Hiroo Onoda : le soldat japonais qui a continué la guerre jusqu’en 1974

Hiroo Onoda : le soldat japonais qui a continué la guerre jusqu'en 1974

Envoyé en mission en 1944, à quelques mois de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Hiroo Onoda ne rendra les armes que 30 ans plus tard. En effet, ignorant que le conflit a pris fin en 1945, il continuera d’opérer sur l’île de Lubang, aux Philippines, jusqu’en 1974.

La mission d’Hiroo Onoda

Lorsqu’Hiroo Onoda est âgé de 20 ans, la Seconde Guerre mondiale fait rage et nombreux sont ceux qui sont appelés au combat. En effet, le jeune homme est réquisitionné par l’armée nippone pour combattre les Américains. Hiroo Onoda n’hésite pas à défendre son pays. Il quitte alors son travail pour rejoindre l’école militaire de Nakano, où sont formés les officiers. Là-bas, on le forme pour devenir un agent chargé du renseignement. En fin d’année 1944, il fait partie d’un groupe de 22 hommes formés aux techniques de la guérilla. Le 26 décembre de cette même année, il sera envoyé sur l’île de Lubang, près de Luzon, aux Philippines.

Hiroo Onoda, dans les années 40 - Cultea
Hiroo Onoda, dans les années 40.

Son objectif consiste à récolter des informations derrière les lignes ennemies. Son instructeur, le major Yoshimi Taniguchi, est très clair lorsqu’il lui donne ses instructions :

« Cela pourra prendre trois ans. Cela pourra prendre cinq ans. Mais quoi qu’il arrive, nous reviendrons vous chercher. »

Des instructions qu’Hiroo Onoda s’apprête à suivre pour les 30 années à venir. Il ne doit jamais renoncer, tant qu’il reste au moins un soldat sous son commandement. Même s’il doit vivre dans la misère, il doit tenir bon jusqu’à l’arrivée de renforts. Evidemment, il a l’interdiction formelle de se donner la mort. De fait, les ordres reçus sont clairs. La mission du jeune officier commence et ne prendra fin que lorsque des soldats viendront le chercher.

La vie d’Hiroo Onoda dans la jungle

Hiroo Onoda et ses hommes partent sur l’île de Lubang, à quelques mois de la fin de la guerre. Une fois sur place, les soldats se séparent en petits groupes et se déploient dans la jungle. La troupe d’Onoda parvient à survivre, tandis que la plupart des autres soldats trouvent la mort. Les trois autres hommes qui accompagnent Hiroo Onoda sont le caporal Shoichi Shimada, le soldat de première classe Kinshichi Kozuka et le soldat Yuichi Akatsu. Tous les trois survivront dans la jungle pendant des mois en continuant leur mission.

La fin de la guerre

Alors qu’ils poursuivent leurs activités de guérilla, ils tombent sur des tracts lors d’un raid dans une ferme locale, le 25 octobre 1945. Ces tracts annoncent la fin de la guerre, depuis le 15 août 1945. À ce moment-là, Hiroo Onoda et ses hommes ignorent les bombardements nucléaires survenus à Nagasaki et Hiroshima. Ils considèrent alors que ces tracts sont des mensonges et qu’il ne s’agit que d’une ruse de l’ennemi pour les faire sortir de leur cachette. Il se rappelle de l’ordre reçu quelques mois plus tôt : ne jamais se rendre.

Pour l’Empereur, les quatre hommes continuent leur mission. Des tracts continuent d’être largués pour faire sortir les soldats encore présents dans la jungle. Mais aucun ne parviendra à convaincre Hiroo Onoda. Pour lui, il est impossible que le Japon perde la guerre. C’est pourquoi il attend qu’un soldat vienne le récupérer pour lui annoncer la victoire. Il continue donc à se battre aux côtés de ses hommes, contre un ennemi qui, en fait, n’existe plus.

Hiroo Onoda, présumé mort

Les quatre soldats survivent péniblement pendant de longues années après le conflit. Le premier à s’en aller est le soldat Yuichi Akatsu, qui décide de se rendre aux autorités philippines pour retourner au Japon. Il part seul en 1949. Le trio restant deviendra beaucoup plus vigilant après son départ. Ainsi, leur existence refait surface et des tracts sont à nouveaux largués dans la jungle. Ces tracts ont pour but de faire revenir Hiroo Onoda à la raison et de le faire sortir de la jungle. Des lettres de sa famille sont mêmes larguées en 1953. Pourtant, aucun de ces tracts et aucune de ses lettres ne feront sortir le soldat et ses hommes de leur cachette.

