L’IA dans le jeu vidéo : de grandes espérances ou une inquiétude de plus en plus profonde ?

L'IA dans le jeu vidéo : de grandes espérances ou une inquiétude de plus en plus profonde ?

L’IA dans le jeu vidéo risque de se faire une place de plus en plus importante. Un jeu Steam sur cinq utilise l’intelligence artificielle générative. Pendant ce temps, saviez-vous qu’un développeur sur dix a perdu son emploi cette année dans l’industrie ? Ces deux phénomènes marquent très fortement cette année et celles à venir.

Le rapport annuel de la Game Developers Conference, basé sur les réponses de 3 000 professionnels, est assez inquiétant. Il révèle que 11% des développeurs ont été licenciés au cours des douze derniers mois. Dans le même temps, l’étude Totally Human Media, menée par Tom’s Hardware, montre que 7% de l’ensemble de la bibliothèque Steam utilise désormais l’IA générative. Cela semble peu, mais il n’en est rien. Sur plus de 115 000 jeux disponibles sur la plateforme de Valve, 7 818 titres utilisent l’intelligence artificielle à l’heure où nous écrivons ces lignes. Fait alarmant à souligner aussi : 20% de tous les titres sortis en 2025 présentent l’IA générative sous une forme ou une autre.

L’IA dans le jeu vidéo : le début d’une stratégie économique controversée

Selon le média GamesIndustry, un bruit de couloir se répétait régulièrement au sein des développeurs de la Gamescom 2025 : « Nous devons faire des jeux plus rapidement ! » Après des mois de panique et de licenciements en pagaille, l’industrie vidéoludique semble avoir finalement opté pour une stratégie claire.

Le plan pourrait se dérouler sans accro : abandonner des cycles de développement de cinq à sept ans pour aboutir sur des résultats en un ou deux ans, trois au maximum. En autre solution, les développeurs (et les éditeurs) pourraient opter pour la solution de l’accès anticipé. De nombreux jeux vidéo utilisent ce procédé jusqu’à l’aboutissement de leur projet : Palworld et ses déboires avec Nintendo, Escape from Tarkov et ses longues années d’expérimentations, Hadès II qui s’annonce déjà comme l’un des meilleurs titres du moment ou tout simplement The Rogue Prince of Persia qui se la joue rogue-lite !

Palworld se défend contre Nintendo !

Pourquoi une approche pareille est-elle envisagée ? Toujours selon GamesIndustry, les dépenses les plus coûteuses dans la fondation d’un projet vidéoludique proviennent des salaires, ce qui est totalement normal. Tout travail mérite une rémunération digne de ce nom. Ainsi, réduire considérablement les temps de développement permet de faire de grosses économies. Un flop comme celui de Concord, qui a coûté huit ans de travail, représente une énorme somme d’argent perdu.

Les salaires sont de loin le poste de dépense le plus important dans la création de jeux. Des délais de développement plus courts se traduisent donc, en théorie, par des coûts plus faibles. Et cela implique de ne pas miser le tout pour le tout sur chaque sortie. (Lewis Packwood)

Concord reste quand même le plus gros désastre de la Playstation 5 ! On l’a toujours, mais on n’a pas réussi à le vendre.

L’industrie du jeu vidéo n’a donc plus le choix : pour accélérer le temps de création, il faudra utiliser les outils de l’intelligence artificielle. « L’IA est le petit secret de l’industrie du jeu vidéo. La majorité des personnes à qui j’ai parlé disaient qu’elles utilisaient l’IA sous une forme ou une autre« , témoigne un journaliste à Gamesindustry présent au salon.

L’usage de l’intelligence artificielle reste subtil. En fait, très peu emploient l’IA pour générer des assets finis pour un jeu, pour éviter la brutale étiquette « Contenu IA » que l’on pourrait voir sur Steam. Seulement voilà, beaucoup l’utilisent à un moment donné du processus de développement.

Quand l’IA s’assume et ne s’assume pas

Alors, à quoi sert l’IA dans le jeu vidéo et comment est-elle utilisée ? Elle permet de générer principalement des bouts de codes. Certains développeurs l’utilisent également pour générer de l’art conceptuel au début du processus, leur permettant de monter rapidement des idées. Toutefois, certains préfèrent rester discrets, par crainte des réactions face à l’usage de tels outils dans un monde artistique où tout le monde redoute d’être remplacé par des machines. Il suffit de voir l’accueil réservé à la localisation de texte par IA dans le jeu vidéo The Alters pour comprendre que personne ne voudrait subir de la mauvaise publicité.

