« Black Panther » de Ryan Coogler est inégal mais grandiose ! [critique]

"Black Panther" de Ryan Coogler est inégal mais grandiose ! [critique]

En ce mercredi de Saint-Valentin paraîtra le très attendu Black Panther, fameux premier blockbuster super-héroïque « noir ». Après une année 2017 très inégale (voire mauvaise) au sein du MCU, Black Panther vient apporter des thématiques fortes au sein de cet univers. Malheureusement, celles-ci se trouvent émaillées par un rythme inégal et un formatage inhérent au Marvel Cinematic Universe. Focus ! 

Un rythme inégal mais crescendo 

Comme évoqué ci-dessus, Black Panther souffre d’un problème de rythme, certes pas flagrant, mais tout de même assez malvenu. Toutefois, force est de constater que ce problème n’est décelable que lors de la première moitié du film, la seconde étant réellement agréable à suivre. Là où la première partie du film semble peiner à enchaîner ses scènes, la seconde nous offre un spectacle digne des meilleurs films du MCU, tout en soumettant un propos social et géo-politique fort intéressant. Dommage que ce propos ne soit pas exploité à fond et reste en surface, laissant très vite sa place au grand spectacle.

Mais malgré une première partie peinant à trouver son tempo, on ne peut qu’apprécier la mise en contexte du Wakanda et de sa population. Tout est introduit de manière claire, de sorte que nous ne nous demandons jamais qui est qui ou quelles sont les forces en présence. Cela sauve cette première partie moyennement rythmée, tout en mettant en place les divers éléments qui seront intéressants lors de la seconde moitié de l’histoire. Au final, le film s’en sort correctement niveau écriture, même si certains points auraient mérité un peu d’améliorations. Fort heureusement, ce rythme inégal dénoncé est rattrapé par un propos qui n’avait pas été abordé depuis un moment dans le Marvel Cinematic Universe.

Un propos social et géopolitique 

Qu’il est bon de retrouver de véritables thématiques au sein du MCU. Si on peut reprocher le manque de développement de ces divers sujets, on ne peut que saluer leur présence. Car nous n’avions pas retrouvé de propos social réellement intéressant dans cette saga depuis un bon bout de temps (le dernier film intéressant à ce sujet étant surement Civil War). Ici, nous sommes confrontés à deux sujets qui, s’ils sont distincts, n’en demeurent pas moins corrélés :

  • La discrimination ethnique ayant eu (et ayant encore) lieu aux Etats-Unis vis-à-vis des noirs.
  • Le manque de représentation de l’Afrique sur la scène politique internationale. Problème auquel se couple l’ingérence occidentale présente sur ce continent.

Marvel's Captain America: Civil War Black Panther/T'Challa (Chadwick Boseman) Photo Credit: Film Frame © Marvel 2016

Là où le propos trouve toute sa force, c’est dans les solutions qu’il propose face à cette discrimination. Le film pointe du doigt l’esprit revanchard de certaines communautés afro-américaines, considérant que la violence est le seul moyen de se faire respecter des blancs qui les ont asservis. Cependant, l’oeuvre propose une solution bien plus pacifiste, prônant l’entraide entre les communautés afro-américaines, ainsi que le rapprochement entre les diverses cultures (sans distinction de couleurs ou de classes sociales). Si le message peut paraître naïf, il est toujours bon de le véhiculer, surtout dans une Amérique profondément divisée socialement (et qui n’est pas aidée par son gouvernement aussi haineux que clivant).

Concernant les ingérences occidentales et le manque de représentation de l’Afrique sur la scène internationale, le film semble inviter les pays africains à se mettre sur le devant de la scène. Il semble également inviter les pays occidentaux à s’intéresser à ce continent (autrement que pour ses ressources) et à rechercher l’échange, plutôt que l’exploitation. Ceci est d’ailleurs très bien retranscrit par le passage de T’Challa à l’ONU, dans lequel un certain mépris de la classe occidentale est encore palpable. Malgré le traitement un peu caricatural de cette scène, le discours du Roi du Wakanda n’en demeure pas moins juste. Certaines phrases de ce discours sont même particulièrement fortes, laissant d’ailleurs transparaître un violent tacle envers l’administration Trump (on ne vous en dit pas plus, vous les découvrirez vous-même). En bref, de bien beaux thèmes qui mériteraient d’être approfondis dans la suite des aventures de la Panthère Noire.

