Pour sa 7ème édition, le Festival du film fantastique de Menton a su étendre ses frontières et conquérir son public. Au total, 1 380 films se sont battus pour entrer dans la sélection et tenter de remporter un des prix attribués par le jury.
C’est à la frontière italienne, entre Nice et Vintimille que se cache ce festival encore discret présidé par Fabrice Ceccherini. Les projections avaient lieu au Palais de l’Europe et le cadre, impressionnant, parlait de lui-même : ici on prend les films fantastiques au sérieux. Le festival de Menton s’ajoute ainsi à ceux de Gerardmer et Strasbourg, qui font figure d’exception dans un pays où l’on dit le public réfractaire aux films de genre. Démentant cette idée reçue, au cri d’appel de Fabrice Ceccherini, 200 professionnels et bénévoles ont répondu présent. Un engouement récompensé par les nombreuses participations de cinéastes internationaux et d’un public toujours plus fidèle et enthousiaste.
JOUR 1
Ouverture du festival
C’est le soleil du Sud qui accueille chaleureusement les participants devant les portes du Palais de l’Europe ce 26 octobre. Le festival s’ouvre avec une masterclass passionnée, donnée par les invités, où le public interagit directement avec des professionnels du cinéma. Peu de barrières séparent les spectateurs des créateurs à Menton. C’est la force d’un festival encore accessible, émergent, et dont tout le monde ressort gagnant. Un échange enrichissant, suivi de la traditionnelle soirée d’ouverture pour célébrer l’événement.
Cette année, le jury était composé de Sophie Duez, Eric Lavaine, Ambroise Michel, Laurent Claret et Aurélia Poirier. Deux actrices, deux acteurs et un réalisateur pour juger les 25 films soigneusement sélectionnés. Les premiers films en compétition sont d’ailleurs projetés le soir même. Sans attendre, on découvre donc le moyen-métrage Les arbres sont bleus de Mélanie Grancourt, suivi de la série Filles du feu de Magaly Richard Serrano. Une mise en bouche de qualité, puisque le premier a déjà reçu plus d’une dizaine de sélections en festival, tandis que la seconde est une œuvre diffusée sur petit écran (France 2).
JOUR 2
Sept courts-métrages et deux films au programme. La deuxième journée du festival se lance, accueillie par l’Automobile Club de Menton et les expositions de figurines présentées au Palais de l’Europe. Un public enthousiaste et éclectique se presse devant les portes. Fabrice Ceccherini se bat pour obtenir la présence de toutes les équipes des films, un effort à saluer et qui séduit les spectateurs. On a la chance d’avoir au moins le réalisateur ou la réalisatrice, souvent les acteurs, parfois même les scénaristes ! Petit bémol : le choix de présenter tous les films d’une seule traite avant les projections, qui entraîne une certaine confusion entre les œuvres et accentue la légère indigestion lors du visionnage de cinq courts ou plus, sans aucune pause. Néanmoins, et heureusement, la qualité desdites œuvres permet vite d’oublier cet inconvénient.
Courts-métrages
Parmi les courts-métrages projetés ce 27 octobre, on remarque la part belle faite aux violences psychologiques et sociales. En effet, Ma tutto questo Alice non lo sa ?!, d’Alessandro Carrieri, traite des violences pédophiles dans une parodie de tribunal burlesque. Monochrome, de Cédric Prévost, affronte le néo-nazisme dans une mise en scène impeccable à travers un jeu habile de relations trompeuses. Golden Shopping Arcade, des frères Ricci, livre un monde à peine dystopique où les citoyens pauvres se voient refuser l’accès aux soins par une corporation capitaliste. Quant à Louves de Lucie Cabon, le film nous présente un gang féministe aux instincts meurtriers. Seul Heaven on Earth de Franck Marchand vient contrebalancer ces thématiques en proposant une histoire presque légère de passage entre la vie et la mort.
Pour les séances du soir, c’est l’horreur qui prime dans une ambiance halloweenesque. Angle Mort, d’Alexandra Mignien, nous fait craindre cette présence floue et insaisissable qui se balade toujours hors-champ, dans le coin de notre œil. Quant à Mécanique, de Jean Stefanelli, il s’agit d’une très belle réalisation au service d’une histoire endeuillée et hantée par un père, ou plutôt sa moto.
Longs-métrages
Les deux longs-métrages de la soirée mettent les femmes à l’honneur. Du côté de Don’t Watch, d’Abel Danan, on parvient à renouveler un thème prisé des dernières décennies : les réseaux sociaux. Slasher en ligne et en direct, influenceuses prises au piège par un stalker, hémoglobine à volonté… Le film a su trouver son public grâce à un équilibre toujours juste entre violence décomplexée et message sérieux. Il faut dire que, derrière la caméra, il y a une équipe qui a fait ses preuves. Si le chef-opérateur a travaillé sur Taken et From Paris with Love, l’assistant-réalisateur a fait ses armes sur Astérix et Obélix mission Cléopâtre, Valérian et Arthur et les Minimoys. Et l’actrice principale ne vous sera pas inconnue, ayant tourné dans En Corps, Adieux les Cons et La Révolution.