Bien évidemment, il ne faut pas croire que tout le monde souhaite rester discret. Certains éditeurs l’assument complètement. Square Enix avait affirmé utiliser Midjourney pour créer des pochettes d’album pour la musique (très chouette) du jeu dans Foamstars. De son côté, Activision divulgue sur Steam l’usage d’IA générative pour certains assets dans Call of Duty Black Ops 6 et son autre projet Warzone. Les détracteurs trouveront ici l’argument pour se tourner vers Battlefield

Plusieurs exemples peuvent se succéder, comme inZOI qui génère des texture in-game et l’IA des personnages. Liar’s Bar pour les voix des personnages, Kingdom Come Deliverance II pour les doublages des PNJ. CD Projekt aussi a cédé aux sirènes et introduit des améliorations en IA pour donner une conscience aux habitants de Night City dans Cyberpunk 2077. Cela ne serait pas surprenant si Rockstar Games avouait utiliser de tels outils pour son mastodonte Grand Theft Auto VI.

inZOI utilisera l’IA également

King, le cas qui fait redouter l’intelligence artificielle !

Malheureusement, l’intelligence artificielle ne sera pas qu’un outil, mais bien un remplaçant pour certains développeurs. King, créateur de Candy Crush, en serait un exemple flagrant. Désormais propriété de Microsoft qui a licencié 200 employés en France en ce début de septembre 2025, le studio préfère remplacer certains postes par des outils IA fraichement confectionnés par leurs soins. Peut-on penser qu’ils ont pu travailler sur le prompt qui était destiné à les remplacer ?

Les suppressions de postes touchent les équipes dédiées au level design et à la recherche utilisateur. L’équipe londonienne de 50 salariés de Farm Heroes Saga est également tristement touchée. Pour King, il s’agit d’une évidence : l’intelligence artificielle doit s’occuper des tâches banales pour libérer le personnel afin de lui donner plus de créativité. Malinx, le lynx !

La majorité du département a été virée, ce qui est fou puisqu’ils viennent de passer des mois à construire des outils pour concevoir les niveaux plus vite.

Arc Raiders assume son utilisation de l’IA

Après avoir été vivement critiqués pour le choix de l’IA pour le doublage avec The Finals, les développeurs du nouveau jeu en ligne Arc Raiders ont récidivé. Ils assument pleinement l’utilisation de l’IA pour remplacer les comédiens de doublage. Selon eux, c’est un choix qui permet de délivrer plus rapidement du contenu aux joueurs, ce qui est vital dans un « jeu à service ».

Plusieurs personnalités du monde du doublage ont pris la parole entre temps. Lucile Danilov, traductrice dans le jeu vidéo, s’est exprimée :

Vous avez vu ce qui arrive (aux acteurs) refusant de signer ? Peut-on vraiment parler de consentement quand l’alternative est de perdre (ou ne jamais obtenir) un emploi ?

Rappelons-nous que le monde du doublage est traversé par une crise sans précédent, plus précisément dans le jeu vidéo. Une polémique avait déjà fait parler d’elle en France avec Tomb Raider IV-VI Remastered. Dans L’Ange des Ténèbres, les développeurs ont rajouté des voix françaises aux jeux… sans faire appel à Françoise Cadol, l’emblématique voix française de Lara Croft. La comédienne a porté plainte. Malheureusement, les exemples dans le milieu des voix sont de plus en plus nombreux.

Arc Raiders assume de remplacer les comédiens !

L’inquiétude des développeurs…

Une telle révolution dans le secteur du jeu vidéo ne peut que diviser les opinions des développeurs. Le rapport de la Games Developers Conference 2025 révèle un changement d’opinion important. En 2024, seulement 18% pensaient que l’IA dans le jeu vidéo ferait des ravages. En 2025, le score s’élève à 30%. Pour couronner le tout, 52% des développeurs travaillent pour des entreprises dont l’intelligence artificielle est devenue un membre de la famille à part entière. 36% l’utilisent personnellement, l’assumant plus ou moins.

