Ni biopic, ni documentaire, Eiffel est une fiction librement inspirée de faits réels. Si le film est très documenté par soucis de réalité historique, c’est avant tout une histoire d’amour couplée à un film d’aventure que nous livre Martin Bourboulon, son réalisateur. Précédemment aux commandes du film Papa ou Maman, Martin Bourboulon quitte ici le registre de la comédie pour retracer l’épopée de la construction du plus célèbre monument français. À découvrir actuellement dans les salles obscures.
Avec ce film, la volonté du réalisateur est de cultiver vraisemblance et modernité. Un pari réussi, notamment grâce à un casting efficace. Romain Duris en Gustave Eiffel et Emma Mackey en Adrienne Bourgès, son amour de jeunesse perdu, forment un duo qui fonctionne et dynamise les quelques longueurs du scénario.
Entre dame de fer et dame de cœur
Avec Romain Duris pour jouer Gustave Eiffel, Martin Bourboulon nous propose un héros Shakespearien, qui doit surmonter difficultés et sacrifices personnels afin d’atteindre son but. En effet, les problématiques de la construction d’une tour de 300 mètres en plein Paris, sur un sol marécageux, furent réelles et sont très bien expliquées dans le film. D’autres en revanche, sont prétextes à la mise en scène d’un homme face à son destin, qui doit choisir entre le cœur et la raison, entre l’amour et l’ambition.
Aux périples du chantier se mêlent donc la passion entre Gustave Eiffel et Adrienne Bourgès, fille d’une riche famille bordelaise. L’ingénieur rencontre la jeune femme lors de son premier grand projet, la construction du pont ferroviaire de Bordeaux, et en tombe amoureux. Leur histoire est impossible, mais des années plus tard, cet amour contrarié va porter le projet de la tour au-delà des attentes.
Si une liaison entre les deux jeunes gens eut bel et bien lieu, peu d’éléments subsistent quant à l’issue de leur amour. Vous l’aurez compris, avec Eiffel, Martin Bourboulon mêle faits historiques et romance fictionnelle. Un cocktail qui a déjà fait ses preuves avec le film Titanic, que le réalisateur n’hésite d’ailleurs pas à mentionner comme référence.
Un duo qui fonctionne
Eiffel est une belle épopée romanesque qui compte toutefois quelques longueurs sur la première partie du film, notamment lors des scènes entre Eiffel et Adrienne. Un début un peu lent, qui se pardonne grâce à la complicité et la justesse des deux acteurs. Puis par la deuxième partie du film, lorsque les problématiques de l’homme se mêlent à celles de l’ingénieur. Le récit prend de la profondeur et parvient à ménager le suspense, alors même que l’issue du chantier est connue de tous.
Romain Duris incarne à l’écran un Gustave Eiffel dynamique et moderne. L’acteur insuffle à son personnage vigueur et témérité. Des qualités que l’on associe facilement à l’ingénieur de génie qu’était Gustave Eiffel. Par ailleurs son alchimie avec sa partenaire à l’écran, Emma Mackey, emporte facilement le spectateur dans cette histoire d’amour tumultueuse. À propos du choix de l’acteur, Martin Bourboulon raconte :
Romain a quelque chose de très ambivalent en lui ; il est rock et moderne dans sa gestuelle comme dans sa manière de se mouvoir dans l’espace, mais porte aussi magnifiquement le costume d’époque. Il a quelque chose de très romantique que je souhaitais aussi pour cette histoire d’amour, et il sait tout jouer !
Premier film français pour Emma Mackey
Quant à sa partenaire à l’écran, Emma Mackey, connue pour son rôle dans la série Netflix, Sex Education, fraîcheur et émotion sont au rendez-vous. Pour la jeune femme, d’origine franco-britannique, la proposition du film arrive au moment où ses envies se tournent vers le cinéma français. Une belle opportunité qu’elle n’hésite donc pas à saisir « ne pouvant rêver d’un film plus français ». Elle raconte à propos de ses premiers pas sur le tournage :
J’appréhendais les premiers jours de tournage comme si je devais prouver quelque chose tant à moi-même qu’à tous ces gens qui font du cinéma depuis des années et pouvaient fort justement se demander ce que cette actrice de série Netflix faisait là ! (…) Mais je pense que mon innocence a été mon atout majeur dans toute cette aventure. Elle m’a portée, jamais bloquée.
Découverte par hasard par la productrice du film Vanessa Van Zuylen, qui voit en elle la future Meryl Streep, Emma Mackey signe une arrivée réussie dans l’univers du cinéma français.
« Rester vraisemblable mais vivant »
La belle patine historique, les costumes et les décors réalistes, portés sans désuétude, font gagner au film authenticité et esthétisme. Les effets spéciaux sont toujours en arrière-plan. Ils apportent la véracité et le grandiose, nécessaires à la réalisation du projet, sans nuire à l’esprit intimiste du film. Martin Bourboulon tient sa promesse d’un film à grand spectacle. Il délaisse la mise en avant des prouesses techniques au profit de l’immersion du spectateur. Les scènes semblent captées sur le vif.
L’esthétisme et le grain privilégiés assument qu’Eiffel est un film d’époque avec une touche de modernité. Afin de capter son public, le réalisateur souhaite surtout « rester vraisemblable mais vivant ». Par exemple, certaines libertés sont prises sur le port des costumes, moins conventionnel et guindé qu’à l’époque. Martin Bourboulon raconte :
Je tenais, lorsque Eiffel harangue la foule, qu’il soit chemise ouverte et le col relevé. Cela lui allait mieux, il était plus héroïque, et aussi plus sexy ! Je pense que dans la réalité, Eiffel était dans un uniforme plus guindé….
Si Eiffel n’est pas un film historique au sens propre du terme, il expose aux spectateurs les enjeux du chantier et lève les mystères sur sa construction par Gustave Eiffel, qui avait initialement refusé le projet. Un soudain revirement qui s’expliquerait, selon la scénariste Caroline Bongrand, par le retour d’Adrienne dans sa vie. Se serait-il senti capable de l’impossible, poussé par son amour retrouvé ? Souhait-il rendre hommage à sa muse ? Si le film propose une version, quelques mystères demeurent…
One Reply to “« Eiffel » de Martin Bourboulon est une belle épopée romanesque [critique]”