Une esthétique impeccable 

Black Panther est l’un des plus beaux films du MCU parus à ce jour. Outre les décors africains magnifiques et parfaitement iconisés par Ryan Coogler, ce dernier s’est également attelé à créer une ambiance à l’esthétique impressionnante. On pensera bien sûr aux costumes colorés, mélangeant la tradition africaine à un style vestimentaire ultra-moderne. On peut également noter les présentations aériennes du Wakanda, retranscrivant parfaitement la puissance et la modernité de cette cité cachée. La puissance africaine est d’ailleurs représentée en permanence via ses décors, qu’ils s’agisse de ceux urbains, ou de ceux plus naturels qui nous font ressentir la puissance brute et indomptée de ce continent. Les décors de science-fiction sont également très harmonieux, donnant envie de posséder des technologies similaires à celle du Wakanda. Mais le plus impressionnant concernant l’esthétique réside dans d’autres scènes plus particulières…

C’est surtout l’esthétique fantastique qui est la mieux gérée, via un incroyable mélange d’aurores boréales et de nature africaine. Les scènes allégoriques dans lesquelles nous retrouvons ce type de décors sont tout bonnement féeriques. Ajoutez à cela toute la symbolique inhérente à Black Panther et vous obtenez des scènes aussi sublimes que puissantes émotionnellement. Probablement le point le mieux géré du film. Cette symbolique n’est d’ailleurs pas sans rappeler Le Roi Lion, ce qui nous fait nous demander comment Jon Favreau gérera l’esthétique du Roi Lion en live-action qu’il est en train de réaliser… Affaire à suivre !

Un casting sous-exploité 

Black Panther jouit d’un excellent casting, malheureusement sous-exploité au profit du grand spectacle. Chadwick Boseman (qui tient le rôle de la panthère noire depuis Civil War) nous offre une prestation des plus correctes, aidée par son charisme naturel. Andy Serkis, l’acteur virtuel le plus connu du monde (pour ses rôles de Gollum, César dans la Planète des Singes et King Kong) nous offre quant à lui une prestation teintée de cabotinage, ce qui est dommage quand on sait à quel point cet acteur est capable d’être subtil. A sa décharge, il semble s’éclater dans ce rôle de méchant, ce qui nous fait lui pardonner l’exagération de sa prestation.

Michael B. Jordan n’est également pas au top de sa forme en tant que méchant, bien qu’il soit pourtant un acteur très doué (ayant d’ailleurs déjà fait ses preuves aux côtés de Ryan Coogler dans Creed – L’héritage de Rocky Balboa). Celui-ci est un peu trop caricatural. Il ne parvient à retranscrire la complexité émotionnelle de son personnage que de manière assez aléatoire, ce qui est  regrettable quand on sait son talent. Il est agréable de retrouver Forest Whitaker ainsi que Martin Freeman, mais ceux-ci ne sortent pas du type de rôles qu’ils ont chacun l’habitude d’interpréter. Il n’y a donc pas grand chose à dire à leur sujet, si ce n’est qu’ils sont corrects tous les deux.

En soit, aucun acteur n’est foncièrement mauvais dans son rôle. Cependant, la plupart d’entre-eux se complaît dans un jeu stéréotypé, ne nous aidant pas à oublier que nous regardons un film du MCU parmi tant d’autres.

Une chose très positive est à noter cependant concernant le casting : la forte présence féminine. N’en déplaise à certaines personnes dénigrant le problème, la gent féminine est encore trop sous-représentée dans le cinéma. Ce problème de représentation est d’autant plus décelable dans les films de super-héros, dans lesquels les femmes n’ont que de rares occasions de s’épanouir. Ici, les femmes sont très correctement représentées, aussi bien dans des rôles de guerrières, que dans des rôles d’ingénieures ou encore de matriarches fortes. Laetitia Wright est juste parfaite dans son rôle de Shun, la sœur espiègle et intelligente du Black Panther. Danai Gurira est impeccable dans son rôle de guerrière fidèle au Wakanda, malgré les doutes qui l’assaillent quand à la légitimité du dirigeant. Lupita Nyong’o n’est pas vraiment mémorable dans ce rôle stéréotypé de « love interest » qu’est Nakia, mais elle a le mérite d’être elle aussi une femme très forte, s’éloignant du cliché de la demoiselle en détresse. Espérons que cette correcte représentation des femmes dans un film de super-héros ouvre la voie à des films leur étant dédiés au sein du MCU !

Black Panther est un véritable vent de fraîcheur au sein du Marvel Cinematic Universe. Malgré quelques défauts celui-ci nous offre un spectacle grandiose agrémenté de thématiques intéressantes. Espérons maintenant qu’elles seront développées dans les suites, afin que ce personnage ne s’embourbe pas dans le modèle classique (voire éculé) des sagas super-héroïques. 

Bande-annonce Black Panther :