Durant la deuxième moitié des années 2010, une série inspirée du monde de la piraterie durant son âge d’or et étonnamment produite par Michael Bay allait redéfinir la vision que l’on pouvait avoir de cette période en y apportant sa propre nuance. Retour sur une série quelque peu oubliée, mais dont la légende ne fait que croître.
Un univers cohérent et une histoire inspirée
Avant toute chose, Black Sails propose une immersion de qualité, malgré un budget limité au vu des ambitions du projet. Au fil des 4 saisons, le public est invité à marcher dans les rues agitées de Nassau, près des bords de plage des Caraïbes et à bord des voiliers pirates, anglais et espagnols du monde de la piraterie. Il est vrai que les effets spéciaux sont parfois trop visibles à l’écran, mais le tout est vite pardonné face au travail effectué autour de la conception de cet univers aujourd’hui disparu.
Nous sommes littéralement parmi eux avec des décors qui nous font croire à son existence et à sa crédibilité malgré son léger côté artificiel. On ne peut que saluer la reconstruction de ces machines de guerre navale, avec parfois des plans saisissants de bateaux réellement immergés dans ces océans sans horizon et porteurs d’aventure. C’est ce qui fut une de ses plus grandes forces et la fit devenir un incontournable si on cherche à découvrir le monde de la piraterie sur une si grande durée.
Black Sails est une série immersive qui possède une histoire avec un début et une fin et qui ne cherche pas à raconter plus qu’elle ne le souhaite. Elle sait où elle veut nous amener et le fait en prenant le temps de tout détailler. Le début de la première saison met certes du temps à venir à l’essentiel, mais ce passage est nécessaire pour implanter le contexte, les personnages et leurs caractéristiques propres.
Ce que les créateurs Jonathan E. Steinberg et Robert Levine finissent par mettre en place tout le long de cette saison est un jeu de dupes et de trahisons basé sur un intérêt personnel pour chaque personnage et le tout en devient jouissif à regarder et captivant. Chaque protagoniste possède une personnalité propre et offrira une appréciation différente aux yeux des spectateurs.
La narration choisie pour cette première saison rappelle sur quelques points la trame du film Pirates des Caraïbes : Jusqu’au Bout du Monde, notamment le triangle scénaristique à base de tromperies et de manipulations avec d’un côté les pirates menés par Jack Sparrow et Elizabeth Swann, de l’autre l’équipage de Davy Jones et enfin la Compagnie des Indes avec Lord Beckett à sa tête.
Même si le budget alloué est moindre et le côté fantastique absent, on retrouve dans Black Sails la même ambition dans la montée des tensions jusqu’au final du huitième épisode qui prouve toute l’hypocrisie et les faux-semblants sur lesquels est bâtie cette nation pirate avec des fondations extrêmement fragiles, mais qui font la force de ce monde de piraterie.
On sent que les créateurs se sont grandement inspirés de L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson, œuvre déjà source de nombreuses inspirations, en reprenant tout d’abord les personnages composant ce roman, comme le capitaine Flint ou encore Long John Silver, et en approfondissant les caractéristiques viles et cruelles de ses personnages hauts en couleur.
C’est alors que la deuxième saison vient rabattre toutes les cartes. Derrière cette image se cachent des hommes et femmes, avec des forces et des faiblesses, qui essaient de trouver un sens à tout cela. Dans cette saison 2, les scénaristes prennent le temps de développer en profondeur les protagonistes pour approfondir leur réflexion autour de ces pirates qui se battent pour un brin de liberté dans un monde cadenassé par le contrôle et la suprématie des grandes nations de leur époque.
À la suite du renouvellement de la série, on ressent une montée en gamme dans la production avec l’arrivée de nouveaux décors et un étoffement autour de la conception de l’univers. Malgré quelques facilités scénaristiques du côté du développement de Charles Vane durant cette saison 2, la conclusion permet de faire monter les enjeux et de délivrer un final prenant et poignant qui donne envie de voir la suite en mettant en place des prémices intrigantes.
La saison 3 amène une histoire qui provoque une certaine confusion, en tout cas pour ce qui concerne sa première partie. Après avoir suivi des pirates qui prenaient toujours les devants et porteurs d’action, cette pénultième saison nous les montre sous un jour nouveau qui décontenance. Ils se requestionnent et stagnent face à un ennemi qui souhaite lancer un ultime assaut face à la menace qu’ils représentent.
L’arrivée de Barbe Noire, incarné par Ray Stevenson, renforce cette stagnation via sa propre personnalité, celle d’un pirate sur le déclin et désabusé. Cela surprend sur le papier quand on s’intéresse un tant soit peu à ce capitaine qui mettait en scène chacun de ses abordages avec une énergie inégalée, ce qui construira sa propre légende aux yeux du monde. On s’aperçoit tout de même que ce bref passage d’introspection et de remise en question participe à ce retour en grâce proposé par les derniers épisodes de cette saison, surtout avec ce très bon plan-séquence durant la capture du coffre au trésor.
