Tout a commencé avec une attraction culte des parcs Disneyland… En 2003, personne n’imaginait que Pirates des Caraïbes, manège popularisé dans les années 60, allait devenir l’un des piliers du cinéma d’aventure du XXIe siècle. Pourtant, sous l’impulsion de Disney, du réalisateur Gore Verbinski et d’un Johnny Depp en état de grâce, la saga s’est imposée comme un phénomène unique en son genre. Aujourd’hui, on passe en revue les cinq opus de la saga Pirates des Caraïbes, de son apogée jusqu’à son triste déclin…
Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl : le début d’une saga légendaire
Difficile à croire aujourd’hui quand on sait le succès de cette saga, mais le succès de Pirates des Caraïbes n’était pas du tout assuré pour les studios Disney. Au contraire, le film s’annonçait comme un pari extrêmement risqué, dans la mesure où les films de pirates sont généralement de véritables gouffres financiers. Cependant, la compagnie aux grandes oreilles a su faire les choses correctement pour nous offrir un film qui a surpris l’industrie, tout en lançant une saga culte. Ainsi, à une époque où le film de pirates semblait mort et enterré à Hollywood, cette adaptation d’attraction a surpris tout le monde.
Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl est un véritable petit bijou de film d’aventures. Gore Verbinski signe un divertissement élégant et nerveux, dopé par un équilibre quasi-parfait entre humour, aventure et fantastique. L’intrigue, centrée sur une légende de pirates maudits, reste simple, mais diablement efficace. De surcroît, le film parvient à imposer un ton unique : irrévérencieux, exubérant, mais jamais absurde. L’humour n’est pas là pour désamorcer le drame (oui, oui Marvel, c’est à toi qu’on pense là…), mais bel et bien pour accompagner l’intrigue.
Tout est réuni pour nous offrir du grand spectacle comme on l’aime. Des décors sublimes, une musique parfaitement orchestrée, un rythme rondement mené et des personnages hauts en couleur… Tellement hauts en couleur que l’un d’entre eux est devenu l’un des plus emblématiques de tout Hollywood : Jack Sparrow, interprété par un Johnny Depp au sommet de son art. Bref, plus de 20 ans après sa sortie, ce premier opus reste un parfait exemple de comment lancer une saga et un univers fantastique. Et grâce au succès du film, Disney avait une nouvelle franchise sur laquelle capitaliser.
Pirates des Caraïbes 2 : Le Secret du coffre maudit : encore plus grand, encore plus fort
Trois ans plus tard, Disney remet le couvert et voit les choses en grand… En très grand ! Le Secret du Coffre Maudit étend l’univers du premier film avec une ambition démesurée et la saga semble entrer en état de grâce. Gore Verbinski revient aux commandes et pousse au maximum les curseurs du fantastique : Davy Jones, son navire hanté, son équipage de mutants marins et son Kraken deviennent les nouvelles icônes horrifiques de la saga. Le film multiplie les arcs narratifs, introduit des enjeux plus sombres, et joue à fond la carte du feuilleton rocambolesque. C’est dense, parfois même un peu trop, mais toujours spectaculaire.
Jack Sparrow est plus cabotin que jamais, mais son rôle devient plus trouble, presque shakespearien. L’humour est omniprésent, mais contrebalancé par une véritable mélancolie. La malédiction du cœur de Davy Jones, les dilemmes amoureux, la fatalité qui pèse sur chaque personnage… On frôle la tragédie grecque, mais avec des pirates et un melting-pot de légendes du monde entier. Une fois encore, la mise en scène est généreuse. Certains la qualifieraient d’excessive, mais elle traduit bien la folie grandissante de cet univers où la démesure est devenue le maître-mot.
Bref, avec cette suite, Disney parvient à transformer l’essai et la saga devient incontournable dans le cinéma d’aventures. Plus que des blockbusters, les Pirates des Caraïbes deviennent les films d’une génération, aux côtés des sagas Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux. Le film cartonne au box-office, et la « mort » de Jack Sparrow laisse les spectateurs.trices sur leur faim, laissant peser beaucoup d’attentes autour d’un troisième opus.
Pirates des Caraïbes 3 : Jusqu’au bout du monde : du chaos naît le sublime
Tourné dans la foulée du précédent, Pirates des Caraïbes : Jusqu’au bout du monde joue la carte du grand final épique. Trop, diront certains. Avec ses 2h48, il frôle l’indigestion narrative : complots, trahisons, doubles jeux, mythologies pirates obscures, résurrections improbables… Tout y est. Pourtant, malgré sa complexité, le film parvient à clore les arcs narratifs de la saga avec une grandeur indéniable. Le duel final entre la flotte de la Compagnie des Indes et celle des pirates, au cœur d’un tourbillon géant, reste l’un des moments les plus spectaculaires de la saga.
