Le chaos s’abat sur le Japon lorsque la première bombe atomique élimine la ville d’Hiroshima le 6 août 1945. Portrait d’une catastrophe par les journaux de l’époque.
Le projet de l’arme nucléaire est lancé en 1942, 6 mois avant l’entrée en guerre des Etats-Unis. Sous le nom de code projet Manhattan, ce programme secret est mené par le scientifique Robert Oppenheimer. Sous prétexte du rejet japonais des conditions d’ultimatum de la conférence de Potsdam, les Américains veulent imposer la reddition japonaise. Le gouvernement Truman veut également tester sa nouvelle bombe en conditions réelles.
Little Boy, bombe atomique à l’uranium, est larguée sur Hiroshima le 6 août 1945 à 8h15. Fat Man, la bombe atomique au plutonium, est larguée sur Nagasaki le 9 août 1945.
Hiroshima, quelle est cette nouvelle bombe ?
La catastrophe d’Hiroshima atteint le reste du monde comme à rebours. Le 8 août, le journal Ce soir titre « Après l’anéantissement de Hiroshima, l’Amérique lancerait un ultimatum au Japon ».
« Londres, 7 août. De Washington, le « Daily Mail » apprend de source sûre que les États-Unis seraient sur le point d’adresser un ultimatum au Japon, offrant à ce dernier le choix entre une reddition dans les 48 heures et l’anéantissement par bombe atomique.
La première bombe atomique est tombée, hier, sur le Japon. Cette révélation, faite à la Maison-Blanche, par le président Truman, annonce l’ouverture d’une phase entièrement nouvelle dans la conduite de la guerre contre le Japon.
Cet engin a été lancé sur la ville de Hiroshima […]. À 8h20 du matin, heure nippone, la bombe a été lâchée au-dessus de son objectif, mais jusqu’à présent, les Nippons n’ont fait aucun communiqué concernant les destructions qui ont suivi.«
Pour l’instant, aucun témoignage direct, américain ou japonais. Seulement, la radio japonaise parle de plusieurs « bombes », là où les Américains ne parlent que d’une seule. C’est dans un communiqué américain qu’on précise la nature de la bombe. Cette nouvelle fait la une des journaux alliés.
« Les journaux américains consacrent la presque totalité de leurs colonnes aux nouvelles concernant la bombe atomique. Le « Washington post » écrit : Si l’esprit avait été frappé lors de l’apparition des bombes-fusées allemandes. Il reste complètement paralysé devant les révélations du résident Truman sur la nouvelle bombe atomique. II n’est possible d’en tirer qu’une conclusion : c’est que si les peuples du monde ne peuvent pas vivre en paix et en harmonie, ils ne pourront désormais que disparaitre.
Commentant l’utilisation de la bombe atomique, le « New York Herald Tribune » s’attache surtout à l’importance scientifique de l’invention. »
Du côté anglais, Ce Soir sélectionne les publications du Yorkshire Post et du Daily Mail.
« Le Yorkshire Post écrit :
La puissance destructive de la bombe atomique dépasse les prévisions les plus pessimistes. Le président des Etats-Unis a déclaré qu’il avait été décidé que les résultats obtenus par l’essai de la bombe atomique ne seraient pas rendus publics avant qu’un examen approfondi n’ait été fait en vue de protéger les Etats-Unis du danger de destruction. Le monde civilisé apprend avec un sentiment de soulagement que ce danger n’existe plus.
Depuis des années, dit le Daily Mail, les savants ont rêvé d’asservir l’énergie atomique. On a dit que l’énergie atomique enfermée dans une poignée de cailloux suffirait à contrôler et conduire un train express se dirigeant de Londres à Glasgow. La guerre a stimulé les recherches scientifiques dans un but de destruction. Des savants britanniques et américains se sont attelés à cette tâche et nous contemplons le résultat de leurs recherches avec un sentiment de fierté mué de crainte.«
En ajoutant solennellement, « Les ouvriers de l’usine secrète américaine ignoraient tout », un projet tellement confidentiel qu’on a du mal à croire qu’il a employé 125 000 personnes.
Le récit de l’annihilation par la bombe atomique
Dans son numéro suivant, Ce Soir publie « le premier récit de la disparition de Hiroshima » raconté par le colonel W.Tibbets, le pilote de la superforteresse volante. Aucune opposition de la part de l’ennemi,
« Sous l’effet de la bombe atomique la ville se souleva en bouillonnant à plus de 6.000 mètres de haut.
Le capitaine Parsons, le premier bombardier Thomas Ferebe et moi-même étions les seuls membres de l’équipage à savoir quel genre de bombe nous transportions ; les autres savaient seulement qu’il s’agissait d’une arme nouvelle.
Lorsque la bombe est tombée nous savions que nous avions déchaîné l’enfer et, pendant la durée de la chute, j’ai manœuvré pour éloigner l’appareil le plus possible du centre de l’explosion. Ensuite, il est difficile de s’imaginer ce que nous avons vu : cet éclair aveuglant de l’explosion et cet effrayant geyser de fumée noire qui montait vers nous à une vitesse extraordinaire, après avoir noyé toute la ville, dont nous pouvions distinguer quelques instants auparavant les rues et les grands immeubles. »
Le journal annonce le début d’un exode japonais, hors de Tokyo, au cas où les Américains prendraient la capitale pour cible. Mais ce sera finalement Nagasaki qui sera touchée par la deuxième bombe atomique, le 9 août. Une nouvelle que Ce Soir évoque dans son numéro du 10 août, pour se pencher à nouveau sur les effets de la bombe de Hiroshima.
« Les Japonais d’Hiroshima ont dû périr sous une température de deux mille milliards de degrés centigrades. Il serait faux, […] de dire qu’ils brûlèrent, car dans un temps inimaginablement court plusieurs millions d’explosions firent éclater les atomes constituant leurs corps. C‘est une mort nouvelle : la mort atomique.
Les émissions japonaises de cette nuit précisent qu’à Hiroshima, plus de 150.000 personnes ont été tuées, et que les destructions, ne se limitant pas uniquement l’agglomération elle-même, se sont étendues jusqu’à la campagne voisine. Ceux qui se trouvaient dehors, dans les rues ou dans les chants, précise-t-on, ont été brûlés vifs. »
Ce compte à rebours se conclut sur le numéro du 12 août, qui titre « Le Japon Capitule ». Les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki auraient tué jusqu’à 220 000 personnes, sans compter les cas de cancers et autres effets secondaires affectant la population locale à plus long terme. Ces bombardements sont, à l’heure actuelle, les seuls effectués à l’arme nucléaire durant un conflit.
Date des bombardement : 6 et 9 août 1945
Lieux visés : Hiroshima et Nagasaki (empire du Japon)
Suite au bombardements : capitulation du Japon
Bilan des morts : 68 000 à 140 000 (Hiroshima) – 35 000 à 80 000 (Nagasaki)
Sources :