Carbonade flamande : connaissez-vous ce grand plat du nord ?

Jules Chancel
Jules Chancel
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La carbonade flamande est un plat typique du ch’nord. Familialement copieux, il sait réunir tout le monde lorsqu’il fait froid dehors. Si son histoire n’est pas certaine, son goût est authentique. Chez Cultea, on vous dévoile donc les secrets de ce plat injustement méconnu dans notre belle France !

Si vous êtes originaires du nord de la France, vous êtes sans doute déjà au fait de ce dont nous allons parler aujourd’hui. Pour les autres, faites-vous un chocolat/thé, emmitouflez-vous dans un plaid et profitez du spectacle.

Une histoire, ou plutôt des histoires

C’est quoi les Flandres ?

La carbonnade flamande est un plat traditionnel du Nord. Plus précisément des Flandres, comme l’indique son nom. La particularité de ce territoire est d’avoir longtemps été « indépendant ». En effet, dès le IXe siècle, le comté de Flandre est une puissance alliée au royaume de France sous le titre de « principauté ». Le territoire garde ce statut jusqu’au XIIIe siècle. La suite de son histoire est une alternance de conquêtes/reconquêtes par les Français ou les Espagnols. Les Français domineront largement le territoire jusqu’en 1815, année où les Pays-Bas récupèrent l’espace. Il faut attendre la révolution belge de 1830 pour voir l’affirmation de la Belgique face aux Hollandais.

Ainsi, vous l’aurez compris, il n’y a pas une Flandre, mais bien deux. Une partie française et une partie belge. En effet, l’ancien territoire du comté de Flandre chevauche la frontière actuelle entre nos deux pays francophones. Si l’on vous demande donc de quelle origine est ce plat, répondez franco-belge !

L’histoire du plat

Il n’y a pas de récit fixe relatant les origines de ce plat. Il y a bien divers mythes, mais ils ont souvent des origines inventées. Ce que nous révèle l’étymologie du nom en revanche est très intéressant. « Carbonade » tient évidemment son origine du mot « charbon » en latin : « carbo ». Cela peut transmettre divers sens. Soit le plat était mijoté longuement sur des braises de charbon. Ce qui fait en effet sens lorsqu’on se fit à la recette. Soit il s’agit d’une description imagée de l’aspect du plat. En effet, les morceaux de viande de bœuf mijotés ressemblent beaucoup à des « gaillettes », des gros morceaux de charbon qu’on utilise pour alimenter le feu.

Cette piste du charbon nous ramène aussi à l’histoire industrielle du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. En effet, cette partie de la France est très largement marquée par l’exploitation intensive de la houille (boulette de charbon très riche en carbone). À vrai dire, l’économie, la société, les paysages, l’environnement et la culture populaire en portent encore aujourd’hui les marques. Cette exploitation commença au milieu du XVIIIe siècle et se termina à la toute fin du XXe siècle. La quasi intégralité de la population travaillait alors en lien avec cette industrie, au point où l’on peut dire que les cultures minières et nordistes se confondent. S’agissant d’un milieu essentiellement ouvrier, la population y est plutôt modeste.

À noter que le gisement ici exploité s’étend au-delà de la frontière, dans les Flandres belges. C’est pourquoi le bassin minier s’étend en réalité sur nos deux pays. La culture populaire relative à la mine est donc un élément commun entre ces deux populations voisines. Ainsi, il n’est pas fou de penser que les ouvriers se réchauffaient un ragoût de restes de viande sur des braises de houille ou de charbon. Ils mêlaient à la viande ce qu’ils pouvaient, peu de légumes, de la bière (moins coûteuse que le vin et plus locale) et parfois du pain rassis (pain d’épices pour les plus fortunés). Au fond, les plats de viande mijotée se retrouvent de tout temps chez toutes les civilisations. Le principe en lui-même n’est donc pas révolutionnaire. Ce qui importe ici, c’est comment il a été décliné avec les moyens du bord dans cette partie du monde.

Aujourd’hui, avec l’accès simplifié à beaucoup de denrées, la recette s’est quelque peu embourgeoisée. Ainsi, le plat se fait passer pour un bœuf bourguignon, avec quelques nuances. Découvrez-les avec nous.

Des corons, cités minières du Nord avec un terril en fond - Cultea
Des corons, cités minières du Nord avec un terril en fond.

Carbonade flamande : la recette ultime !

Pour réaliser votre carbonade pour huit personnes, vous aurez besoin de :

  • 2 kg de bœuf (morceaux type bœuf bourguignon)
  • 2 cuillères à soupe de cassonade (sucre roux)
  • 1 bouquet garni (thym et laurier)
  • 800 g d’oignons
  • 500 g de lardons
  • 10 tranches de pain d’épices
  • 60 g de beurre
  • 6 cuillères à soupe de moutarde
  • 2 L de bière brune (belge de préférence)
  • sel

Pour réussir le plat, suivez les étapes à la lettre !