Un an plus tard, le caporal Shoichi Shimada trouve la mort dans un échange de tirs. Il est identifié. Il ne reste donc plus qu’Hiroo Onoda et Kinshichi Kozuka dans la jungle, à priori. Des officiers se rendent sur place pour entreprendre eux-mêmes des recherches, armés de mégaphones. Seulement, Hiroo Onoda est bien trop fort dans son domaine et n’est pas retrouvé. Sa paranoïa l’empêche de croire à la fin de la guerre. N’ayant trouvé aucune trace de ce dernier, Hiroo Onoda est officiellement déclaré mort en 1959, après six mois de recherches organisées par le Japon.

Des décennies de combat fantôme

La guérilla contre les Philippins

Dix ans se sont écoulés depuis le départ de Yuichi Akatsu quand Hiroo Onoda et Kinshichi Kozuka sont officiellement déclarés morts, en 1959. Pendant des années, le duo continuera sa mission avec loyauté envers le pays. Ils tueront des dizaines de Philippins au fil du temps. Des morts que l’on aurait pu éviter, si Hiroo Onoda était revenu à la raison. Pourtant, en 1972, l’existence des deux soldats refait surface.

En effet, Kinshichi est abattu par la police cette année-là après un échange de tirs. Hiroo Onoda parvient à s’échapper, mais il se retrouve désormais seul dans le combat et dans la jungle. Le Japon, qui pense qu’il y a une chance qu’Hiroo Onoda se cache toujours, décide de réessayer de le faire revenir à la raison en envoyant des membres de sa famille le chercher. Mais rien. Hiroo Onoda s’en tient à sa promesse. Il ne rendra les armes que lorsqu’un soldat viendra le chercher. Il ne cèdera pas aux ruses de l’ennemi.

Le dernier « traînard » retrouvé

Hiroo Onoda n’était pas le seul soldat japonais à ne pas croire en la défaite du Japon, lors de la guerre. Par contre, il fut le dernier à être au courant que c’était vrai. Les « traînards » étaient ces soldats qui se cachaient encore, par peur d’être tués ou emprisonnés. Lui, en revanche, se cachait pour remplir sa mission. Et après des années de recherches, c’est un étudiant japonais, Nario Suzuki, qui finit par lui mettre la main dessus, le 20 février 1974.

« Trouver Onoda, un panda et l’épouvantable homme des neiges. »

Voici les missions que s’était donné Nario Suzuki à lui-même, en entreprenant son voyage aux Philippines.

Découvrant alors la cachette d’Hiroo Onoda, l’étudiant tente de ramener l’officier à la raison. Malheureusement, ce dernier est clair : sa mission ne sera finie que lorsqu’un soldat viendra le chercher. Alors, Nario Suzuki retourne au Japon et fait parvenir l’information au major d’Hiroo Onoda de l’époque, Yoshimi Tanigushi. L’ancien militaire devenu libraire fait alors le voyage jusqu’à l’île pour retrouver son soldat et l’informer qu’il peut cesser le combat. Hiroo Onoda écoute enfin et rend les armes, 29 ans après la fin de la guerre.

Hiroo Onoda qui remet son sabre au président Ferdinand Marcos lors de sa reddition, le 11 mars 1974. - Cultea
Hiroo Onoda qui remet son sabre au président Ferdinand Marcos lors de sa reddition, le 11 mars 1974.

Le choc du retour de la légende

Hiroo Onoda est âgé de 52 ans désormais et se rend compte de toutes les morts inutiles qu’il a provoquées au cours des dernières années. Ses compagnons d’armes sont morts pour rien, il a mené un combat qui n’existait pas sans jamais douter de lui. Son entière dévotion à la patrie s’est retournée contre lui. Tant de vies et tant d’années gâchées. Pourtant, à son retour au pays, il est accueilli comme un héros. Du côté des Philippins, il laisse évidemment un très mauvais souvenir à l’île. Sa guerre imaginaire aura coûté la vie à une trentaine de personnes.

Le Japon n’ayant plus rien à voir avec ses souvenirs d’antan, Hiroo Onoda s’exilera au Brésil dans un ranch. Il continuera quand même à faire quelques allers-retours entre le Brésil et le Japon. En 1996, les autorités locales l’invite d’ailleurs à Lubang. Hiroo Onoda retourne alors sur cette terre où toutes ses années de désillusion et de dévotion auront coûté la vie à des dizaines de Philippins. Même si, pour lui, ils étaient encore en guerre, cela ne réparera pas ses erreurs. Il fera alors un don pour fonder une école.

Hiroo Onoda confiera toutes ses années passées dans la jungle dans une autobiographie intitulée No Surrender: My Thirty-Year War, publiée en 1974. Il ne tenait pas de journal mais avait une mémoire exceptionnelle grâce à laquelle il put retranscrire son aventure. Son histoire fut adaptée au cinéma également, dans un film intitulé Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, sorti en 2021. Hiroo Onoda s’est éteint en 2014 et laisse derrière lui le souvenir du sacrifice d’un soldat dévoué à sa patrie, doté d’un grand sens du devoir.

 

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