La saison 4 continue sur la même lancée que les 3 précédentes en délivrant une conclusion douce-amère, à l’image de la série et en faisant avancer les différents pions de l’échiquier de la manière la plus cohérente possible et en proposant des revirements bienvenus chez certains personnages de la série.
Des personnages approfondis et touchants
Black Sails, c’est une histoire, mais surtout des personnages. La série propose un développement très abouti et minutieux tout le long des 4 saisons. Même les protagonistes les moins intéressants et clichés au premier abord connaissent une caractérisation approfondie au fur et à mesure des saisons, à l’image de Billy et de Charles Vane. Ce dernier offre en premier lieu une proposition un poil faiblarde mais finit par devenir une figure forte et marquante au cours de la deuxième et troisième saison.
Le duo formé par Jack Rackham et Anne Bonny finit par s’installer dans le cœur des spectateurs et a procuré une certaine empathie face à leur projet et leur volonté de s’affranchir du poids du passé notamment concernant Jack, lequel sera au centre de toute la vision tournant autour de sa propre légende et de celle des pirates qui aboutit à une scène lourde de sens et magistrale durant ses aventures dans le Nord de l’Amérique au cours de la saison 4.
Les personnages d’Eleanor Guthrie et de Max sont peut-être les seuls qui connaissent une appréciation et un développement variable. En effet, Eleanor possède tout le long de la série une personnalité très prononcée qui déclenche des changements majeurs et l’amène ainsi à devenir quelque peu l’antagoniste principale. Toutefois, son développement prend réellement le large dès sa rencontre avec Woodes Rogers et cela permet de la voir enfin évoluer. Du côté de Max, une fois l’histoire tournant autour du trio formé par elle, Rackham et Bonny en partie terminée, son intérêt s’amoindrit par rapport au reste du casting.
Long John Silver et le capitaine Flint sont certainement les personnages qui valent la peine à eux seuls de tenter l’expérience du visionnage de Black Sails. Leur évolution en parallèle est un exemple à suivre de caractérisation et de développement dans le cadre d’une série. Nos avis changent graduellement face à ce que la série nous montre à l’écran.
La première apparition de Flint nous impressionne dès les premières secondes, aidée par la prestation impeccable de Toby Stephens, et à l’image de l’équipage du Walrus, nous sommes à la fois fascinés et énervés face à ses agissements tout le long de la première saison et également prêts à le suivre jusqu’au bout du monde s’il le fallait face à cette force de conviction qui fait déchaîner les océans et les nations ennemies.
Ce qui prouve tout le génie des créateurs à la barre de la série se trouve dans son développement au cours de la saison 2 avec le couple Hamilton. La révélation en milieu de saison fait basculer toute l’opinion que l’on pouvait avoir face à lui et ouvre de nouvelles portes de compréhension encore inconnues, ce qui débouche vers une plus grande appréciation à son égard.
Long John Silver, quant à lui, est le personnage par lequel l’audience est accueillie durant les premières saisons par le biais de son arrivée dans l’équipage et la découverte qui s’en suit. C’est certainement le personnage qui comprend le plus l’univers dans lequel il se trouve et qui en joue le plus pour arriver à ses fins et finalement devenir le protagoniste principal dans les dernières saisons. Les pérégrinations de ces deux personnages tout le long de la série est un véritable plaisir à suivre avec son lot de coopération et de coups dans le dos, mais avec toujours en toile de fond cette entente mutuelle pour aboutir vers un objectif commun.
Black Sails n’est pas qu’une série sur le monde de la piraterie, c’est également une série abordant les trajectoires empruntées par les protagonistes pour échapper à un monde qui cherche à les exclure. C’est une véritable fuite en avant avec un désespoir présent à chaque seconde mais caché par une volonté de réaliser le rêve d’une ville libre de toute contrainte et indépendante du reste des empires coloniaux.
Il existe dans ces 4 saisons et notamment au cours de la saison 2 un fond mélancolique dans lequel chacun des personnages principaux plonge pour nous faire découvrir l’âme derrière la légende que l’on connaît aujourd’hui. Les thèmes écrits et composés par Bear McCreary renforcent le tout et réussissent à encapsuler cette émotion pour mieux la retranscrire aux spectateurs attentifs. La série finit par nous rendre nostalgiques d’un monde que l’on pense connaître mais qui a depuis longtemps disparu.
La série Black Sails propose une ambition peu atteinte dans le monde des séries contemporaines et réussit à capturer avec brio un âge d’or faisant partie aujourd’hui des livres d’Histoire et offrant un terreau peuplé de mystères, d’hommes et de femmes cherchant à s’affranchir d’un monde qui ne leur correspondait pas. Comme représentants, les jeux vidéo ont Assassin’s Creed IV Black Flag et les séries ont Black Sails.
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