Le feu grégeois : l’arme redoutable et mystérieuse des Byzantins

Le feu grégeois : l'arme redoutable et mystérieuse des Byzantins

Le feu grégeois, mélange inflammable capable de tout brûler sur son passage et de ne pas s’éteindre, aurait été inventé au VIIe siècle. Il a d’ailleurs permis à l’Empire Byzantin de vaincre nombre de ses ennemis. On vous propose aujourd’hui de découvrir son histoire !

Le nom du feu grégeois nous vient tout droit du monde gréco-byzantin du VIIe siècle. En effet, « grégeois » est une altération de grezeisgrezois en ancien français, qui signifie « grec ». La substance possède plusieurs appellations en grec médiéval, telles que πῦρ θαλάσσιον, « feu maritime » ou « marin », ou encore πῦρ ὑγρὸν, « feu liquide ». 

Invention du feu grégeois

Callinicus, un architecte originaire d’Héliopolis en Syrie byzantine et réfugié à Constantinople, aurait inventé le feu grégeois vers 672. Cependant, des navires byzantins auraient déjà transporté le mélange incendiaire quelques années auparavant. On pense donc que Callinicus aurait amélioré un mélange déjà existant. James Partington, un historien, avance lui que le feu grégeois aurait plutôt été « inventé par des chimistes de Constantinople qui ont hérité des découvertes de l’école de chimie d’Alexandrie »

À cette époque, l’Empire Byzantin fait face à de nombreuses invasions musulmanes. De plus, de longues guerres avec les Sassanides l’a grandement affaibli. Il s’agit donc de défendre l’Empire contre les Arabes. Ces derniers assiègent Constantinople une première fois entre 674-678, et une deuxième fois entre 717-718. Afin de reprendre leur capitale, les Byzantins utilisent alors le feu grégeois. Pour être plus précis, ils se servent du mélange inflammable pour incendier les flottes de leurs ennemis. Plus tard, en 727, ils se servent de cette arme pendant la révolte des flottes thématiques, et pendant les guerres civiles byzantines de manière générale. Ils feront de même à la fin du IXe siècle et au début du Xe siècle, lors de l’expansion byzantine. Par la suite, les Byzantins ont utilisé leur arme redoutable contre les raids de la Rus’ dans le Bosphore, vers la fin du Xe siècle. Enfin, en 970-971, plusieurs de leurs navires, équipés de leur arme de prédilection, ont bloqué le Danube durant la guerre contre l’Empire bulgare.

La dernière mention de l’utilisation du mélange date de 1203. On aurait en effet fait usage d’un navire incendiaire pendant le siège de Constantinople de cette année. On suppose en fait que les Byzantins auraient arrêté de l’utiliser plus ou moins contre leur gré, ayant perdu les territoires d’où provenaient les matières premières nécessaires à sa fabrication.

Feu grégeois
Le feu grégeois tel qu’il est décrit dans la Chronique de Skylitzès de Madrid (manuscrit du XIIème siècle).

Le fonctionnement de l’arme

Le feu grégeois était plus qu’un simple mélange incendiaire. C’était, en outre, un système d’armes précis qui comprenait d’autres éléments nécessaires à son bon fonctionnement. Par exemple, il fallait des navires particuliers pour le transporter (les dromons). De plus, il y avait un mécanisme qui permettait de préparer le mélange, et un siphon pour le projeter. En fait, l’usage de l’arme était très compartimenté. On affectait des personnes à une tâche, mais elles ne connaissaient que les secrets de cette dernière. De fait, elles ne pouvaient pas savoir en quoi consistaient les autres. Cette compartimentalisation des tâches et des connaissances s’est révélée être un réel avantage pour les Byzantins : quiconque mettait la main sur une partie du feu grégeois était alors incapable de le reproduire ou de comprendre son fonctionnement.

Grâce à des manuels militaires byzantins et à d’autres sources historiques, tel que le texte d’Anne Comnène, on peut tenter de mieux comprendre l’arme. Dans un premier temps, le mélange était liquide, et non pas une forme de projectile, comme l’indique l’une des appellations de l’arme (« feu liquide »). Ensuite, le mélange était capable de brûler sur l’eau, et selon certains, c’était même cette dernière qui entrainait la combustion. Pour éteindre le feu grégeois, on se servait donc de sable, ou encore de vinaigre fort. Ensuite, on le projetait en mer grâce à des siphons, mais des interprétations évoquent aussi l’utilisation de grenades ou de pots en terre. Enfin, au moment de la projection, un fracas se faisait entendre, et beaucoup de fumée apparaissait.

Composition possible du mélange

Malgré les nombreuses hypothèses qui existent aujourd’hui, la fabrication exacte du feu grégeois reste un mystère. Déjà au Xe siècle, le secret de la production de la substance était bien gardé. En outre, l’empereur Constantin VII Porphyrogénète demande à son fils dans son livre De Administrando Imperio de ne jamais révéler la recette.

En raison du fracas et de la fumée causés par la décharge de feu grégeois, on a au début pensé que celui-ci se composait de salpêtre : il serait donc un ancêtre de la poudre à canon. Le chimiste Marcellin Berthelot adhérait d’ailleurs à cette hypothèse. Néanmoins, il semblerait que la théorie soit impossible, puisqu’aucune source arabe n’évoque le salpêtre, alors que ceux-ci étaient les chimistes les plus doués de l’époque.

D’autres ont avancé que l’ingrédient principal de l’arme était l’oxyde de calcium. En effet, le contact de ce dernier avec l’eau provoque une réaction explosive. Seulement, l’arme ne rentrait pas toujours en contact avec l’eau, puisqu’on la déversait aussi sur le pont des navires ennemis.

Il est possible que le feu grégeois ait contenu du salpêtre et de l’oxyde de calcium. Néanmoins, on pense aujourd’hui que ces derniers n’étaient pas les ingrédients principaux. En fait, le feu grégeois serait constitué de pétrole, brut ou raffiné. On appelait en effet le mélange « feu mède », et le pétrole brut « huile mède ». De plus, un texte en latin du IXe siècle retrouvé en Allemagne présente les ingrédients de l’arme, et le pétrole en fait bien partie. La présence de pétrole dans la substance la rapproche alors du napalm moderne.

Feu grégeois dans Assassin's Creed: Revelations
Feu grégeois dans Assassin’s Creed: Revelations (2011).

Les secrets de la fabrication du mélange inflammable sont aujourd’hui encore un mystère. Cela n’empêche pourtant pas la substance d’apparaître de nombreuses fois dans la pop culture. En effet, ceux qui ont regardé Game of Thrones se souviennent certainement de sa tragique utilisation. Barbe Noire en fait aussi usage dans Pirates des Caraïbes : La Fontaine de jouvence. Enfin, le mélange incendiaire apparaît dans la franchise de jeu vidéo Assassin’s Creed

 

Sources :

Etudiante en Master Culture, patrimoine et médiation, je m'intéresse de très près à l'histoire ainsi qu'à culture pop, particulièrement à Marvel et Star Wars. Passionnée d'anglais depuis toujours, j'ai un goût prononcé pour les contenus dans cette langue ainsi que les pays où elle est parlée.

3 Replies to “Le feu grégeois : l’arme redoutable et mystérieuse des Byzantins

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *