« Attention voici Yzma. Elle est la preuve vivante que les dinosaures ont existé sur la terre. » Une ligne de dialogue iconique qui ne peut appartenir qu’à un seul film de toute la filmographie Disney : Kuzco l’Empereur Mégalo. Un long-métrage, qui à l’aube des années 2000, enterre les grandes fresques chantantes des années 90 pour rentrer un des âges les plus innovants de toute l’histoire du studio.
Kuzco l’Empereur Mégalo : ou Manco et Le Royaume du Soleil.
C’est en 1994 que l’idée d’un film rendant hommage aux civilisations précolombiennes germe. Le projet est ainsi imaginé par Roger Allers, réalisateur auréolé de gloire après le succès du Roi Lion. Le pitch est alors simple : faire une réadaptation du célèbre conte de Mark Twain Le Prince et le Pauvre sous les traits d’un riche empereur inca et de son modeste sujet. Une fresque épique qui, à l’époque, se rapprochait plus d’une narration type Bossu de Notre-Dame que celle du groove de l’empereur que nous connaissons. Kuzco l’Empereur Mégalo s’appelait d’ailleurs à l’époque Le Royaume du Soleil.
Première version du synopsis : Le jeune empereur Manco (Kuzco) croise la route du paysan Pacha, à qui il se ressemble comme deux gouttes d’eaux. Lassés de leurs vies respectives, les deux hommes échangent leurs places. La sorcière Yzma profite alors de la situation pour fomenter un plan diabolique. Elle transforme Manco en Lama et utilise Pacha pour s’emparer du trône et faire disparaître à jamais le soleil : responsable de sa vieillesse. Un film bien loin de son script final…
Sting est ainsi convoqué pour créer la bande originale des nouvelles aventures du Quasimodo inca. Il compose six chansons, dont celle de la classique exposition des plans du méchant aux spectateurs.
Comme pour le futur Atlantide : l’Empire Perdu, on se rend au Pérou pour étudier l’architecture et les coutumes de la civilisation inca. Une production fluide et limpide qui va bientôt commencer à se fracturer.
Les ennuis commencent quand on impose à Roger Allers de nouveaux délais plus serrés et un nouveau coréalisateur : Mark Dindal ! Un duo marqué par une mésentente totale qui aboutira à la démission pure et simple d’Allers. Mark Dindal se retrouve seul aux commandes. Il est jeune et surtout très ambitieux ! Le Royaume du Soleil ne doit pas être une énième fresque épique à la Howard Ashman et Alan Menken ! Il doit faire du neuf pour ce nouveau siècle !
Exit alors Le Royaume du Soleil et bonjour le déjanté Kuzco l’Empereur Mégalo ! Nouveau script : Kuzco un jeune et égocentrique empereur est transformé par vengeance en lama par la jalouse Yzma. Échappant de peu à la mort, le souverain croise la route de l’altruiste paysan Pacha. Pacha accepte que ramener Kuzco chez lui à une condition : que celui-ci devienne enfin une bonne personne.
The Sweatbox : la rupture avec l’Age de la Renaissance des années 90.
À la fin des années 90 Disney, c’est l’incarnation même du romantisme. Des grandes envolées lyriques, des décors monumentaux et des scènes dramatiques. Une décennie faite d’œuvres comme Aladin, La Belle et la Bête ou Le Roi Lion… Seulement, l’aube du second millénaire marque un véritable tournant pour le studio aux grandes oreilles. Le public se lasse, veut du neuf, du moderne. L’heure est venue de laisser l’Age de la Renaissance de côté pour foncer tête baissée dans une nouvelle ère plus expérimentale.
On présente ainsi la version définitive de Kuzco l’Empereur Mégalo à Michael Eisner, PDG de Disney et le verdict est sans appel. Kuzco est considéré comme abominable et ne disposera ainsi que d’un budget marketing limité. Le film sort au cinéma et le bouche-à-oreille fait son effet. Il fonctionne sans être un triomphe.
Certains voient alors en Kuzco le début d’une mutation de Disney. Une hypothèse confirmée par la réalisation d’un documentaire sur les coulisses de la production du film par la compagne de Sting : Trudie Styler. The Sweatbox filme alors une salle de projection où les membres de l’équipe du film présentent, dans une atmosphère plus que tendue, leurs travaux aux grands patrons de la firme. Un film accablant, témoin d’un relâchement artistique de l’entreprise sur un marché où DreamWorks commence à se faire une place.
Le film prédit la zone de flou que traversera Disney et sera, pour ce méfait, rayé du circuit cinématographique. Aujourd’hui The Sweatbox n’est disponible que sur le marché illégal de la vidéo. Kuzco l’Empereur Mégalo cristallise donc deux symptômes : celle d’un studio en perte de vitesse, prisonnier du lourd héritage des succès des années 90 et celle d’une nouvelle équipe d’animateurs animée par l’envie de créer de nouvelles choses, d’expérimenter.
Kuzco l’Empereur Mégalo : le film le plus hilarant des studios Disney.
Alors qu’est-ce que ça vaut Kuzco l’Empereur Mégalo en 2024 ? Eh bien c’est un film simple, rapide et efficace.
Kuzco l’Empereur Mégalo est probablement le film le plus hilarant de toute l’histoire des studios Disney. Une gaité ravageuse portée par un phrasé exceptionnel et des punchlines au double sens merveilleusement écrites. Un film à l’humour noir prononcé, qui sait s’adresser autant aux petits qu’aux grands.
Une œuvre qui rigole de ses propres lacunes narratives et trous de scénario qui le submergent. Un langage ouvertement méta, presque parodique des autres classiques d’animation made in Disney. On ne se prend pas trop au sérieux et c’est une véritable bouffée d’air frais après la noirceur totale des films Disney précédents. Un projet oubliable par la simplicité de son scénario, mais emblématique par son autodérision.
Une œuvre sans chichi, se reposant essentiellement sur la qualité et l’écriture de ses personnages hauts en couleurs. Une atmosphère camp absolument grisante. Kuzco, ce n’est pas le scope de de Taram et le Chaudron Magique ou la richesse des détails de La Belle au Bois Dormant. Kuzco c’est avant tout, beaucoup de plumes, de paillettes et un maximum de fun.
Kuzco L’Empereur Mégalo était en avance sur son temps. Quelques années avant Shrek ou l’Age de Glace, cette œuvre oubliée de tiroirs de Disney, montrait que l’humour gras et parodique était la nouvelle formule du succès. Simple par son animation, mais culte en son âme.
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