Egypte Antique : d’où nous vient cette fascination ?

Corentin Cozic
Corentin Cozic
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En 2019, l’exposition Toutânkhamon, le trésor du Pharaon brisait tous les records de visites. La France, comme bien d’autres, est attirée par ce pays si mystérieux. De l’égyptologie est née l’égyptomanie. Des découvertes archéologiques est apparue la fascination. Mais alors, comment l’histoire de cette civilisation a-t-elle pu prendre une telle ampleur ? Pourquoi, après un repos millénaire, les anciens pharaons semblent-ils encore nous envoûter ? Retour sur la passion que le monde voue à l’Egypte.

La campagne d’Egypte  

Les premières traces d’égyptologie remontent à la Rome antique. Cependant, les moyens employés à la recherche étaient très limités, et ne suscitaient guère d’intérêt. Tout a réellement commencé avec la campagne d’Egypte de 1799, dirigée par Napoléon Bonaparte. Le contexte diplomatique fut l’élément déclencheur de cette mission, alors que Anglais et Français étaient en conflit pour asseoir leur domination en Europe. L’Egypte apparaissait donc comme un territoire stratégique, qui permettait de couper tout contact entre la Couronne britannique et l’Inde, tout en établissant une nouvelle colonie. C’est donc dans un but plus politique que scientifique que le futur empereur partit avec 17 000 hommes, et débarqua à Alexandrie le 1er juillet. Outre la découverte de monuments pharaoniques, une trouvaille vint changer le cours de l’égyptologie à jamais. 

La campagne d'Egypte en 1799
La campagne d’Egypte en 1799

Le 19 juillet, le lieutenant Pierre Bouchard se trouvait à la cité de Rosette, construite à l’embouchure de la branche Ouest du Nil. Ce fort, en piteux état, faisait office de garnison pour l’armée française, qui entreprend des travaux de consolidation. Dans cette entreprise, le lieutenant découvre un étrange bloc de granit noir, pesant 740 kg. Ce qui aurait pu être considéré comme un vulgaire caillou se révèle en réalité crucial dans la compréhension de l’Egypte et de son histoire. En effet, Bouchard remarque trois écritures différentes sur le granit. En haut des hiéroglyphes, en bas du grec et au centre du démotique, version simplifiée des hiéroglyphes. La fameuse pierre de Rosette apparait comme un magnifique moyen d’en savoir plus sur cette civilisation extraordinaire. 

La pierre de Rosette, découverte en juillet 1799

C’est alors qu’un jeune archéologue va entrer dans l’Histoire, en déchiffrant ces mystérieux caractères, accroissant davantage l’intérêt porté à l’Egypte antique…

Champollion et l’essor de l’égyptologie 

Jean François Champollion s’est très tôt pris de passion pour les langues orientales. Ses études l’ont conduit à apprendre le grec, l’arabe, le persan et bien d’autres encore. Poussé par son frère, il va s’intéresser à la pierre de Rosette. Il va alors perfectionner ses connaissances en copte, la langue des chrétiens d’Egypte, qui est pour lui la clé au déchiffrage des hiéroglyphes. En 1923, après douze années de travail acharné, le jeune archéologue perça les mystères de cette langue jugée indéchiffrable. Les hiéroglyphes sont désormais compréhensibles, et les scientifiques décident de s’y intéresser. Après cela, l’égyptologie prit une toute autre ampleur.

Jean-François Champollion
Jean-François Champollion

En effet, la compréhension de cette langue ancienne marqua le coup d’envoi d’une vague d’archéologues aventureux et ambitieux. C’est le cas de l’Anglais John Gardner Wilkinson, qui va répertorier les tombes connues de la vallée des Rois en traduisant les inscriptions murales, entre 1824 et 1827. Même chose pour Karl Richard Lepsius, un égyptologue allemand, qui publie la première traduction du Livre des Morts en 1842. Mais cocorico : le pionnier de la discipline n’est autre qu’un français, Auguste Mariette. En 1851, il est auréolé pour sa découverte d’un sanctuaire à Saqqarah, le Serapeum. Après une carrière glorieuse qui lui valut d’être conservateur adjoint au Louvre, il va fonder le tout premier musée d’antiquités du pays à Boulaq, près du Caire, en 1863. 