Déroulement par étapes

D’abord, coupez les morceaux de viande en cubes de 2 à 3 cm de côté. Découpez grossièrement les oignons. Faites fondre le beurre dans une cocotte (de préférence en fonte) et faire suer les oignons dedans pendant 10 min. Ajoutez les lardons en augmentant légèrement le feu. Remuez régulièrement en essayant de garder couvert le plus possible. Une fois vos lardons bien rosés, retirez le tout, sauf le jus, et réservez dans un plat.

Mettez au feu maximum sous la cocotte et introduisez la viande. Remuez régulièrement (ne pas couvrir), la viande doit se colorer de tous les côtés. Elle devrait finir par rendre pas mal de jus. Retirez la cocotte du feu et mettez la viande dans un plat en conservant le jus dans la cocotte.

Diluez la cassonade dans le jus de viande et mettez à feu vif pour le réduire de moitié. Une fois réduit, mettez le feu au minimum et remettez le mélange lardons/oignons en le mêlant à votre sirop (jus de viande + cassonade). Ajoutez ensuite la viande et mélangez à nouveau. Ajoutez le bouquet garni et recouvrez de bière ! À noter que, par respect, on privilégiera une bière d’abbaye belge. Saler très légèrement.

Recouvrez délicatement toute la surface avec le pain d’épices moutardé. Laissez mijoter à couvert trois heures durant. Ne remuez pas tant que le pain d’épices n’est pas fondu ! Retirez le bouquet garni après une heure de cuisson. En cours de mijotage, rectifiez si besoin votre assaisonnement.

Si après trois heures votre jus est encore trop liquide, continuez la cuisson.

Petite astuce de cuisson pour ceux disposant d’une cocotte en fonte allant au four, optez pour la cuisson basse température (cuisson toute la nuit à 90° dans le four).

Des frites belges - Cultea

Des frites, des frites, des frites !

Tout aussi important que votre viande : son accompagnement. Les frites ne sont pas juste un mets sympathique dans le Nord, elles sont une véritable religion. Pendant que certains débâtent de leur paternité entre France et Belgique, nous allons vous expliquer comment bien les réussir.

Aller à l’baraque

Traditionnellement, on ne fait pas les frites soi-même. Ainsi, il est de bon ton d’aller les chercher à l’extérieur pendant que votre viande mijote. Si vous disposez d’une baraque à frites ou d’un point de restauration étiqueté « friterie belge », vous pouvez aller prendre vos patates là-bas. Attention toutefois, demandez bien si le précieux sésame a subi une double cuisson !

Si c’est le cas, allez-y ! Vérifiez bien que le chef en mette plus que de raison, pas de radinerie. La barquette ne doit pas être pleine, elle doit être noyée ! Ce n’est pas elle le contenant, ce rôle est réservé à la grande feuille de journal que le chef aura disposée sous la barquette. En effet, tout ce rituel est important. À noter que si l’idée d’aller les chercher dans une célèbre chaîne de fast-food vous a traversé l’esprit, vous êtes priés de bien vouloir fermer cet article !

Les faire vous-mêmes

Pour faire vos frites vous-mêmes, c’est très simple. Allez au marché le plus proche prendre de belles patates d’une race qui supporte bien la friture. En Flandre, ils privilégient les Bintjes. Troquez votre végétaline ou votre huile de colza contre la sacro-sainte graisse de bœuf. Découpez vos pommes de terre en frites en gardant ou non la peau, à votre convenance. Ensuite, préchauffez votre friteuse à environ 150°.

Vous vous apprêtez à réaliser une double cuisson, secret du goût délicat des frites belges. Pour ce faire, effectuez une première cuisson pendant 8 minutes (à 150° donc). Sortez vos frites et laissez les reposer à l’air libre pendant dix minutes. Cela vous laisse le temps de placer votre seconde tournée. Après avoir attendu ces dix minutes, monter la température jusqu’à 180°. Le but va être ici de les rendre croustillantes, c’est pourquoi la cuisson sera plus courte : 3 minutes environ. Enfin, dès que vos frites sont bien dorées, vous pouvez servir et dégustez votre plat typique de l’histoire du nord !

Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour vous faire plaisir. Plat gourmand ultime, la carbonade devrait être célébrée au panthéon de notre belle gastronomie. Pour ceux qui douteraient de notre extrémisme concernant les frites, il n’est pas trop tard pour quitter cet article. Enfin, s’il vous venait l’idée de contester notre recette, nous vous laissons aux conseils avisés de Pierrot… 

 

Sources :

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