Sorti dans les salles françaises le 29 novembre 2023, Wish : Asha et la Bonne Étoile, était le film de célébration des 100 ans de la Walt Disney Compagny. En effet, le célèbre studio aux grandes oreilles a fait ses premiers pas le 16 octobre 1923 à Los Angeles. Réalisé par Chris Buck (La Reine des neiges) et Fawn Veerasunthorn, le long-métrage a malheureusement reçu des retours majoritairement négatifs, de la presse comme des spectateurs. Pourtant, il demeure un sujet d’analyse fascinant, aussi bien artistiquement que de par le contexte de sa sortie.
Aujourd’hui, pas de critique du film à proprement parler (puisqu’une chronique à ce sujet a déjà été faite). Nous vous proposons plutôt d’analyser la portée du film, sa dimension d’héritage, et voir ainsi, comment, en 100 ans, Disney a évolué et s’est adapté aux questionnements contemporains.
Wish : 100 ans de Disney
En 100 ans d’animation, le studio Disney a eu le temps d’évoluer, de faire des erreurs, d’insérer des clichés, et de proposer des aventures variées et différentes. Ainsi, Wish : Asha et la Bonne Étoile se voulait comme la synthèse parfaite et éloquente de 100 ans d’évolution, et surtout des changements politiques et sociaux de ces dernières années. Le film coche toutes les cases d’un programme nouvellement éthique, diversifié, que certains qualifieraient de « woke », bien que ce terme soit profondément galvaudé (plus de détails sur ce terme dans cet article).
Déjà, la représentation des protagonistes et l’inversion des rapports de force sont au centre de Wish. On le sait, on le répète, mais nos héros ont changé. Aujourd’hui, nous sommes à des années lumières de la représentation de l’homme blanc cisgenre, le Prince riche et beau, héros d’une histoire de sauvetage. Ici, plus de Prince au grand cœur qui vient sauver sa dulcinée en détresse.
En effet, à l’inverse des clichés servis encore et encore depuis un siècle, le Prince est ici la représentation du méchant, de l’antagonisme. Une représentation de la masculinité toxique, voire de l’impérialisme blanc. Ce n’est pas pour rien que le méchant de notre histoire est un homme blanc, riche, hétérosexuel, hiérarchiquement bien placé et qu’il combat une femme issue de la minorité. La symbolique est ici lourde de sens.
Ce n’est certes pas très subtil, mais l’idée est bien là. C’est la femme contre l’homme, la minorité contre la masse, le féminisme contre le machisme, le rêve contre l’industrie, le peuple contre la classe dirigeante… Une inversion des rapports de force qui doit d’ailleurs beaucoup à Shrek. Après tout, le film DreamWorks est l’un des premiers à faire du Prince Charmant le méchant, et de faire de la Princesse une héroïne badass et indépendante (même si elle tombera sous le charme de Shrek).
Dans Wish : Asha et la Bonne Étoile, pas d’histoire d’amour, pas de romance, pas de mariage, et bon Dieu que ça fait du bien ! Notre héroïne a d’autres ressorts scénaristiques, et c’est rafraîchissant. Quant à sa représentation, le film doit évidemment beaucoup à La Princesse et la Grenouille (2009) qui mettait en scène, pour la toute première fois de l’histoire de Disney, une Princesse noire.
Mais ce n’est évidemment pas la seule à être représentée. On trouve dans Wish : Asha et la Bonne Étoile des personnages issues de chacune des minorités, nouveau miroir d’une société qui est en train de changer et d’une industrie qui s’adapte à de nouveaux critères d’inclusion, plus ou moins bien dépendamment des œuvres.
Un parallèle méta avec l’industrie hollywoodienne
Évidemment, Wish : Asha et la Bonne Étoile conserve quelques clichés inhérents au genre. Comme d’habitude, le long-métrage est ponctué de chansons plus ou moins réussies, plus ou moins pédagogues, et plus ou moins moralisatrices. Comme d’habitude, Wish : Asha et la Bonne Étoile présente les personnages typiques du genre, avec des animaux qui parlent et une jolie petite mascotte. Comme d’habitude, l’univers des Princes, des Princesses, des châteaux et de la magie est au cœur du récit. Des éléments symptomatiques d’un manque cruel de renouvellement de la part de Disney et plus largement de l’industrie hollywoodienne dans son ensemble.
Si le film se veut dans l’ère de son temps, il manque cependant d’originalité, de rythme, d’âme, de tempo, ce qui explique les retours majoritairement négatifs… Ou comment Disney se cache derrière un vernis progressiste, pour prévenir son manque de renouvellement thématique et esthétique. Ou comment ces questionnements sociétaux sont mis en place comme vitrine plutôt que comme véritable éléments scénaristiques. Ce qui est, fondamentalement, le nouveau problème de l’industrie hollywoodienne : un manque total de renouvellement et des formules qui sont répétées à l’infinie (oui le MCU on parle notamment de toi).
On peut également voir dans Wish : Asha et la Bonne Étoile un parallèle avec la manière dont Disney gère son business. Le personnage du méchant Roi est évidemment une allégorie des producteurs. Les vœux sont une métaphore des productions Disney. Et Asha est la personnification du public. On découvre ainsi un méchant Roi qui joue avec les vœux de son peuple. Comprendre de méchants producteurs qui font n’importe quoi avec nos licences, nos classiques, notre enfance.
Asha, qui est donc l’audience, ici représentée par une femme noire, comme prétexte à l’ouverture culturelle pour faire entendre les minorités, longtemps mises de côté par l’industrie. Celle-ci va ainsi intervenir pour sauver les vœux des mains du Roi. Une manière pour le film de nous raconter comment le public peut avoir un poids sur l’industrie hollywoodienne. Que l’inclusion a désormais une influence sur la manière dont les films sont construits. Et que, finalement, le pouvoir est entre nos mains.
Bon, bien évidemment, tout ceci est parfois un peu hypocrite. Difficile, toujours, de savoir où se situe la spontanéité, la véracité, face à l’opportunisme mercantile. Prenons l’exemple de Black Panther. Est-ce réellement une démarche politique, « woke », qui prône une meilleure représentation des ethnies à l’écran ? Ou est-ce simplement une stratégie marketing pour rapporter de l’argent à Disney ?
La frontière est parfois difficile à cerner, et il nous faut généralement regarder du côté des créatifs derrière chaque projet, pour nous faire un avis au cas par cas. Reste cependant à savoir si cette démarche permet réellement de faire avancer la cause, et permet une réelle meilleure représentation à l’écran, ou si tout ceci est vain…
En tout cas, Wish : Asha et la Bonne Étoile est un excellent exemple de film dans l’ère de son temps. Un film représentatif de notre époque contemporaine et du fonctionnement de l’industrie cinématographique américaine. Un film plein de paillettes, avec de vraies tentatives thématiques, mais qui s’écroule parfois sous son propre poids… Dans tous les cas, il s’agit d’une œuvre fascinante dans sa construction, qui représente la transition qui tente de s’opérer dans le milieu hollywoodien, avec plus ou moins de succès. Wish : Asha et la Bonne Étoile est à (re)découvrir en DVD, blu-ray et en 4K UHD. Et pour les collectionneurs, une édition steelbook est également disponible.
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One Reply to “Comment 100 ans de Disney ont influencé « Wish : Asha et la Bonne Étoile » ?”