« Le Carré dans le Rond » : des artistes qui savent prendre leur place !

Charlotte Yankovitch
Charlotte Yankovitch
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L’exposition Le Carré dans le Rond est menée par de jeunes artistes. Ces derniers souhaitaient se retrouver dans une galerie à l’intérieur de Paris pour exposer leurs œuvres et les faire dialoguer entre elles. Chez Cultea, on a découvert leur exposition, on vous la fait découvrir. 

Le Carré dans le Rond, ou le fait de ne pas rentrer dans le moule

Les artistes présents à cette exposition travaillent tous dans un même lieu. Le Préavie, au Pré-Saint-Gervais à côté de Paris. De ce lieu de travail commun, ils ont souhaité faire naître cette exposition. En effet, ils avaient pour but d’exposer ensemble pour faire dialoguer leurs œuvres. Malgré la diversité des approches et des médiums, on retrouve une exposition très bien construite et pensée.

Ce sont les artistes eux-mêmes qui ont fait la curation de leur exposition. Cela leur a permis de découvrir une nouvelle facette de leur métier. Celle d’exposer, de parler de sa pratique et de ses œuvres. De cette manière, ils parlent chacun de leurs œuvres mais aussi de celles des autres.

Avec cette exposition, ils font leur place à leur manière, sans rentrer dans le moule. C’est exactement ce à quoi se réfère le nom de leur exposition. Le Carré dans le Rond est un nom évocateur de cette volonté de faire sa place, quel qu’en soit le moyen. Dans l’exposition, il est possible de voir plusieurs formes d’art différentes : la peinture, la sculpture, la photographie et la mode.

La peinture et la sculpture

Atelier ATE, Manon Ajorque et Nicolas Medhipour

Pour cette exposition, l’Atelier ATE change de manière de travailler. En effet, la dernière fois, il proposait des œuvres réalisées conjointement. Cette fois, chaque membre propose ses propres œuvres.

Manon Ajorque propose une approche spirituelle à travers ses peintures et ses sculptures. Enrichie par un voyage en Inde et ses visites dans les musées d’arts extra-européens, elle utilise ses références pour créer des œuvres très intéressantes. Par exemple, elle transforme le jouet Barbie en objet mystique en lui sculptant une nouvelle tête. Ces têtes sont inspirées des masques africains vus au musée du Quai Branly. Cette Barbie devient alors un objet presque totem, impressionnant à la manière des statues et masques présents dans les cultures africaines. Du reste, pour les œuvres peintes, elle reste dans cette inspiration du mystique, du spirituel. Elle peint une vache sacrée à tête humanoïde ou bien des totems explorant l’intérieur du corps humain. Toujours avec une certaine influence de ses voyages.

Le carré dans le rond
Poupées d’avant, Atelier ATE.

Nicolas Medhipour a quant à lui sélectionné des œuvres de diverses séries pour en créer une nouvelle. Il souhaitait créer un cheminement entre ses diverses approches picturales.

On passe de l’enfance calme avec une œuvre aux couleurs primaires très léchées. Vers une période de colères, d’exploration des textures avec des toiles plus représentatives de batailles, des couleurs plus sombres basées sur une palette composée de noir, rouge, blanc essentiellement. Puis vers l’animalité, avec des œuvres comme le gorille, où on retrouve un trait plus fluide et relâché. Comme un apaisement et un lâcher prise de la part de l’artiste. Malgré l’appartenance de ces tableaux à différentes séries, Nicolas Medhipour a su par son discours les rendre cohérents et nous faire part de son évolution picturale.

Œuvres de l’Atelier ATE.

Bastian Ogel

Dans cette exposition, Bastian Ogel expose deux phases différentes de son évolution artistique. La première a un côté plus sombre. Il nous explique que ses œuvres ont été réalisées lors du premier confinement. Il avait besoin de pouvoir peindre des personnes, mais sans modèle à disposition. Pour cela, il a créé ses propres modèles avec des têtes sculptées et moulées dans du papier mâché. À partir de ces têtes sculptées il a créé une œuvre, Les Voisins. Cette œuvre plutôt sombre ne laisse pas indifférent.

Cependant, ce procédé étant extrêmement long, Bastian Ogel souhaitait revenir à un procédé créatif plus intuitif et rapide. C’est ce qui nous amène à la seconde série de peinture présentées à cette exposition. Cette série est très captivante. En effet, l’artiste l’a réalisée en deux semaines. Il s’est inspiré de sa propre vie. Habitant en banlieue parisienne, il passe beaucoup de temps dans les transports.

À partir de là, il a pris en photo des instants qui l’inspiraient lors de ses trajets. Des couleurs, des luminosités, des formes, des actions d’autres voyageurs. Ensuite, il a commencé à créer sa série. Elle retrace une journée dans les transports. Avec cette série, il a exploré de nouvelles manières de peindre, avec des couches successives de peintures, plus ou moins épaisses. Il a aussi davantage lâché prise par rapport à son ancienne période.

