Alors que Peter Jackson a fait ses adieux à la mythologie du Seigneur des Anneaux en 2014, l’univers de Tolkien est de retour ce mercredi dans les salles obscures. En effet, Kenji Kamiyama (Ghost in the Shell: SAC 2045, Blade Runner : Black Lotus, Star Wars : Visions) a été chargé de réaliser un nouveau long-métrage dans l’univers du Seigneur des Anneaux. Mais cette fois-ci, en animation, sous le regard attentif de Peter Jackson, désormais producteur.
Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim prend place 183 années avant les événements de La Communauté de l’Anneau. Le récit raconte la guerre qui survient, dans le Gouffre de Helm, entre la Maison de Helm Poing-de-Marteau, roi de Rohan, et le terrible Wulf, qui veut se venger de la mort de son père. L’intrigue se concentre majoritairement sur Hera, la fille de Helm, qui va devoir redoubler d’efforts pour sauver son peuple.
L’animation, bonne ou mauvaise idée ?
Franchement, on ne l’avait pas vraiment vu venir ce Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim. Annoncé il y a peine trois ans par New Line Cinema, le projet a autant inquiété qu’intrigué. Ce qu’il faut savoir, c’est que New Line Cinema a produit Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim pour conserver les droits d’exploitation de la licence de Tolkien. Plus par obligation que par choix, la productrice Phillipa Boyens (déjà en action sur les trilogies de Peter Jackson) a donc décidé de se tourner vers l’exploitation de la japananimation pour offrir une approche différente et inédite.
Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim n’est cependant pas la première adaptation en animation du Seigneur des Anneaux. Dans les années 1970, déjà, Ralph Bakshi avait proposé Le Seigneur des Anneaux en film d’animation. Une version méconnue et difficilement disponible. Mais, dans tous les cas, après les masterclass de Peter Jackson, c’est assez compliqué de changer de médium.
Artistiquement, La Guerre des Rohirrim n’est clairement pas dénué de faille. Même si l’animation propose un style graphique assez séduisant, certaines impressions ne sont pas toujours à la hauteur. Et constamment, La Guerre des Rohirrim souffre de la comparaison avec la trilogie originale. Difficile de rivaliser avec les maquettes, les costumes et les décors somptueux mis en place par l’équipe de Jackson à l’époque.
Surtout que Kenji Kamiyama décide de conserver l’identité des six films précédents. Il copie-colle les décors bien connus de notre jeunesse (le gouffre de Helm en tête), pour les transposer assez paresseusement dans l’univers de l’animation. Et c’est ce coup de coude permanent à l’univers de Peter Jackson qui dessert le film.
Heureusement, l’animation des corps, très fluide, rattrape parfois des plans larges pas totalement maîtrisés. Cependant, les combats, très nombreux et assez généreux, ont la fluidité nécessaire pour créer un souffle épique indispensable à toute adaptation de Tolkien. Difficile de s’ennuyer face à un rythme resserré, des fulgurances de violence bienvenues et des fresques guerrières largement convaincantes.
Une animation assez sobre, un peu old-school, dont l’esthétique et l’univers rappelle d’autres franchises bien connues comme Berzerk et The Witcher, dont l’adaptation Le Cauchemar du Loup pourrait totalement s’ancrer dans un univers commun avec La Guerre des Rohirrim.
Une intrigue efficace, qui va à l’essentiel
Là où les scénaristes Jeffrey Addiss et Will Matthews ont été malins, c’est qu’ils ont présenté une toute nouvelle héroïne aux spectateurs. Sans nom dans les livres de Tolkien, Hera est une protagoniste largement convaincante, qui a tout de suite séduit la productrice Phillipa Boyens :
Ce qui nous a tout de suite intéressés dans cette histoire qui figure dans les appendices des livres, c’est cette fille sans nom et que j’ai trouvée, en tant que femme scénariste, vraiment intrigante et captivante. Elle joue un rôle central dans le conflit et pourtant, elle n’a pas de nom.
C’est vrai que les deux trilogies de Peter Jackson, aussi brillantes soient-elles, manquaient un peu de personnages féminins réellement impactants. Ici, c’est chose faite. Hera est une guerrière épique, charismatique, dont les thématiques contemporaines en font une figure moderne instantanée de la pop culture.
Les notions d’indépendance, d’égalité des sexes, d’héritage, d’affranchissement sont au centre de la trajectoire de Hera, qui, malheureusement, dans la première partie du film n’existe que dans l’ombre de ses homologues masculins. Heureusement, Kenji Kamiyama parvient à inverser la tendance dans la deuxième moitié du film. Et surtout, le temps d’un dernier combat captivant, mêlant guerre psychologique et affrontements physiques.
Un simple fan-film ?
Malheureusement, Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim ne sort jamais réellement des sentiers battus. Son prisme animé ne semble être qu’un prétexte, qu’une vitrine, pour nous faire avaler un semblant de nouveauté. Fondamentalement, La Guerre des Rohirrim ne se contente que de recycler les poncifs de l’univers de Tolkien. La preuve notamment dans la bande son, qui remixe le score original iconique d‘Howard Shore, de manière impersonnelle et sans jamais restituer son unicité.
Et cela semble encore plus évident lorsque Kenji Kamiyama décide de proposer un fan-service un peu racoleur qui brosse le public dans le sens du poil. Des connexions et des références intégrées avec le dos de la cuillère, à l’image de ce caméo vocal de feu Christopher Lee dans un épilogue lourdingue. Saroumane (déjà confirmé au casting il y a plusieurs semaines. On vous voit venir nous accuser de spoilers), n’apparaît que le temps d’une courte scène. Un fan service nauséabond, peut-être même éthiquement discutable, surtout envers la mémoire de Christopher Lee, quand on voit que son talent est mis à profit pour un simple clin d’œil tapageur.
Le comble du fan service raté intervient sans doute lors de la discussion entre deux Orcs, qui insistent bien sur le fait qu’ils ramassent des Anneaux. « Hey, vous avez compris ? Des anneaux de pouvoir… Hey ! Je te fais du coude *clin d’oeil forcé* ». Tout le fan service est orienté de cette façon-là (et on ne va pas parler de la citation de Gandalf), sans subtilité, sans logique réelle, comme un aveu d’échec face à une potentielle volonté de s’éloigner de l’univers de Jackson.
La Guerre des Rohirrim suit donc des chemins balisés et ne sort jamais de sa zone de confort, ou de celle des spectateurs. Kenji Kamiyama aurait pu épouser davantage le style d’animation japonais mais préfère rester dans un environnement très (trop ?) occidental. Le cinéaste offre ainsi un spin-off qui remplit, certes, sa fonction de divertissement, mais qui ne prend pas beaucoup de risques.
Ne manquez aucun article : abonnez-vous gratuitement à Cultea sur Google News