En 2001, le monde découvrait au cinéma le tout nouveau classique d’animation des studios Disney : Atlantide l’Empire Perdu. Un ambitieux film d’animation qui comme, Taram et le Chaudron Magique, sera un des seuls Disney à ne pas contenir une seule chanson. Mais le passé l’avait déjà enseigné avec Taram, les films sombres ET non musicaux chez Disney, ne sont que rarement des succès.
Quand Disney cherchait à se réinventer : l’Age de l’Expérimentation (2000-2009)
L’aube du nouveau millénaire se présente comme une nouvelle période de trouble pour les studios Disney. Si la firme aux grandes oreilles avait connu une sacrée période de naufrage des années 1970 à 1988, celle-ci a su, grâce à des longs-métrages comme Le Roi Lion ou Mulan, se créer un nouvel âge d’or dans les années 90.
Un âge béni qui au début des années 2000 commence à se fracturer. Pendant presque un demi-siècle, Disney s’est imposé comme l’empire inébranlable du cinéma d’animation. Ce n’est plus le cas en 2001, année de sortie de l’Atlantide l’Empire Perdu. Disney, à cette période, doit faire face en effet à la rude concurrence du studio Dreamworks ou (plus tard) Blue Sky. Le grand Disney à la sauce Broadway devient à son tour légèrement démodé.
L’heure est alors aux tâtonnements, à la découverte de l’animation faite d’images de synthèse… Disney doit changer, et avant de faire le meilleur, il devra passer (aux yeux de l’opinion publique) par le pire. Le temps est venu d’entrer dans ce que les fans appellent l’Age de l’Expérimentation.
Atlantide L’Empire Perdu, le mal-aimé des studios Disney
C’est avant même le début de l’Age de l’Expérimentation que les premières lignes de l‘Atlantide L’Empire Perdu commence à se dessiner. Nous sommes en 1996, Don Hahn (producteur), Gary Trousdale (réalisateur), Kirk Wise (réalisateur) et Tab Murphy (scénariste) se réunissent informellement à la table d’un restaurant mexicain pour fêter le succès de leur dernier bébé : Le Bossu de Notre-Dame. C’est au cours du repas que l’idée germe dans l’esprit de la fine équipe. Repousser les limites du film à la Disney. Proposer une toute nouvelle œuvre de science-fiction à la fois sombre et mature, capable de reposer de toutes nouvelles bases pour un tout nouveau millénaire.
« Pour être honnête maintenant qu’on a réussi (en parlant du Bossu de Notre-Dame). On se demande s’il n’est pas temps de faire quelque chose de différent. Est-ce qu’on peut pousser les limites de Disney et de nous-même pour aller vers une autre direction ? »
Gary Trousdale et Kirk Wise
L’ambition est grande, mais l’équipe est à la mesure de la tache. Gary Trousdale et Kirk Wise ne sont pas que les réalisateurs de l’adaptation du livre éponyme de Victor Hugo après tout… Ce sont aussi les joyeux pères de La Belle et la Bête.
L’idée est lancée ! Le prochain classique de l’animation Disney s’appellera l’Atlantide l’Empire Perdu. Il racontera l’histoire du jeune et brillant archéologue Milo Thatch, qui pour honorer la mémoire de son grand-père se lancera, comme son aïeul, à la recherche de la mythique cité perdue de Platon ! Sur sa route, il rencontrera une multitude de personnages hauts en couleur et découvrira également que certains trésors doivent rester avant tout protégés de la cruauté de l’homme moderne…
De nombreuses recherches sont entreprises afin de créer le film le plus parfait possible. On étudie de long en large les écrits de Platon, Edgar Cayce et de Jules Verne dont le film s’inspire. On explore les merveilles de l’architecture des civilisations Maya, de la Grèce Antique et du Cambodge. On convoque même le linguiste Marc Okrand, créateur du klingon dans Star Trek pour créer la langue des Atlantes ! Rien n’est trop beau pour l’Atlantide dont le coût de production commence à être très salé.
Le film sort enfin au cinéma et c’est la douche froide. L’Atlantide ne rapporte que 186 millions de dollars au Box-office mondial pour un investissement de 120 millions. Tout juste pour rentrer sans ses frais. L’Atlantide l’Empire Perdu ne fait pas le poids devant Shrek, premier du nom ou Harry Potter à l’École des Sorciers. Ce n’était peut-être pas la bonne année pour découvrir le Graal de chercheurs de trésors…
Atlantide l’Empire Perdu : un presque chef-d’œuvre injustement oublié
Plus de 20 ans après sa sortie, nous avons revu Atlantide L’Empire Perdu. Qu’en avons-nous pensé ? Eh bien il est ce qu’on pourrait appeler un presque chef-d’œuvre…
Atlantide l’Empire Perdu est peut-être le film le plus frustrant de tout le catalogue Disney. Pourquoi ? Parce qu’il est sans aucun doute le dernier vestige d’un avenir brillant dans le multivers disneyen. Un destin bien loin de l’âge des remakes à gogo et des suites à n’en plus finir.
Atlantide est un film qui brille par sa modernité autant plastique que narrative. L’animation est audacieuse, sublimée par des effets spéciaux indémodables, un graphisme anguleux et une utilisation du scope disparue depuis le semblable Taram et le Chaudron Magique. Tout ça relevé d’une envoutante partition de James Newton Howard !
L’histoire de l’Atlantide l’Empire Perdu c’est le récit mature et initiatique du jeune Milo qui, à travers le MacGuffin de la quête de la cité perdue, s’accomplira et se révoltera contre l’esprit destructeur de son expédition. Une ode à la tolérance et à la découverte de soi à travers les autres, qui se métaphorise via la relation égalitaire construite entre Milo et la princesse atlante Kida. Un film novateur qui a su dessiner les traits de personnages féminins forts et complexes et d’un personnage principal masculin loin de l’archétype du prince Disney séduisant.
La rumeur dirait que Gary Trousdale produisit un premier scénario de 155 pages pour L’Atlantide l’Empire Perdu. Soit un peu moins du double d’un script usuel pour un classique d’animation Disney de l’époque ! On touche ici au gros point noir du film. Comme Taram et le Chaudron Magique, Atlantide l’Empire Perdu souffre d’un rythme bien trop rapide et saccadé. Il manque une bonne trentaine de minutes de film qui nous permettrait de mieux découvrir la fameuse cité perdue. De comprendre avec plus de subtilité sa décadence et la psychologie de son vieux roi déchu, miroir des aspirations guerrières et dominatrices du principal antagoniste du film. Une œuvre avare en découverte, un comble pour un film d’aventure !
Des personnages attachants bien que fortement stéréotypés pour certains. Une proposition forte et mesurée, soulignée pour une animation sans défaut. Malgré les accusations de plagiat (notamment de l’animé Nadia, le Secret de l’Eau Bleue des studios Gainax) auxquelles l’Atlantide l’Empire Perdu a dû faire face, le film se place aujourd’hui comme le songe inavoué des fans disneyens rêvant encore d’un monde où la firme saurait encore faire preuve de tant d’audace. Un fabuleux ovni dont on peut savourer l’héritage en regardant la suite : Les Énigmes de l’Atlantide sur Disney+ ou en fantasmant sur les plans de l’attraction Submarine Voyage, annulée après l’échec du film.
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