Blade Runner est incontestablement une des pierres angulaires du cinéma de science-fiction. Objet filmique quasi sacré depuis 1982, il semblait impossible de toucher à l’héritage de cette œuvre sans se brûler les ailes. Pourtant, Denis Villeneuve a réussi un incroyable tour de force avec Blade Runner 2049. Tout en respectant l’héritage de Ridley Scott, Villeneuve ne s’est pas privé pour s’approprier cette œuvre mythique. Il nous a ainsi offert une suite à la hauteur de son prédécesseur. Une œuvre dans laquelle les thématiques fortes côtoient une atmosphère incroyablement sensorielle.
Des thématiques poussées plus loin
Là était probablement la difficulté principale de cette suite ambitieuse. En effet, comment renouveler des thématiques déjà très fortes, sans tomber dans la pâle copie ou la surenchère grossière ? Les scénaristes Hampton Fancher et Michael Green répondent à cette question en nous offrant un scénario subtil et bien ficelé, venant se superposer humblement au film d’origine.
On retrouve bien évidemment toute cette quête identitaire si propre à la science-fiction. Cela passe notamment par le biais du personnage de Ryan Gosling. Si nous pouvions craindre que ce personnage ne soit qu’une simple réminiscence de Rick Deckard (Harrison Ford) dans le premier opus, nous sommes rapidement surpris par la place que tient ce personnage au sein de ce monde. Il est même amusant de constater que la quête identitaire de ce personnage est bien plus aboutie que celle de Deckard. Il faut dire que le premier épisode était très centré sur les pérégrinations des répliquants hors la loi, laissant peu de place à Harrison Ford. Ainsi le développement de l’officier K, magnifiquement campé par Gosling, est rondement mené. Il oblige ainsi le spectateur à se poser de nouvelles questions… Qu’est-ce que l’humanité ? Qu’est-ce que l’âme ? Quels éléments constituent notre identité ?
Blade Runner 2049 : quels rapports l’homme et la machine
A cela se rajoute une autre thématique dont la science-fiction est le meilleur catalyseur : jusqu’où l’Homme peut-il jouer à Dieu ? Si cette question était déjà sous-jacente dans Blade Runner, cette suite offre un paradigme différent concernant ce thème. En effet, des répliquants ayant déjà échappé au contrôle des humains par le passé, ces derniers cherchent à les contrôler par tous les moyens. Ainsi, les créateurs de ces humains de synthèse se retrouvent dans une position quasi divine, cherchant à garder leur suprématie malgré des répliquants toujours plus conscients d’eux-mêmes. Cette volonté d’égaler les Dieux est magnifiquement représentée par Jared Leto. La présence très limitée de son personnage renforce notamment l’aura mystique entourant les créateurs des répliquants.
Enfin, le rapport de l’humain à la technologie est poussé à son paroxysme… Notamment via le personnage de Joi, superbement interprétée par la non moins superbe Ana de Armas. La technologie et l’intelligence artificielle étant poussées toujours plus loin, il est intéressant d’en examiner les répercussions (plus ou moins implicites) sur la société et les humains. Ce rapport de l’humain à l’intelligence artificielle n’est d’ailleurs pas sans rappeler Her. Au passage le personnage de Joi est l’occasion pour Villeneuve de nous présenter une scène sensuelle incroyable d’originalité, où le malsain côtoie l’amour et le désir. Une scène à faire pâlir d’envie les sœurs Wachowski (Sense 8), particulièrement douées en la matière.
Si le scénario à parfois tendance à expliquer ce qui mériterait un petit peu plus de mystère, on ne peut que saluer la performance des deux scénaristes. En nous offrant une histoire subtile et dans la parfaite continuité de son prédécesseur, ils réussissent là où de nombreuses personnes se seraient cassées les dents.
Une réalisation millimétrée et sensorielle
Acclamé pour des films tels que Dune, Denis Villeneuve est un réalisateur dont le talent n’est plus à prouver. Il n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard pour réaliser Blade Runner 2049. Loin de nous offrir un clone trop sage de l’original, Villeneuve laisse dans ce film sa patte visuelle, sans oublier de rester fidèle au premier opus.