Ce volet marque aussi une rupture de ton. Moins léger, plus grave, il dresse le portrait d’un monde pirate en voie d’extinction. Jack Sparrow y est cette fois moins central, tandis que le couple Will/Elizabeth gagne en profondeur et en tragédie. Là encore, certains lèveront les sourcils face au manque de subtilité et au pathos de certaines scènes, mais le résultat final est sans appel : cette histoire d’amour est aussi rondement menée que l’action et la mythologie.
Avec ce film, on sent la volonté de finir sur une note à la fois épique, dramatique et mythologique. Comme si Verbinski voulait définitivement inscrire son triptyque dans une forme de légende moderne. En ce sens, Jusqu’au Bout du Monde est imparfait, mais reste cohérent et brille par la démesure de ses ambitions. Bref, c’est un point final comme on les aime. Si seulement cela avait été un point final…
Pirates des Caraïbes 4 : La Fontaine de jouvence : quand la franchise devient une vache à lait
Quatre ans après cette « conclusion » épique, Disney tente de relancer la machine avec La Fontaine de Jouvence. Le problème, c’est que le cœur battant de la saga a disparu. Gore Verbinski n’est plus là, tout comme le couple Will et Elizabeth. Ne reste que Jack Sparrow, propulsé personnage principal à part entière… sans réel contrepoids. Le film se concentre sur la quête de la Fontaine de Jouvence, avec Barbe Noire en antagoniste fade, et Pénélope Cruz en love interest, certes charismatique, mais peu intéressant.
Rob Marshall, connu pour ses comédies musicales (Chicago), peine à capturer l’esprit iconoclaste et grandiose de la trilogie originale. La mise en scène est plus sage, l’univers aseptisé, et les scènes d’action manquent de souffle. Le film donne l’impression d’être conçu autour de Jack Sparrow, mais sans comprendre ce qui faisait sa force : il fonctionnait en réaction aux autres, mais il n’est pas intéressant en solo, ou accompagné par des personnages ayant la même moralité que lui.
C’est là l’un des grands déséquilibres de ce quatrième opus : l’absence criante de Will Turner et Elizabeth Swann. Ce n’est pas simplement une affaire de nostalgie ou de casting. C’est une question d’équilibre narratif. Dans les trois premiers volets, ces deux personnages formaient bien plus qu’un couple. Ils incarnaient une thématique fondamentale : l’idéalisme face à la corruption. Will et Elizabeth étaient les piliers moraux de cette odyssée, malgré le fait qu’ils aient dû se salir les mains. Ils incarnaient l’idée qu’on pouvait évoluer dans un monde de pirates sans perdre son humanité. Ils étaient le contrepoids de l’énergie chaotique de Jack Sparrow. Le trio formait une alchimie où chacun révélait les failles de l’autre.
Jack Sparrow n’était pas le héros de Pirates des Caraïbes. Il était plutôt la figure trouble, qu’on tolérait parce qu’il faisait avancer les choses, toujours sur le fil entre le bien et le mal. Sans Will et Elizabeth, ce fil se brise et il n’est plus qu’un pirate sans morale, entouré d’autres pirates sans morale… Bref, l’équilibre de la saga est brisé. Les personnages sont moins intéressants, l’alchimie quasi inexistante, la production design fait « carton-pâte » et les scènes d’action sont oubliables. Le film n’est pas catastrophique, mais il est symptomatique d’une franchise en perdition et qui navigue sans boussole.
Pirates des Caraïbes 5 : La Vengeance de Salazar : l’accident industriel
Six ans plus tard, alors que la saga commence déjà sérieusement à sentir le moisi, Disney tente un dernier coup de poker avec La Vengeance de Salazar. L’objectif ? Ramener du sang neuf avec Henry, le fils peu charismatique de Will Turner, et Carina Smyth, une astronome qui se veut rebelle mais qui n’est qu’un archétype éculé et presque insultant de demoiselle en détresse. Ils feront face à Salazar, un capitaine fantôme passablement grotesque, et seront accompagnés d’un Jack Sparrow qui n’est plus qu’une caricature de lui-même. Il faut dire que Johnny Depp était probablement aussi ivre que son personnage quand il tournait le film, ce qui n’a pas dû aider…
Les nouveaux personnages ne sont que des archétypes sans le moindre intérêt. Henry Turner est une photocopie sans relief de son père, avec une coupe de cheveux aussi lisse que son caractère. Quant à Carina Smyth, censée incarner une femme de science audacieuse, elle n’échappe pas au cliché de la « femme forte » vaguement féministe mais totalement instrumentalisée par l’intrigue. Mais si La Vengeance de Salazar a laissé un goût amer, ce n’est pas seulement car c’est un mauvais film, porté par des personnages inintéressants. C’est aussi car ce long-métrage piétine allègrement l’héritage de la saga.