Enfin, le dernier film de la soirée, Hikikomori, est réalisé par Sophie Attelann. Le titre est un terme japonais faisant référence à des reclus sociaux extrêmes. La réalisatrice transpose habilement ce phénomène de société à la France. Son héroïne angoissée et isolée se crée un alter-ego fantastique lui permettant d’affronter le quotidien.
JOUR 3
Science-fiction
La troisième journée est dédiée aux courts-métrages, avec quatorze d’entre eux en compétition. Des courts très variés, aussi bien sur les thématiques que sur le budget. La science-fiction d’abord, avec Calvin de Camille Tello, Dark Cell de Jean-Michel Tari et Sauvage de Nicolas Devienne. Et déjà au sein d’un même genre, on se rend compte de l’éclectisme de la compétition.
Là où Calvin est l’errance semi-apocalyptique d’un extraterrestre dans les ruines de la guerre d’Espagne, Dark Cell met en scène des prisonniers de l’espace. Les effets spéciaux de ce dernier court-métrage sont d’ailleurs à souligner, tant il est rare de voir des films de genre avec assez de budget pour se les permettre. Pourtant, grâce à une équipe passionnée, le résultat est saisissant. Si, dans beaucoup de films les VFX sont souvent dissimulés dans la brume, dans l’ombre ou en arrière-plan, Dark Cell choisit de faire confiance à son équipe de modélisateurs 3D. Les vaisseaux gigantesques, les cadavres flottants et les armes futuristes sont partout, illuminés, en gros plan.
Quant à Sauvage, la science-fiction y est plus légère. Néanmoins, le film qui suit une récolteuse de déchets plastiques sur l’océan se permet également de beaux VFX. En effet, il a nécessité 70 plans truqués et le souci du détail permet un rendu impeccable.
Autres genres
Les contes fantastiques ne sont pas en reste, avec Dans les bois, l’Orée de Stéphane Artus et Mascarada de Ana Maria Ferri. L’un est un hommage aux créatures de la nature du folklore celtique, druidique. Alors que l’autre est une adaptation espagnole d’un poème d’Edgar Allan Poe, une histoire de fantômes portée par des acteurs impliqués. Et si l’on parle de fantômes, il faut mentionner Maryla, de Guillaume Heulard. En effet, le film verse dans la pure tradition des maisons hantées, avec quelques frayeurs à la mise en scène bien réussie.
La mort est également un élément central pour Allegresse de Gillie Cinnéri. Un employé de pompes funèbres, sa fille et les cendres d’un inconnu se mélangent dans une comédie absurde. Dans Le marchand de souvenirs de Franck Marchand et Paul Parent, ce sont les objets qui ont une âme et une histoire. Ces fantômes du passé sont moins inanimés qu’il ne paraît. Et la mort est aussi centrale dans Le Tournesol de Paul Parent.
On apprécie une édition 2023 forte de ses personnages féminins. Comme pour Edouard, de F.Manga, une histoire d’amour ou presque, qui vire au cauchemar. Dans Ma Muse, de Guillaume Levil, la femme est source d’inspiration. Ou du moins, d’un certain type d’inspiration. Dans Tomoé, de Marine Hébert, elle est une figure combattive et indépendante du Japon féodal. L’Obscurité de Svetlana Trebulle en fait un être de puissance grâce à la figure de la chamane, qui s’oppose à la mère de famille pour sauver un jeune garçon. Enfin, elle est la modernité, la jeunesse, le souffle du changement dans Fortissimo de Victor Cesca.
Palmarès
Après trois jours de projections, entrecoupées de visites régionales organisées par le festival, le jury a rendu son verdict. Ainsi, on a pu découvrir les 11 prix artistiques (aucun prix technique n’étant attribué par le festival).
- Grand Prix du Festival : Abel Danan pour Don’t Watch
- Prix du Meilleur Court-Métrage : les frères Ricci pour Golden Shopping Arcade
- Prix du Meilleur Acteur : Bruno Debrandt pour Filles du Feu
- Prix de la Meilleure Actrice : Joy Rieger pour Don’t Watch
- Prix du Meilleur Acteur (court-métrage) : Alain Figlarz pour Dark Cell
- Prix de la Meilleure Actrice (court-métrage) : Anaïs Parello pour Angle Mort
- Prix du Meilleur Scénario : Cédric Prévost pour Monochrome
- Prix du Favori : Jean-Michel Tari pour Dark Cell
- Prix de la Meilleure Musique : Alfred Attal pour Don’t Watch
- Prix des Meilleurs Costumes : Chouchane Tcherpachian pour Dark Cell
- Prix du Public : Gillie Cinerri pour Allégresse
Les deux grands gagnants de cette édition sont donc Don’t Watch et Dark Cell, qui repartent avec 3 prix chacun. Avec un public enthousiaste et des sélections de plus en plus qualitatives, le Festival international du film fantastique de Menton prend de l’ampleur. Fabrice Ceccherini a même annoncé la possible participation de films américains pour l’année prochaine. Gageons que cette initiative saura encourager les producteurs français, toujours frileux à l’idée de financer des projets des films de genre. Rendez-vous donc l’année prochaine à Menton pour plus de fantômes, de zombies, de dystopies, de rêves hallucinés… Plus de cinéma fantastique !
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