Vous avez sûrement déjà vu des œuvres de Niki de Saint Phalle, notamment la Fontaine Stravinsky au centre Beaubourg de Paris. Mais connaissez-vous son histoire ? Retour sur cette plasticienne engagée aux mille vies, une artiste sauvée par l’art et dont le grand sujet fut les femmes.
Enfance difficile de Niki de Saint Phalle
Catherine Marie-Agnès de Saint Phalle est née le 29 octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine d’un père français et d’une mère américaine. Sa famille avait quitté les États-Unis un an auparavant à la suite du krach boursier de 1929, au cours duquel son père perdit la banque dont il était propriétaire.
Elle fut renommée « Niki » par sa mère alors qu’elle était âgée de quatre ans. Niki passe les premières années de sa vie chez ses grands-parents dans la Nièvre, avant de rejoindre ses parents, réinstallés aux États-Unis. Là-bas elle est élevée par une nourrice qu’elle surnomme « Nana ». À l’âge de 11 ans, son père la viole. Elle ne révéla cet évènement qu’à l’âge de 64 ans, en publiant son livre Mon Secret, qu’elle dédie à sa fille. Niki ne s’est jamais vraiment remise de ce traumatisme qui influença beaucoup son travail.
D’abord mannequin, elle découvre l’art-thérapie
Elle commence sa carrière en travaillant comme mannequin pour Vogue, Life et Elle. En effet, en 1948, la jeune Niki de Saint Phalle alors âgée de 17 ans est repérée pour devenir mannequin. Elle pose jusqu’à ses 25 ans, avant d’abandonner cette carrière au profit de l’art.
Elle se marie à 20 ans avec Harry Matthews, avec qui elle a deux enfants, puis déménage à Paris. L’année 1953 marqua un tournant puisqu’elle fait alors une grave dépression. Niki est hospitalisée à Nice où elle reçoit des électrochocs. Là, elle peint et dessine en autodidacte, un loisir qui apparaît comme une thérapie. Dès ses premiers pas, elle s’intéressait déjà aux collages et assemblages et trouvait une vraie libération dans la création. Elle décida dès lors de consacrer pleinement sa vie à l’art :
« J’ai commencé à peindre chez les fous… J’y ai découvert l’univers sombre de la folie et sa guérison, j’y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l’espoir et la joie. »
Premières œuvres et influence de ses contemporains
Elle ne suit aucun enseignement artistique et apprend l’art par elle-même. Mais elle s’inspire du travail de nombreux créateurs et de ses rencontres avec des artistes. Elle commence à exposer en 1956. Puis, elle se rend à Madrid et Barcelone en Espagne où elle découvre avec bonheur le travail de l’architecte Antoni Gaudi qui l’inspira beaucoup pour ses propres œuvres. Puis elle fait la connaissance de l’artiste suisse Jean Tinguely à Paris. Elle rejoint grâce à lui le groupe des Nouveaux Réalistes fondé en 1960 par Yves Klein où elle démarre sa carrière. En 1960, elle quitte son premier mari pour s’installer avec Jean Tinguely avec qui elle partage des ateliers. Elle travaille beaucoup avec son mari et ce jusque dans les années 2000, ce qui conduit certains critiques d’art à attribuer certaines de ses réalisations à ce dernier.
Niki réalise ses premières séries de Tirs en 1961. Ils scandalisèrent la société parisienne dans son ensemble, mais lui apportèrent un succès et une reconnaissance immédiats. Le principe est simple, il s’agissait d’une peinture-performance où l’artiste vise avec une carabine des poches de peinture qui éclatent sur un panneau en plâtre. Elle affirma alors tirer sur la société et ses injustices, une façon pour elle d’extérioriser ses démons.
Niki de Saint Phalle, féministe : les femmes dans toute leur diversité et splendeur
Elle s’attaque ensuite à son grand sujet, les femmes. En 1964, elle commence à créer ses célèbres Nanas en papiers collés et résine, en réaction à ce qui était attendu des femmes à cette époque, uniquement vouées à devenir des épouses. En effet, tout au long de son enfance elle refusa de s’identifier à sa mère, prisonnière d’un rôle imposé. Niki de Saint Phalle voulait remettre en question la façon dont on faisait les choses dans la société, notamment concernant les femmes :
« Le communisme et le capitalisme ont échoué. Je pense que le temps est venu d’une nouvelle société matriarcale. »
Ses Nanas sont présentes de manière récurrente dans son travail, au fil des années. Par exemple, au sein du Jardin des Tarots en Italie, composé de 22 sculptures géantes. Ces femmes imposantes montrent les femmes dans toute leur force et sont de véritables héroïnes modernes, décomplexées et libres :
« Elles sont elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de mecs, elles sont libres, elles sont joyeuses. »
Toutefois, l’artiste reconnaissait volontiers la part d’ombre des femmes, pouvant être des sorcières ou des mères dévorantes.
Une artiste engagée pour de nombreuses causes
Outre la domination patriarcale et l’émancipation des femmes, Niki ne cesse de soutenir plusieurs causes tout au long de sa vie. Elle dénonce les violences faites aux Noirs aux États-Unis et lutte en faveur des droits civiques des Noirs américains. Par ailleurs, lorsque le virus du SIDA commença à se répandre, elle créa d’immenses statues phalliques colorées, ainsi que des affiches pour inciter les gens à utiliser des préservatifs. Elle s’engagea même dans l’association française AIDES et réalisa un film sur le sujet. Niki de Saint Phalle reste engagée jusqu’au bout. Elle meurt à San Diego en 2002, à l’âge de 72 ans, une mort prématurée due de la poussière de polyester qu’elle respirait pendant la création de ses sculptures.
On ne peut résumer son œuvre et ce qu’elle a apporté au monde de l’art en quelques mots. Véritable artiste féministe rebelle, Niki de Saint Phalle était plein de choses : mannequin, plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice. Comme les Nanas, ses créations les plus connues, Niki était surprenante, complexe et libre. L’artiste refusa même la légion d’honneur, en 1987.
Sources :
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