Ainsi, Villeneuve nous offre des visuels somptueux, sublimés par une musique envoûtante signée Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch. Jouant habilement avec l’ombre et la lumière, le réalisateur s’éloigne de l’esthétique cyberpunk de son prédécesseur. Il privilégie à la place une esthétique plus pure et modernisée. Cependant, les environnements sont toujours aussi palpables et l’on se surprend à admirer les moindres détails de chaque scènes. Tourné pour être admiré en IMAX, Blade Runner 2049 frappe par le format de son image. Les décors transpirent le gigantisme et changent de colorimétrie avec une subtilité déconcertante. Les décors intérieurs quand à eux sont également très impressionnants, tant ceux-ci paraissent grands même lorsqu’ils sont restreints. Le film nous permet donc de respirer malgré une ambiance très pesante.
On peut difficilement encenser les jeux d’ombre et de lumière sans parler du travail fait sur la photographie. Il faut donc citer le remarquable directeur de la photographie Roger Deakins, qui nous livre ce qui est probablement son travail le plus abouti de toute sa carrière. Il faut dire que le bougre n’en est pas à son coup d’essai. Outre son travail remarqué sur Avé César (des Frères Cohen) ou Skyfall (Sam Mendes), Deakins avait déjà collaboré avec Villeneuve sur des films tels que Sicario ou Prisoners. D’ailleurs personne ne s’y est trompé, pas même les Oscars. En effet, Deakins fut récompensé (à juste titre) aux Oscars 2018 pour son travail sur Blade Runner 2049.
Des compositions envoûtantes
Enfin revenons à la musique d’Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch, parfaitement raccord avec le reste du film. Au même titre que pour tous les autres aspects du film, la musique était un sacré morceau auquel s’attaquer. Les sonorités industrielles et synthétiques de Blade Runner étant en grande partie responsables de l’ambiance du film. Il fallait donc là aussi être très minutieux. Et Hans Zimmer étant Hans Zimmer (nos ne vous ferons pas l’affront de vous citer ses précédentes compositions, vous les connaissez aussi bien que nous), celui-ci a encore une fois parfaitement fait son boulot.
Il s’est en effet attelé à reprendre les compositions si envoûtantes de son prédécesseur, tout en leur offrant une fraîcheur et une modernité nécessaires. Si ce travail de modernisation est particulièrement réussi, on peut toutefois regretter que Zimmer n’ait pas plus fait ressentir son style personnel. On sent que le compositeur a voulu marquer son respect pour l’œuvre d’origine… Mais il est dommage que celui-ci n’ait pas mis plus de lui-même dans le film. Cela aurait permis à Blade Runner 2049 de s’affirmer avec encore plus de conviction comme une œuvre à part entière et pas seulement comme une suite du premier opus.
Blade Runner 2049 : de retour dans une édition spéciale
Pour les fans du film ou de belles éditions, le film est de retour ! En effet, celui-ci débarque dans une réédition steelbook de toute beauté, le tout en 4K UHD. Une très bonne idée de la part de la distribution. En effet, les éditions steelbook originales ne sont actuellement plus disponibles… A part sur le marché secondaire, à des prix complètement absurdes. Cette réédition est donc l’occasion pour les collectionneurs de mettre la main dessus, le tout dans la meilleure qualité possible. Et pour un film de cette splendeur, c’est un grand OUI !
Blade Runner 2049 est incontestablement l’une des œuvres de SF les plus abouties de ces dernières années. Si la comparaison avec son illustre prédécesseur est inévitable, force est de constater que les deux films sont de niveau égal. Il est même fort probable que de nombreuses personnes préfèrent cette suite à l’œuvre d’origine, tant certains points la surpassent. Bon, maintenant on ne va pas se mentir, il manque une chose dans ce film… Le monologue en slip sous la pluie de la part de Rutger Hauer. Mais bon, pour ça on a toujours le premier opus !
Bande-annonce Blade Runner 2049
Casting :
- Ryan Gosling : officier KD6-3.7 du LAPD / Joe
- Harrison Ford : Rick Deckard
- Ana de Armas : Joi
- Sylvia Hoeks : Luv
- Robin Wright : lieutenant Joshi
- Mackenzie Davis : Mariette
- Carla Juri : Dr Ana Stelline
- Lennie James : M. Cotton
- David Bautista : Sapper Morton
- Jared Leto : Niander Wallace, un fabricant de réplicants
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