Hot Milk ! Voilà un titre bien intriguant pour un premier film magnétique signé Rebecca Lenkiewicz. Entre sable brûlant et mer opalescente, une plongée dans un des longs-métrages les plus singuliers de cette semaine, porté par son merveilleux trio d’actrices : Emma Mackey, Fiona Shaw et Vicky Krieps !
« Hot Milk » : entre chaud et froid…
Avant Hot Milk le film, il y avait Hot Milk le livre. Un roman paru en 2016 de l’autrice comparée un temps à la seule et unique Virginia Woolf : Deborah Levy. Un roman magnétique et multi acclamé, qui trouve entre les mains de la scénariste Rebecca Lenkiewic une réinterprétation imparfaite, mais néanmoins captivante.
Celle dont la plume avait brillé en 2022 avec She Said, ou le récit de l’investigation contre les agissements du producteur Harvey Weinstein à l’origine du ras de marrée #MeToo, passe pour la première fois derrière la caméra et prouve encore son habilité à manier les mots de ses protagonistes féminines.

Synopsis : » Par un été étouffant, Rose (Fiona Shaw) et sa fille Sofia (Emma Mackey) se rendent à Almeria, une station balnéaire du sud de l’Espagne. Elles viennent consulter l’énigmatique docteur Gómez (Vincent Perez), qui pourrait soigner la maladie de Rose, clouée à un fauteuil roulant. Sofia, jusque-là entravée par une mère possessive, s’abandonne au charme magnétique d’Ingrid (Vicky Krieps), baroudeuse qui vit selon ses propres règles. Tandis que Sofia s’émancipe, Rose ne supporte pas de voir sa fille lui échapper – et les vieilles rancœurs qui pèsent sur leur relation vont éclater au grand jour… »
La réalisatrice, sous un soleil cuisant qui ne peut que nous rappeler la splendide photographie du touchant Kyuka : avant la fin de l’été, se place dans les yeux de sa protagoniste principale : Sofia interprétée par Emma Mackey. Un choix judicieux qui charrie, à travers les mouvements de l’actrice, des questionnements centraux tels que l’émancipation féminine, la maltraitance, le désir ou encore la codépendance toxique. Sofia, serveuse et étudiante en anthropologie, suffoque dans cette atmosphère irrespirable autant qu’elle étouffe sous les mots de sa mère qui n’hésite pas à continuellement la rabaisser tout en la gardant auprès d’elle.
La prison de Sofia se reflète par conséquent dans chaque détail de la mise en scène. De cette mer/mère qu’elle ne peut franchir, car remplie de méduses toxiques, jusqu’au leitmotiv du chien en laisse qu’il faut libérer à tout prix…
Un soin tout particulier sur le fond et la forme, qui peine néanmoins à faire le lien entre les deux. Hot Milk s’attarde, dans un sens, un peu trop sur cette envie d’installer dans une ambiance suffocante quitte à devenir trop lisse, un peu trop cryptique. Un symptôme incarné par le personnage d’Ingrid, mystérieuse et envoûtante au point d’en devenir un poil abstraite.

Emma Mackey : une Sorcière Blanche envoûtante au pays d’un soleil brulant !
Ces problèmes de rythmes n’occultent néanmoins pas le cœur d’Hot Milk, composé de Sofia et sa mère. Une force indéniable qui réside dans le talent des trois actrices principales et notamment Emma Mackey, future Jadis ou la Sorcière Blanche, qui s’autorise une escapade ensoleillée avant le retour au pays de Narnia que Greta Gerwig s’apprête à adapter au cinéma.
Hot Milk est le récit de l’émancipation de Sofia. De sa mère, mais également du reste de son entourage. L’habilité de l’écriture de Rebecca Lenkiewicz passe alors par sa capacité à mener le public sur la fausse piste du destin de la jeune femme.

Sofia commence à se détacher de sa mère au moment où son désir pour Ingrid commence à croître. L’esquisse d’un destin romantique qui se brise quand on comprend que l’héroïne sera éternellement condamnée à toujours devoir se dévouer aux autres, sans jamais penser à elle-même.
Sa rébellion n’en devient que plus cathartique jusqu’à un climax ô combien clivant. En somme, une narration en dents de scie. Perdue entre des fulgurances impactantes et quelques longueurs légèrement plombantes. La réalisation Rebecca Lenkiewicz souffre par conséquent des faiblesses que l’on peut facilement accorder à une première réalisation.
Que pouvons-nous retenir d’un Hot Milk si troublant ? Encore une consécration pour le talent (que Martin Bourboulon n’avait pas su exploiter avec son Eiffel) d’Emma Mackey ainsi qu’un film aussi imparfait que captivant. Aussi cryptique que sincère.
Un ovni dans la galaxie des sorties de cette semaine à découvrir le 28 mai au cinéma. Hot Milk, un film de Rebecca Lenkiewicz d’après le roman éponyme de Deborah Levy avec Emma Mackey, Fiona Shaw et Vicky Krieps…