Il y eut une période où Disney ne rimait qu’avec inventivité. Un jour où le studio aux grandes oreilles sortit presque simultanément deux de ses plus grandes œuvres injustement oubliées : L’Atlantide l’Empire Perdu et sa petite sœur, La Planète au Trésor. L’histoire d’un naufrage titanesque, qui marquera la fin d’une ère d’expérimentation chez Disney.
Il était une fois, Robert Louis Stevenson au pays des étoiles
Ça commence toujours de la même façon… Le premier chapitre de la Planète au Trésor se dessine bien avant sa sortie, en 1985. À cette époque, les studios Disney semblent bien loin de la période de trouble qu’ils connaitront dans les années 2000. Les années 80 auréolent la firme de gloire avec des œuvres majeures telles que La Petite Sirène ou Aladdin, fruit de la collaboration étroite entre deux réalisateurs chevronnés : John Musker et Ron Clements.
Ces deux réalisateurs, en plein Age de la Renaissance, voient grand pour l’avenir de Disney. Tous deux rêvent d’un nouveau projet : une adaptation science-fiction en dessin animé du célébrissime roman d’aventures de Robert Louis Stevenson : L’île au Trésor. Un projet bien trop lunatique et décalé au goût du PDG de l’époque, Micheal Eisner. Mais le duo tient à son propos, jusqu’à le représenter trois fois de suite au pragmatique PDG. Une tactique qui finit par payer. Musker et Clements pourront réaliser leur étrange idée de « L’île au Trésor dans l’espace » à une seule condition : achever la comédie musicale animée Hercules.
Hercules sort en 1997, son succès est plus que mitigé, mais qu’à cela ne tienne ! La Planète au Trésor verra le jour ! Elle racontera l’histoire du jeune et rebelle Jim Hawkins, un habitant de la planète Mandragore qui un jour croise la route du mourant Billy Bones. Celui-ci lui remet alors une carte, celle de la mythique « Planète au Trésor ». Pour Jim Hawkins, c’est le signe de sa destinée glorieuse ! L’heure est venue pour lui d’embarquer sur le RLS Héritage de la capitaine Amélia en compagnie de son ami de toujours, le Dr. Delbert Doppler. « Le Butin de mille univers » est à portée de main. À voir si le nouvel ami de Jim, Long John Silver, rencontré sur le navire, l’aidera à le trouver ou à lui dérober.
La Planète au Trésor : histoire d’un naufrage
Nous sommes en 2002, à peine un an après l’échec d’Atlantide l’Empire Perdu, mais seulement quelques mois suivant le raz-de-marée Lilo et Stitch. Il y a donc une chance sur deux de voir La Planète au Trésor prendre son envol ou s’écraser au sol. La deuxième option sera malheureusement son destin…
La sortie de La Planète au Trésor est probablement l’un des pires naufrages des studios Mickey. Le film ne rapporte que 110 millions de dollars de recettes sur un budget de 140 millions. Un four monumental et cela malgré des critiques plus qu’enthousiastes et une nomination de l’œuvre pour l’Oscar du meilleur film d’animation.
Qu’est-ce qui explique le bide stratosphérique d’un film qui à ce jour, fait partie des films Disney les mieux notés sur Rotten Tomatoes avec plus de 70 % d’avis positifs ? Plusieurs facteurs. Certains accuseraient, comme pour Taram et le Chaudron Magique, un positionnement flou du film sur son public cible. Un film trop sombre pour un spectateur enfantin métaphorisé par l’âge « avancé » (15 ans au lieu de 12 à l’origine) de Jim ou la traumatisante scène du mort de Mr. Arrow, et trop juvénile pour un public mature. Un film qui tranche avec l’univers sucré du club Mickey.
Seulement, le succès de films comme Le Bossu de Notre-Dame semble avoir prouvé le contraire. Alors, certains parlent seulement d’un chef-d’œuvre sorti au mauvais moment. D’un film qui n’a pas su faire face à la concurrence d’une sortie le même jour que Harry Potter à l’École des Sorciers et la nouveauté de l’animation 3D proposée par les premiers volets de Toy Story et Shrek. La Planète au Trésor, c’est le dernier signe d’un changement d’époque, d’un déclin de l’animation 2D. La Planète au Trésor est peut-être l’œuvre qui laissera à Raiponce en 2010 le soin de prendre son envol en rétablissant l’hégémonie Disney via la 3D.
» Ses visuels technologiquement avancés et la poignance de ses conflits interpersonnels en font une brillante anomalie dans la constellation de l’animation du début des années 2000 qui méritait de s’envoler. »
Le New York Times en 2022 après une rétrospective de La Planète au Trésor
La Planète au Trésor : le joyau perdu des cartons Disney
Nous avons revu pour les soins de cet article La Planète au Trésor en 2024. Qu’en avons-nous pensé ? Un chef-d’œuvre injustement oublié !
La Planète au Trésor est sans conteste l’un des films les plus émouvants de toute l’histoire de Disney. La cause à une narration simple qui souligne avec brio l’écriture subtile de ses personnages. La quête de « La Planète au Trésor » est un MacGuffin dont Hitchcock pourrait être fier, tant toute la narration se met au service de l’évolution psychologique de ses personnages principaux : Jim Hawkins et Long John Silver. Jim est un jeune homme en perte de repères qui retrouvera une stabilité auprès de ce Long John Silver, archétype même du Jedi Gris !
L’histoire simple d’une rédemption, de la quête d’une filiation soulignée par une animation parfaite et un univers orignal travaillé. Pour créer le monde dans lequel évolue Jim Hawkins, les réalisateurs ont pris le soin de réaliser un espace à la frontière du Steampunk et de la science-fiction. Une application brillante de la règle des 70-30 (70 % de réel et 30 % d’imaginaire) au service de la création immersive d’un cosmos fait d’extraterrestres et de trous noirs effrayants. Une maturation du récit alliée à une maitrise impeccable d’une fusion de la 2D et 3D. Certains plans ont mal vieilli, mais bon sang, qu’est-ce que c’est bon !
Des scènes traumatisantes, une cohérence totale, une fin réaliste et une des chansons les plus prenantes de tout le catalogue Disney ! Rien à redire, La Planète au Trésor reste et restera une de ces œuvres les plus injustement sacrificiées sur l’autel de la rentabilité !
Comme Taram et le Chaudron Magique, La Planète au Trésor a également fait l’objet de rumeurs à propos d’un remake live action. Une bonne idée dans un sens. Ce chef-d’œuvre mérite une renaissance ! Que justice lui soit faite !
Sources :
- La Planète au Trésor : les raisons d’un échec – Radio Disney Club
- L’échec du film « La Planète au trésor » pèse sur les bénéfices de Disney – Les Echos
- ‘Treasure Planet’ at 20: Disney’s Failed Space Odyssey Deserved to Soar – The New York Times
- Why ‘Treasure Planet’ Was Such a Spectacular Sci-Fi Flop – Collider