Le scénario accumule les incohérences jusqu’à l’absurde, comme si le film ne cherchait plus à respecter la logique interne de son univers. Le Trident de Poséidon (un artefact magique sorti de nulle part) est censé annuler toutes les malédictions en un claquement de doigts. Une solution paresseuse, qui permet d’effacer 15 ans de mythologie et de cohérence en un claquement d’effets spéciaux… Et le film se contredit lui-même dans sa scène post-générique, puisqu’il nous tease le retour de Davy Jones, visiblement encore maudit (alors que TOUTES les malédictions marines du monde sont censées être levées).
Quant au grand méchant Salazar, il n’a ni la profondeur tragique de Davy Jones, ni le charisme de Barbossa : c’est un fantôme hurlant, vidé de toute nuance. Même Geoffrey Rush, pourtant toujours excellent, semble fatigué dans le rôle de Barbossa, que le film sacrifie d’ailleurs dans un final bâclé et larmoyant, sans impact réel. Le tout dans une débauche d’effets numériques dégoulinants, bien loin de la beauté des décors des premiers opus. Chaque scène semble surchargée de CGI au point d’en devenir illisible.
Johnny Depp, quant à lui, semble se désintéresser de son propre personnage. Ce Jack Sparrow version 2017 n’a plus rien du pirate rusé et imprévisible des débuts. C’est désormais une caricature ambulante, réduite à des grimaces, des balbutiements alcoolisés et des chutes grotesques. Son charisme s’est évaporé, remplacé par un cabotinage mécanique qui fatigue autant qu’il déçoit. Ce Jack-là ne fait plus rêver, il nous lasse, voire nous énerve. Johnny Depp a créé un personnage culte, il l’a aussi tué.
En bref, Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar symbolise tout ce que Hollywood fait de pire quand il ne sait plus comment entretenir une franchise : flatter la nostalgie, multiplier les clins d’œil creux, le tout en vidant l’univers de sa substance et en flinguant la continuité. À force de vouloir tirer sur la corde, Disney a fini par rompre le mât. La saga Pirates des Caraïbes était un navire majestueux, elle n’est désormais plus qu’une épave…
On ne veut pas d’un Pirates des Caraïbes 6, on veut un reboot (ou bien qu’on laisse la saga reposer en paix)
La saga Pirates des Caraïbes a désormais plus de 20 ans. Une génération est passée depuis le début de cette aventure et, désormais, le cinéma a profondément changé, pour le meilleur comme pour le pire… Les franchises ont pris le contrôle d’Hollywood, les effets spéciaux numériques sont omniprésents et le streaming assoit sa domination d’année en année.
Relancer la saga Pirates des Caraïbes telle qu’elle était auparavant n’aurait pas beaucoup de sens. Surtout que l’on pouvait voir, dans la trilogie d’origine, une sorte de métaphore du déclin du cinéma « à l’ancienne », incarné par la fin de l’âge d’or de la piraterie.
Sans parler du casting, qui aurait bien besoin d’un coup de jeune, afin de créer des icônes pour une nouvelle génération. Ainsi, ne vaudrait-il pas mieux abandonner l’idée d’un Pirates des Caraïbes 6 pour repartir sur des bases fraîches ? Plusieurs projets ont été évoqués ces dernières années, mais sans vraiment aboutir. On pense notamment au spin-off (ou reboot) porté par la talentueuse Margot Robbie, ou encore au scénario écrit par Craig Mazin showrunner des séries acclamées The Last of Us et Chernobyl. De quoi susciter notre intérêt, après le naufrage des deux derniers opus.
Quoi qu’il en soit, la saga Pirates des Caraïbes reste aujourd’hui comme une des plus emblématiques de toute l’histoire du cinéma. Et après avoir été inspirés par les parcs Disneyland, ces derniers ont adapté leurs attractions afin de s’inscrire dans la continuité des films. La boucle est désormais bouclée. Et vous alors ? Aimeriez-vous voir la saga revenir au cinéma ?
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