« Tous les matins du monde » (1991) : un film mystérieux et fascinant à (re)découvrir

"Tous les matins du monde" (1991) : un film mystérieux et fascinant à (re)découvrir

Tous les matins du monde est à la base un roman de Pascal Quignard qui a été écrit en substitut du scénario suite à un échange entre lui et Alain Corneau. Il voulait un scénario, mais Quignard ne savait pas en rédiger, il a donc écrit un livre.

Ce film a gagné 7 Césars en 1991, dont 1 pour la musique de l’immense Jordi Savall, chef de file de la popularisation de la musique de la Renaissance et de la musique baroque. Il est celui qui remet en lumière la viole de gambe, l’instrument au cœur de ce film.

Tous les matins du monde tourne autour de Jean de Sainte-Colombe et de Marin Marais, un des artistes des plus prolifiques, 600 compositions environ pour Marin Marais et environ 300 pour Sainte-Colombe. L’existence de ces artistes est avérée : la mention de Jean de Sainte-Colombe se trouve dans des écrits de Rousseau et l’on peut retrouver des portraits de Marin Marais.

"Tous les matins du monde"

À la fin de sa vie, Marin Marais (1656-1728), violiste des XVIIe et XVIIIe siècles, se remémore ses souvenirs de jeunesse et en particulier son apprentissage de la viole de gambe auprès de son maître, Monsieur de Sainte-Colombe (vers 1640-vers 1700), et de ses deux filles, Madeleine et Toinette.

Un casting d’une virtuosité rarement égalée (même si l’affiche est ternie par un acteur désormais controversé) :

  • Jean-Pierre Marielle dans le rôle de Monsieur de Sainte-Colombe
  • Gérard Depardieu dans le rôle de Marin Marais adulte
  • Guillaume Depardieu dans le rôle de Marin Marais jeune
  • Anne Brochet dans le rôle de Madeleine, la fille de Sainte-Colombe
  • Carole Richert dans le rôle de Toinette, la seconde fille de Sainte-Colombe
  • Michel Bouquet dans le rôle de Lubin Baugin, le peintre
  • Caroline Sihol dans le rôle de Madame de Sainte-Colombe

C’est un périple qui commence par la perte. La perte de l’amitié et de l’amour. Sainte-Colombe n’est plus l’ami, il n’est plus le mari, il ne sera même plus le père, il doit devenir autre chose. Il délaisse la vie familiale, entame sa renaissance de musicien, celui qui fait de l’art, celui qui est créateur. Il entame une quête intérieure, 15h d’exercice par jour dans une forme de voyage psychique.

Jean-Pierre Marielle est magnifique dans ce rôle si complexe, c’est aussi l’occasion d’apprécier le talent de Guillaume Depardieu, malheureusement décédé. C’est aussi un film plein d’espoir. Tous les matins du monde aborde des sujets comme le pardon, la transmission du savoir et l’amour familial. 

Tous les matins du monde - affiche
Tous les matins du monde – affiche

Tous les matins du monde, un film plein de détails

Le film est truffé de références historiques très précises. On retrouve notamment un professeur janséniste. Le jansénisme est une doctrine disant que Dieu octroie la grâce à des personnes sans qu’on ne sache pourquoi. Le salut ne viendra pas de nos actions sur terre. On peut ne pas gagner son paradis, mais le perdre, en embrassant la vanité de l’ici-bas.

L’enseignant vient de Port-Royal, un monastère fondé par l’abbé de Saint-Cyran qui en construira une annexe dirigée par Angélique Arnaud (proche de Jansen, celui à qui on attribue cette doctrine) où gravitait toute la sphère janséniste. On y retrouvait des théologiens majeurs. Antoine Arnaud, l’auteur de la bible en français Isaac le Maître de Sacy.

Des références musicales jalonnent également Tous les matins du monde. Jean de Sainte-Colombe joue souvent le Tombeau des regrets. Un tombeau est un type de morceau particulier. Il était composé en hommage à un grand personnage ou à un collègue musicien (maître ou ami), aussi bien de son vivant qu’après sa mort.

Contrairement à ce que le nom de ce genre musical pourrait laisser penser. Il s’agit généralement d’une pièce monumentale, de rythme lent et de caractère méditatif, non dénuée parfois de fantaisie et d’audace harmonique ou rythmique.

En bref, Tous les matins du monde est soit détesté, soit apprécié, car il rend le spectateur actif. La clef du film n’est pas offerte et réside dans une approche émotionnelle. C’est long, c’est peu cadencé, c’est un film qui se ressent et qui se contemple. C’est un voyage qui fait naître la fascination et l’émotion chez celui qui veut bien s’en rapprocher et se laisser conquérir. 

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La bande-annonce de Tous les matins du monde:

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