Du 12 février au 1er mars se déroule l’annuel carnaval de Venise, une tradition de la cité héritée du Moyen Âge. Fête de cohésion civique et de transgression des insignes sociaux au moyen de costumes, le carnaval invite à revisiter l’histoire de la Sérénissime, de son apogée au déclin de sa puissance.
La naissance du commerce vénitien
Dès le VIe siècle, des réfugiés fuyant l’invasion lombarde fondent la cité. Sous l’autorité de l’Exarchat de Ravenne, dépendance placée sous le joug de l’Empire romain d’Orient puis de l’Empire byzantin, la petite cité de Venise se tourne vers la mer, assaillie par les Francs, les Huns ou encore les Goths depuis le continent. Bien que géographiquement isolée dans la Méditerranée, aux confins de l’Adriatique, sa position de tampon entre Occident et Orient permet aux commerçants vénitiens d’introduire produits et denrées orientales dans le monde chrétien. Elle permet aussi de fournir à l’Empire byzantin les matières premières dont Constantinople a besoin.
L’ingéniosité du commerce vénitien s’observe dans sa réinvention générale du circuit des échanges. Constantinople n’est plus une destination, mais une étape dans la Méditerranée, au même titre que les ports du delta du Nil, des îles grecques ou encore de la mer Noire et du Levant. Le commerce devient la condition de la survie politique de la cité qui se fait alors Empire.
L’assertion de la république de Venise
Progressivement constituée au Moyen Âge, la sérénissime république de Venise s’étend dès le XIIe siècle par l’annexion de territoires en Italie du Nord, le long de l’Adriatique et de la Méditerranée. Parmi ses possessions : l’Istrie, la Dalmatie, l’Albanie vénitienne, les îles ioniennes ou encore la Crète, Chypre… La république de Venise s’étend jusqu’aux portes de l’Orient. Elle bâtit alors sa stratégie sur les échanges entre l’Occident, l’Orient et l’Extrême-Orient.
Au moyen des croisades, la république de Venise étend encore plus son pouvoir en Méditerranée, en même temps qu’elle se rend indispensable à leur organisation. Son appui militaire aux belligérants croisés lui permet de faire fructifier ses activités commerciales.
En 1198, le pape Innocent III lance un appel pour une quatrième croisade. Venise, alors principale puissance maritime de Méditerranée, affrète les navires de 30 000 croisés. L’été 1202, l’armée se réunit sur le Lido. Les croisés sont moins que prévu, mais le doge de Venise, Enrico Dandolo, n’en a cure et refuse leur départ avant le versement de la totalité du montant des navires. Il accepte devant leur impossibilité à payer de reprendre le port de Zara (Zadar en Croatie) passée sous protection pontificale.
Les croisés mènent alors leur première attaque envers une ville catholique. Le Doge va jusqu’à détourner la croisade vers Constantinople, ville chrétienne d’Orient et rivale de Venise. Le sac de la ville et le pillage de ses monuments par les croisés sont à l’origine des célèbres chevaux de bronze dressés sur le balcon de la basilique Saint-Marc.
Le déclin progressif de la Sérénissime
En 1261, avec la complicité des Génois, l’ancienne dynastie de Constantinople reprend la ville et affronte la flotte des Vénitiens en Dalmatie. Marco Polo est alors capturé et les deux tiers de la flotte sont détruits.
Cependant, le déclin de la république de Venise, que l’on observe dès le XVIe siècle, dépend d’évolutions historiques qui bouleversent son équilibre. Fernand Braudel, historien spécialiste de la Méditerranée, en éclaire les raisons :
« Ce qui a eu raison de Venise, ce sont les routes du monde qui se déplacent lentement de la Méditerranée à l’Atlantique ; ce sont les États nationaux qui grandissent. Dès le XVIe siècle, Venise se heurte à ces corps épais : l’Espagne, la France, l’une et l’autre avec des prétentions impériales ; plus encore surgit l’Empire turc, colosse d’un autre âge, mais colosse, contre lequel elle s’épuisera. »
Le 12 mai 1797, la république est occupée par les troupes de Napoléon Bonaparte au terme de la campagne d’Italie. Le traité de Campo-Formio, signé au mois d’octobre entre la France et l’empire d’Autriche, fait de la Cité-Etat une province vénitienne. Malgré des épisodes de résistance politique, comme celui de la république de Saint-Marc 1848-1849 contre les autorités autrichiennes, Venise, Cité-Etat, n’est plus.
L’histoire de Venise se confond avec celle du commerce et des échanges entre l’Orient et l’Occident, de l’identité de la Méditerranée et également des conséquences des grandes explorations des XVe et XVI siècles. Si le Nouveau Monde a eu raison du déclin de l’empire vénitien, la cité des Doges aura, incontestablement, façonné notre système d’échanges commerciaux.
Sources :
- Histoire pour tous – Histoire de la quatrième croisade
- L’Histoire.fr – L’Empire vénitien
- Fernand Braudel, « Venise », Fernand Braudel (dir.), La Méditerranée. L’espace et l’histoire. Les hommes et l’héritage, Paris, Flammarion.
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