L’Egypte devient donc un formidable terrain de jeu pour les scientifiques, qui sont fascinés par cette culture si riche. De son côté, le grand public a eu vent des différentes expéditions, mais ne dispose que de peu d’informations. C’est près d’un siècle après les travaux de Champollion, en 1922, que le monde va faire la rencontre de cette civilisation, et plus précisément d’un de ses souverains : Toutânkhamon

Toutânkhamon : la célébrité

Cela faisait 7 ans que l’égyptologue britannique Howard Carter fouillait la vallée des Rois. Un objectif en tête : retrouver le tombeau d’un certain Toutânkhamon, dont le nom figurait sur divers sceaux royaux. Ses recherches étaient financées par Lord Carnarvon, un riche artistocrate, qui s’impatientait. Mais contre toute attente, alors qu’il imposait à Carter de cesser les fouilles et de rentrer en Angleterre, l’archéologue découvrit finalement l’entrée du tombeau royal. Le 4 novembre 1922 marque la plus grande découverte de l’égyptologie. Le magnifique sarcophage, accompagné de nombreux bijoux et accessoires, impressionne l’équipe de chercheurs. La trouvaille est exceptionnelle, et la presse est très vite mise au courant. Le public a des étoiles plein les yeux, et fantasme une Egypte énigmatique. La fameuse malédiction de Toutânkhamon a participé à cette ébullition, alimentée par bon nombre de journalistes.

Howard Carter
Howard Carter et le sarcophage de Toutânkhamon

La découverte du pharaon marqua le début de l’égyptomanie qui dura jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, influençant l’art, le dessin, l’écriture et le cinéma. D’ailleurs, une sorte de marketing se met en place. Un nécessaire de toilette Toutânkamon en forme de sarcophage est créé par Cartier en 1923, des bijoux et accessoires sont produits : la « Tutmania » s’impose dans la mode et la pub. Alors que l’engouement s’était apaisé après la guerre, la tournée de Toutânkhamon renouvela l’intérêt du public pour l’Egypte. Au Petit Palais à Paris, l’exposition Toutânkhamon et son temps de 1967 comptabilisa plus de 1,2 million spectateurs. Un record pour la capitale à l’époque !

L’égyptomanie ne s’est pas arrêtée après la folie Toutânkhamon, loin de là. Si les fouilles ne sont pas au centre des préoccupations du public, la légendaire Egypte antique reste une source d’intérêt pour beaucoup…

L’Egypte fantasmée

L’attrait pour cette civilisation continue de perdurer. La preuve : le record de visites pour l’exposition de 1967 fut détrôné par… Toutânkhamon, le trésor du Pharaon en 2019, organisée aux Grandes Halles de la Villette. 1,3 million de spectateurs se sont réunis pour observer les trésors trouvés dans le tombeau du pharaon le plus célèbre de l’histoire. 

D’un point de vue culturel, on peut aussi citer le succès commercial du jeu vidéo Assassin’s Creed Origins, qui plonge le joueur dans l’Egypte des Ptolémées. Cet opus se serait vendu deux fois mieux que son prédécesseur sur la même période, durant les dix jours qui ont suivi le lancement. De son côté, Netflix a sorti l’an dernier Les secrets de la tombe de Saqqarah, un documentaire sur le site de fouilles d’une pyramide. Le service public s’y intéresse aussi : France Culture et Arte traitent régulièrement de l’Egypte antique de manière approfondie. Le cinéma n’est pas en reste, avec Cléopâtre (1963), interprétée par Elizabeth Taylor. Et évidemment, comment ne pas parler du grand, que dis-je, du monument cinématographique : Astérix & Obélix, Mission Cléopâtre (2001). Enfin, on peut penser au monde de la musique, avec le célèbre rappeur Akhenaton, du groupe IAM.

Cléopâtre, réalisé par Joseph L. Mankiewicz

La pop-culture et autres médias d’information se sont donc emparés de l’imaginaire égyptien, et l’ont démocratisé depuis des décennies, pour notre plus grand plaisir !

L’Egypte semble éternelle. Cette civilisation, vieille de 5000 ans, continue d’émerveiller. Les découvertes archéologiques ont poussé le grand public à s’y intéresser, et c’est compréhensible ! Un passé grandiose, des vestiges somptueux et une pointe de mystère : voilà les éléments parfaits pour intriguer le monde encore longtemps. 

 

Pour en savoir plus : 

  • Les grandes Civilisations de l’Histoire, Histoire de l’Egypte Ancienne, Paris, ORACOM, n°16 Juill-Août-Sept, 2019, 145 p.

  • Simplissime, Le livre pour comprendre l’Egypte Antique le + facile du monde, Vanves, Hachette, 2019, 256 p.

  • Connaissance des arts Hors-série, Toutânkhamon Le trésor du pharaon, Magazine de l’exposition, 2019, n° 856, 66 p. 

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Etudiant en troisième année de licence Information et Communication.
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