le désir de liberté de Rudolf Noureev
En 1961, en pleine guerre froide, le Ballet du Kirov partit en tournée à Paris. Il s’agit de la première tournée à l’étranger de Noureev, alors âgé de 23 ans. Toutefois, Noureev était connu pour être un danseur rebelle, il fut donc surveillé de près. Dès sa première apparition sur les planches parisiennes du palais Garnier, le succès du danseur fut immédiat. Par ailleurs, Noureev prit goût à la liberté parisienne. En effet, au lieu de regagner son hôtel, il sortit faire la fête avec les danseurs parisiens. Après une série de représentations, il fut temps de quitter la France.
Malheureusement, à l’aéroport du Bourget, alors que tout le reste de la troupe est censé se rendre à Londres pour continuer la tournée, Noureev reçut un billet pour Moscou. On lui raconta qu’il était sommé de rentrer en URSS pour un soi-disant gala. Il devait cependant rejoindre la troupe dans la capitale anglaise. Toutefois, il ne crut pas en l’histoire du KGB et craignit de ne plus jamais pouvoir sortir du pays et d’être écarté de la scène. Il expliqua donc son choix de passer à l’Ouest dans sa biographie, comme une évidence pour sa liberté :
« Pour moi, cela signifiait la dignité retrouvée et le droit de choisir, le droit que je chérissais par-dessus tout, celui de l’autodétermination. »
Rudolf Noureev, la fuite de justesse en France
Ainsi, alors qu’il est censé embarquer à bord de l’avion qui le ramènera en Russie sous la surveillance du KGB, le danseur réussit à rejoindre les policiers français auprès de qui il demanda l’asile. Son amie Clara Saint, qu’il avait rencontrée à Paris, l’aida. Ce fut elle qui indiqua au danseur qui étaient les policiers dans l’aéroport et qui avertit la police que le danseur souhaitait rester en France. Il réussit à exprimer à la police son désir de rester :
« I want to stay and to be free.«
Il dut prendre contact avec les autorités françaises en restant à l’aéroport sous la protection de la police. Les autorités françaises lui accordèrent l’autorisation de rester en France. Rudolf Noureev choisit donc la liberté. C’est le passage à l’Ouest d’un des artistes les plus incroyables de l’histoire.
Après sa fuite de Russie et sa liberté retrouvée, il travailla avec plusieurs grands ballets européens, comme le Royal Ballet de Londres ou l’Opéra de Vienne, avant de se produire aux Etats-Unis. Il devint mondialement connu et put vivre son homosexualité librement. Il finit par obtenir la citoyenneté autrichienne. Toutefois, on le dépeignit en Russie comme un traître qui avait fui grâce à la CIA. Finalement, après une grande carrière, autant de danseur que de chorégraphe, Noureev mourut du sida en 1993 en France.
Finalement, soixante après cet événement à l’aéroport du Bourget, on considère aujourd’hui Rudolf Noureev comme l’un des artistes les plus influents du XXe siècle. De plus, il est aujourd’hui vu comme l’un des meilleurs danseurs et chorégraphes du monde, qui a révolutionné la danse classique. Ainsi, Rudolf Noureev fut un artiste insoumis qui a tout fait pour danser librement. Par ailleurs, si le sujet vous intéresse, un biopic sur la vie du danseur est sorti en 2019, de et avec Ralph Fiennes. Après un grand danseur, découvrez la peintre et sculptrice Niki de Saint Phalle.
Noureev (2019) – Bande-annonce
Sources :
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