Tout cela donne des œuvres plus spontanées, en mouvement. Enfin, le travail de la couleur est très fascinant, car il nous transmet les impressions. En effet, certaines œuvres sont travaillées de la même manière que celle des peintres impressionnistes, avec des aplats de couleurs faits pour transmettre l’impression et non plus le réel. Cette série est vraiment très intéressante, mais aussi actuelle. En effet, les transports en commun sont le quotidien de très nombreuses personnes.

le carré dans le rond
Deux œuvres inspirées des transports en commun de Bastian Ogel.

La Mode

Bleu M

Bleu M est une marque de vêtements créée et fabriquée dans le 93 à partir de tissus recyclés. Toutes les pièces sont uniques. Ici, les collections de Bleu M dialoguent avec les peintures et photos. Il est possible d’y voir ses nouvelles collections mais aussi les plus anciennes. Il est également possible de découvrir sa collection Printemps/Été 2022 ; dont le défilé à eu lieu le jour du vernissage de l’exposition Le Carré dans le Rond

La marque de fabrique de Bleu M étant au départ le bleu de travail retravaillé. Ici, on retrouve les formes mais avec des patchworks, des vestes réversibles. On observe aussi de nombreuses coupes unisexes qui peuvent donc être portées indifféremment par tous.

Bleu M présente aussi sa collection en collaboration avec l’Atelier ATE. On retrouve les formes uniformes de travail du designer de mode avec les peintures des artistes de l’Atelier ATE. Chaque pièce est unique, peinte par les artistes et conçue à partir de toile de tableau. Les tissus de toiles sont ensuite travaillés sur des doublures confortables pour rendre leurs œuvres d’art portables en tant que vêtement. C’est donc un cheminement intéressant qui montre que la mode est vraiment un art et qu’elle peut même s’associer aux autres milieux artistiques. 

Le carré dans le rond
Collection Printemps/Ete 2022 de Bleu M.

La Photographie

Maéva Mitram

Dans l’exposition Le Carré dans le Rond, Maéva Mitram nous présente un série de photographies particulière. Ce sont des clichés en noir et blanc représentant des corps. Elle explique que ses clichés ont été réalisés lors du premier confinement avec un besoin de montrer la solitude, le manque du toucher, du monde. En effet, le confinement est intervenu pour Maéva Mitram au retour d’un voyage en Inde de plusieurs mois. Ce voyage durant lequel elle a réalisé une série de photographies.

Néanmoins, ce qu’elle en retient c’est la proximité avec la population, leur gentillesse et l’absence des barrières que l’on a actuellement. À son retour, confinée donc, elle souhaitait exprimer toute l’opposition entre ce qu’elle venait de vivre entourée d’innombrables personnes et ce qu’elle vivait actuellement. La solitude, le manque de cette proximité.

De cette manière, elle nous propose des clichés très subjuguants. En effet, suivant le point de vue, la photographie peut paraître comme une représentation de sculpture et lorsque l’on s’en approche, on voit les détails de la peau du modèle, tels que les bijoux, le grain de peau. C’est ce qui nous permet de nous rendre compte que c’est une photographie de modèle humain et non de sculpture. Ce sont donc des photographies avec une dimension très humaines. En effet, même si l’on voit seulement le dos, les bras du modèle, on peut comprendre la solitude, voire la souffrance qui pourrait être présente dans cet isolement extrême.

Le carré dans le rond
Série de photographies de Maéva Mitram.

Pierre Dimech

Pierre Dimech propose une série de photographies bien différente. En effet, il nous présente les photos réalisées lors de son voyage au Mexique à l’été 2021. Ces photos ont été réalisées en noir et blanc, avec un appareil argentique et en format panoramique. Aucun recadrage des photos n’a été fait. Pierre Dimech nous explique le choix du noir et blanc pour cette série Mexicaine. Il a fait ce choix car cela lui semblait plus coller avec la période de pandémie que nous traversons. En effet, cela nous aurait surement paru plus logique de présenter le Mexique avec des photos en couleurs, telles que les couleurs chatoyantes du pays.

Cependant, cette série gagne avec le monochrome un aspect très dramatique. Finalement, chaque cadre nous semble être une petite scène capturée sur le vif. On peut découvrir une nouvelle facette du Mexique. Sans couleurs, on s’attarde sur d’autres détails tels que l’expression des visages. D’ailleurs, il n’avait pas prévu cette série au départ. Non, il souhaitait réaliser des portraits en couleurs des Mexicains. Cependant, il a fini par choisir de réaliser la série que nous pouvons voir à l’exposition.

Photographe professionnel, Pierre Dimech réalise ses photographies de voyage dans un but plus artistique. Cela lui permet d’explorer la photo d’une autre manière que par son travail.

 

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L’exposition Le Carré dans le Rond est donc une exposition très enrichissante, faite d’artistes de diverses sensibilités. Néanmoins, ils ont su réunir leurs œuvres et donner un sens et une unité à cette exposition. 

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Guide conférencière diplômée, spécialisée en Histoire de l'art et passionnée de mode. Ma passion pour l'écriture ma guidée jusqu'à Cultea!
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