Les Parisiens eux-mêmes l’ont oublié, mais il fut un temps où la Seine n’était pas le seul cours d’eau dans la capitale française. En effet, jusqu’au début du XXème siècle, la Bièvre qui prenait sa source dans les Yvelines traversait Paris avant de se jeter dans la Seine. Cette rivière fut ensuite enterrée par la ville. Découvrez les raisons de sa disparition…
La Bièvre, une rivière surexploitée
La Bièvre était un affluent de la Seine qui faisait 35 kilomètres de long et traversait la capitale. Elle entrait dans Paris au niveau de la Poterne des Peupliers (aujourd’hui devenu un arrêt de tram) et passait par les 5ème et 13ème arrondissements avant de se jeter dans la Seine au niveau de la gare d’Austerlitz. Les Parisiens la connaissaient bien à l’époque, Victor Hugo en fit même le sujet de l’un de ses poèmes en 1831.
Toutefois, dès le XIème siècle, les habitants de la capitale exploitèrent ce bout de rivière en y installant de multiples moulins à eau. A partir du XIVème siècle, de nombreux ouvriers et artisans installèrent leur commerce et atelier sur ses rives comme des blanchisseurs ou tanneurs, des métiers qui nécessitaient l’eau en continu. Au XVIIIème siècle, la Bièvre fut surnommée le « ruisseau des Gobelins ». En effet, le teinturier Gilles Gobelin installa ses manufactures sur sa rive. Elles avaient pour tâche de créer les meubles et tapisseries de la Couronne.
Cette cohabitation entre la rivière et les Parisiens ne fut pas sans conséquence pour la Bièvre… Elle devint une rivière très polluée, d’autant plus qu’on l’utilisait pour l’évacuation des eaux usagées. Dès 1801, la Préfecture de police promut un arrêté destiné à lutter contre la pollution de la rivière :
« Il est défendu de jeter dans la rivière, des matières fécales, de la paille, du fumier, des gravois, des bouteilles cassées et autres immondices qui pourraient en obstruer le cours, corrompre les eaux, ou blesser les personnes qui feraient le curage.«
Malgré les tentatives des autorités, l’urbanisation excessive et la multiplication des industries au bord de la rivière eurent raison de la Bièvre. Surexploitée, elle devint polluée, insalubre et une véritable source d’épidémies, un danger pour la population.
Le choix de bétonner la rivière
Ainsi, en 1860, le Baron Haussmann dans le cadre de ses grands travaux de rénovation de Paris décida de recouvrir cette rivière sale. Cette décision créa un débat au sein de la société parisienne. De nombreux riverains se révoltèrent contre ce projet et des pétitions virent le jour. Toutefois, d’autres habitants étaient de l’avis contraire et applaudirent cette mesure pour l’hygiène publique. En 1901, le journal Le Petit Parisien y consacra un long article :
« Désormais les Parisiens ne pourront plus apercevoir, au moins dans Paris, la moindre trace de ce cours d’eau au bord duquel nos pères allaient s’ébattre à l’ombre des grands arbres, et se rouler dans l’herbe, où des saules pensifs, qui pleurent sur la rive, laissent tremper dans l’eau le bout de leurs cheveux. […] Tombés les saules et les peupliers ! Recouverts les prés, envolés les oiseaux qui chantaient ! Et la rivière, dans laquelle ils se miraient, va disparaître elle-même pour toujours !«
Finalement, on couvrit totalement la Bièvre en 1912 avec du béton. Cela soulagea les autorités. La rivière coule désormais dans les égouts de Paris. Elle continue tout de même de suivre son cours à l’extérieur de la ville et les industries qui causèrent sa fin ont depuis déménagé… Toutefois, la rivière pourrait bientôt se faire déterrer par la municipalité de Paris. En effet, un projet est actuellement en cours visant à faire renaître la Bièvre. Cette dernière pourrait notamment apporter une plus grande biodiversité dans Paris.
Ainsi, l’activité humaine a eu un impact important partout, y compris à Paris. Notre capitale a bien évolué au fil des siècles. A tel point qu’aujourd’hui il existe une rivière oubliée des habitants. Après la Bièvre recouverte, découvrez un évènement de l’autre cours d’eau parisien : la crue de la Seine en 1910.
Sources :
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