Un soir d’automne 1666, un boulanger de Londres oublia d’éteindre son four. Bilan ? Plus des trois-quarts de la ville partis en fumée. Si les explications et les responsables sont aujourd’hui bien connus, le récit de la catastrophe est toujours aussi triste. Revenons ensemble sur les raisons et les conséquences de ce malheureux événement.
Londres et l’Angleterre au XVIIe siècle
Londres, au XVIIe siècle, est un centre urbain chargé. En effet, la capitale peut se targuer d’être la plus grande ville de Grande-Bretagne. Cette dernière ne compte pas moins de 500 000 habitants, exactement comme Paris à la même époque. Mais l’aménagement urbain est très différent. Ce dernier, anarchique, est le fruit d’une évolution démographique non contrôlée.
En effet, l’étalement urbain de Londres est très conséquent. La vieille ville est toujours à l’étroit des remparts de l’époque romaine, tandis que les faubourgs miséreux se développent tout autour. Conséquence de cet étalement : la ville de Westminster finit par être englobée par Londres. Si l’on considère que Londres n’est que la cité antique au sein des remparts, alors il ne s’agit que de 80 000 habitants pour 3 km². Avec la proche Tamise, ce cœur de cité constitue l’âme économique et commerciale de la capitale. Ainsi, elle comprend le plus grand port et le plus grand marché de toute l’Angleterre.
De plus, l’écrasante majorité des habitations sont des bâtisses en bois, collées les unes sur les autres. Il faut dire que la croissance démographique n’a pas laissé le choix aux pouvoirs publics : il faut construire vite et efficace, chaque m² compte. Enfin, que fait-on lorsqu’il faut loger beaucoup plus de personnes dans un petit périmètre ? On construit en hauteur ! C’est ce qui se passe à Londres, où les bâtiments s’élèvent sur presque sept étages. Ces étages supérieurs présentent des encorbellements afin de disposer de plus d’espace en hauteur. Ainsi, dans les ruelles les plus étroites, il peut arriver que deux maisons en face l’une de l’autre soit sur le point de se toucher.
Des risques d’incendies
Des maisons en bois collées les unes aux autres sont déjà un bel exemple de ce qu’il ne faut pas faire en termes d’urbanisme. Mais cela était sans compter sur un bon nombre d’autres aberrations dans le centre londonien. Ainsi, des professions théoriquement interdites en ville sont tout de même présentes, comme les fonderies, les forges ou encore les vitriers. De plus, on trouve des magasins de combustibles, ainsi que des magasins de poudres à canon le long des quais. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
Le grand incendie de Londres
D’un bête accident…
Les choses dérapent malencontreusement une nuit d’automne en 1666, dans l’atelier de Thomas Farynor. Ce dernier, boulanger, a oublié de bien éteindre son four et part se coucher. Vers 2 h du matin le dimanche 2 septembre 1666, l’incendie prend au rez-de-chaussée et la famille Farynor s’échappe de justesse chez les voisins d’à côté. Le gardien de la paix arrive une heure après et constate qu’il faut détruire la bâtisse et les maisons adjacentes pour stopper la propagation.
Mais les propriétaires voisins refusent. On est alors forcé d’aller réveiller le maire. Le temps de dépêcher ce dernier, le feu s’est déjà propagé. Il progresse alors dangereusement vers les quais. Arrivé sur place, le maire Thomas Bloodworth estime que l’incendie est mineur et refuse toute démolition. Il repart chez lui pour se recoucher devant des pompiers médusés qui exigeaient alors, par expérience, la destruction du bâti voisin.
Le feu se propage vite durant la matinée, à cause d’un fort vent d’est. Les gens fuient leurs domiciles et errent dans les rues, badant devant les flammes. Cela ne facilite pas la circulation des voitures pompes et des équipes de démolition. Passé midi, on commence enfin à prévenir le roi Charles II de ce qu’il se passe. Ce dernier propose son aide, mais elle est refusée. Il faut dire que Londres est un bastion « républicain » et le monarque n’est pas très bien perçu alors. De nombreux bâtiments continuent de brûler, ainsi que des églises. Lorsque le roi vient constater les dégâts dans la soirée à bord de sa barge royale, il constate que le maire ne fait rien. Il outrepasse donc son autorité pour ordonner une série de destructions, afin de freiner la propagation du feu. Mais il est déjà trop tard…
… à une catastrophe
Le feu, en atteignant les quais, fait exploser un à un les magasins et entrepôts. Des morceaux enflammés, portés par le vent, traversent la Tamise et vont déclencher de petits incendies, comme dans le centre financier par exemple. La grande cathédrale Saint-Paul se voit aussi détruite. Au total, ce sont plus de 150 hectares qui partent en fumée entre le dimanche avant l’aube et le mercredi au soir. Le bilan humain officiel ne fait état que de 8 morts.
C’est bien en dessous de la réalité, car il faut prendre en compte ceux morts a posteriori dans les camps de réfugiés et ceux n’ayant pas passé l’hiver suivant, faute de toit et de moyens. De plus, on se base sur les cadavres RETROUVÉS calcinés. Quid des nombreux pauvres gens littéralement consumés par une chaleur ayant atteint entre 1200° et 1600° au cœur du brasier, et dont il ne reste rien ? Sans exagérer, on doit en réalité être plus proche des centaines voir milliers de victimes, plutôt que juste « 8 ».
Concernant les dégâts matériels, ils sont immenses. On parle de plus de 13 000 maisons, 87 églises paroissiales, 44 maisons de guilde, la Bourse de commerce (Royal Exchange), la cathédrale Saint-Paul, plusieurs prisons, ainsi que d’anciennes portes de ville…
Les conséquences
On cherche alors de nombreux coupables. D’abord, on évoque la négligence du maire… Puis, on trouve un bouc émissaire avec un Français simple d’esprit qu’on fait pendre avant de réaliser qu’il était arrivé à Londres deux jours après le début de l’incendie… On finit par dénoncer un complot des catholiques.
Puis, vient le temps de la reconstruction. Celle-ci est difficile, les gens ont fui ailleurs, la main-d’œuvre nécessaire à la reconstruction n’est plus là. On reconstruira d’ailleurs en pierre, et non plus en bois. Exit également les rues étroites. La ville a donc subi deux catastrophes en deux ans, à cause de sa surpopulation et de son hygiène urbaine douteuse. En effet, en 1665 avait lieu une grande épidémie de peste qui emporta environ 80 000 personnes.
Ce drame humain et matériel aura eu beaucoup d’impact sur le développement de Londres et de l’Angleterre en général. Véritable tragédie, on retiendra la leçon de ne pas mêler mauvais urbanisme et élection d’un maire idiot. On vous laisse avec le projet de reconstitution 3D des rues de la capitale britannique avant le grand incendie. Il s’agit de l’œuvre de six étudiants qui ont répondu à un concours d’un studio de jeux vidéo.
10 Replies to “Londres : retour sur le grand incendie qui ravagea la ville en 1666 !”