L’éternel retour de la City Pop

L'éternel retour de la City Pop

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se recycle. Lavoisier aurait tout aussi bien pu découvrir le fameux cycle de 30 ans des modes. Un phénomène qui s’explique facilement, quand on comprend que les jeunes trentenaires ont désormais assez de pouvoir d’achat pour réinvestir dans leur nostalgie. Musique de leur enfance, jeux, BD, dessins animés, jouets, films, tout y passe et devient collector. Parmi ces objets chéris, souvenirs d’une insouciance révolue ou d’une époque qu’on fantasme, la City Pop des années 70 et 80 berce les éternels mélancoliques.

La City Pop, un terme large

La City Pop est un témoignage précieux, en musique, de l’ouverture au monde d’un Japon en plein boom technologique et économique. Dès les années 60, une croissance exceptionnelle remet le pays, qui était dévasté par la guerre, sur le devant de la scène mondiale. Cette expansion semble s’accélérer sans fin, jusque dans les années 90 où la bulle spéculative japonaise éclate.

Les années 70 et 80 réunissent tous les ingrédients pour accoucher de la City Pop. D’un côté, la population devient plus urbaine et forme une des trois plus grandes mégalopoles mondiales. De l’autre, la nouvelle classe aisée japonaise découvre sur son temps de loisir la musique du monde occidental. La pop, la disco, la funk, le RnB, le boogie, le jazz, le rock, s’introduisent dans la culture. Les musiciens japonais se l’approprient rapidement grâce aux nouvelles technologies. En effet, c’est l’âge des synthés, des instruments électroniques, qui permettent les copies et les samples. S’ajoute la proximité de l’archipel nippon avec la Polynésie, ses instruments, ses percussions…

Le résultat, c’est une gamme assez large de chansons pop où se mêlent de nombreuses influences. Dès lors, il est difficile de tirer une ligne claire entre ce qui est City Pop et ce qui ne l’est pas. Les Japonais eux, l’appellent « New Wave ». Une manière simple de distinguer les chansons traditionnelles de cette modernité musicale. On peut donc tenter de s’accorder sur un point : la City Pop ne plaisait principalement qu’aux citadins japonais à la recherche de nouveaux sons dans les années 80. La « Village Pop » ou « Countryside Pop » restant assurément l’enka.

Les grands classiques

Quand on pousse la porte de la City Pop, on trouve des centaines d’albums, certains travaillés minutieusement et d’autres fabriqués à la chaîne pour surfer sur la popularité du genre et remplir les grilles de radio. Les années ayant aidé à faire le tri, on sait désormais quels artistes ont réussi à marquer les esprits. En voici une sélection, non exhaustive mais déjà importante, qu’il est à nouveau possible de retrouver chez les disquaires ou en streaming. En effet, voyant la résurgence de la City Pop à partir des années 2010, les labels ont décidé de rééditer les titres et albums cultes.

Et puisque l’esthétique de la City Pop est un élément central recherché aussi bien par les artistes que par les fans, on vous fait un tour de musée des couvertures d’albums. Une plongée dans les années 70 et 80, entre villes nocturnes, étés tropicaux et art moderne.

Taeko Ohnuki

Yumi Matsutoya

Tatsuro Yamashita

Haruomi / Harry Hosono

Shigeru Suzuki

Makoto Matsushita

Chiemi Manabe

Toshiki Kadomatsu

Yuji Ohno

Kingo Hamada

Takako Mamiya

ANRI

Junko Ohashi

Rajie

Junko Yagami

Mariya Takeuchi

Miki Matsubara

Kikuchi Momoko

La City Pop dans les animés

On retrouve souvent les airs envoûtants et nostalgiques de la City Pop dans les animés contemporains des années 70 et 80. Ainsi, les B.O. de Yu Yu Hakusho, Dan et Danny (Dirty Pair) et Kimagure Orange Road (Max et Compagnie) en regorgent. Lorsque l’histoire ne s’y prête pas forcément, on a au moins des chances de retrouver de la City Pop dans les génériques de début ou de fin. Mais si l’intrigue se déroule dans une ville futuriste, dans l’espace ou dans un décor tokyoïte nocturne, bingo.

Errances urbaines nocturnes, mêlant action et ambiance mélancolique ? On pense immédiatement à City Hunter (aka Nicky Larson). L’animé et les films baignent dans des titres devenus cultes : Blue Air Message, Ai yo Kienaide, Super Girl, Want your love, Give me your love tonight, Cool City… Parmi les autres animés qui rentrent dans cette catégorie on retrouve Young GTO (Shonan Junaï Gumi), qui suit les (més)aventures du jeune Eikichi Onizuka et de son ami d’enfance Ryuji Danma. Quoi de mieux que de la City Pop pour accompagner ces deux ados qui passent leurs nuits à rouler en ville en rêvant de devenir des bōsōzoku (motards en gang)? Côté USA on a l’OAV California Crisis : Tsuigeki no Jūka dont la bande son regorge de cette ambiance des années 80.

Et pour ce qui est des animés futuristes, galactiques, on a le choix entre les classiques Cobra ou Capitaine Flam dont la musique a été composée par Yūji Ōno. Nées dans les années 80, ces deux séries sont empreintes de l’esthétique visuelle et sonore de la City Pop. Il est également à noter que Yūji Ōno a également composé les bandes-son de Lupin III et Le château de Cagliostro de Hayao Miyazaki, qui rejoignent donc notre liste.

La renaissance des années 2010

Obéissant donc au fameux cycle des 30 ans de la mode, la City Pop a ressurgi du passé dans les années 2010. En effet, ces années sonnent l’arrivée de la vapor wave, de la future funk, de la lofi hip-hop. Tous ces genres musicaux trouvent une origine dans la nostalgie des années 80 et notamment de ses décors urbains ainsi que de ses produits visuels. Les animés se retrouvent au centre de ces nouvelles esthétiques, le Japon est fantasmé, sa culture musicale redécouverte. Il n’en fallait pas moins : la City Pop ressort des tiroirs.

La mélancolie tranquille de ces sons correspond parfaitement à la culture internet de l’époque. C’est le début de l’ère de la Lofi Girl et des streamings lives sur les plateformes. Il faut bien remplir à nouveau toute cette grille musicale qui tourne 24h/24. Heureusement, la City Pop regorge de titres inconnus, une vraie aubaine pour les chineurs qui s’y jettent à corps perdu. Sans compter qu’avec leurs pochettes travaillées et le retour des vinyles, les albums deviennent de véritables objets de collection.

Bien que l’on ait passé les années 2020 depuis un moment, le désamour de la City Pop ne semble pas être au rendez-vous. La création du groupe de tribute français AFTER 5 en 2022 le prouve. Le subreddit « r/citypop » est lui aussi très actif, avec plus de 57k membres. Quant aux playlists, elles continuent de fleurir sur toutes les plateformes. Pas si étonnant dans un monde toujours plus urbain et à la recherche d’une insouciance bienvenue, le temps d’une chanson.

 

Sources

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