Une telle division d’opinion n’est pas anodine. Les raisons de cette méfiance concernent le vol de propriété intellectuelle, une diminution de la qualité du contenu par rapport au travail d’un artiste, mais surtout le nombre d’employés sur un projet.

Les chiffres des licenciements donnent une perspective sur l’ampleur d’un tel phénomène. Pour rappel, le premier trimestre 2024 à vu 8 619 licenciements comme nous l’écrivions dans ce précédent article. On estime que de 2022 jusqu’à l’été 2025, l’industrie se serait séparée de 35 000 salariés. Certains licenciements ont des raisons économiques, d’autres sont pour de la restructuration. Enfin, certains n’ont tout simplement aucune explication.

Plus d’indépendance, moins de jeu service

Pour faire face à cette détresse, l’indépendance devient la nouvelle ruée vers l’or. Le rapport de la GDC 2025 révèle que 21% des développeurs travaillent désormais en indépendant et 32% vont rejoindre des studios indie plutôt que les géants AAA. Par ailleurs, mentionnons que 42% des développeurs refusent que leur prochain projet soit un jeu service. Ces jeux étaient particulièrement nombreux l’an précédent, mais très peu ont réussi à sortir leur épingle du jeu.

Visiblement, le désastre commercial que fut Suicide Squad Kill the Justice League n’a pas fini de faire hurler les foules. Les développeurs préfèrent donc prendre le risque de refuser des emplois bien payés dans des gros studios pour ne pas sacrifier leur liberté créative.

Franchement, ce jeu aura vraiment marqué l’année 2024. Personne n’y a joué, mais tout le monde s’en souvient !

Des jeux qui luttent contre les tarifs les plus élevés

Soulignons que les AAA se sont fait remarqués pour leur augmentation à des tarifs très élevés. Bien que certains jeux soient excellents, comme ce petit bijou qu’est Death Stranding 2 On the Beach ou Donkey Kong Bananza, payer 80 euros n’est pas à la portée de tout le monde. C’est pour cela que des jeux comme Hollow Knight Silksong et Clair Obscur Expédition 33 se sont fait remarquer !

Le premier fait trembler les petits jeux indépendants, saturer les serveurs de Steam et n’est proposé qu’à 20 euros. Le second, merveilleuse production française au prix de 50 euros, nous évoque les grandes heures du chef-d’œuvre Final Fantasy X et le tant sous-estimé Lost Odyssey (l’heure où Xbox faisait des RPG extraordinaires semble lointaine) ! Notons aussi Blue Prince ou Split Fiction, qui ont tous trouvé leur public sans difficultés. Oui, ces exemples suggèrent qu’une approche alternative reste complètement viable sur le marché et qu’il n’y a pas forcément besoin de l’IA dans le jeu vidéo.

Hollow Knight Silksong est un candidat pour le GOTY 2025

Donc, « IA » plus d’espoir ?

Vous l’aurez compris, l’IA dans le jeu vidéo est une réponse presque radicale à la crise économique du secteur. Certaines productions dépassent plus de 500 000 millions de dollars si on ajoute le marketing agressif de certains jeux.

Les outils de l’IA apparaissent alors comme des promesses d’économies importantes. Une réduction du temps de travail et une réduction du budget artistique. Mais à quel prix ? 21,26 milliards de dollars d’ici 2034.

Enfin, l’accessibilité de l’IA pour tout le monde ne peut aussi entraîner que les voleurs, les trolls et les déchets vidéoludiques qui n’ont pour but que de vous attirer avec des succès. Des shovelwares, probablement finalisés en 20 minutes pour certains et qui sont vendus au prix d’un sandwich au thon à Paris. Steam a répliqué par une étiquette indiquant du contenu par IA. Néanmoins, ces petits étrons peuvent facilement envahir le Playstation Store ou le Nintendo e-shop. Heureusement, nous pouvons aussi être surpris. On l’espère…

Ce jeu sur Steam utilise des cinématiques animées par Midjourney. Bien évidemment, si la production ne contient qu’une personne, l’IA ne semble pas ici vouloir remplacer des gens. Sinon…

Vous l’aurez compris, l’avenir pourrait voir débarquer des productions AAA 100% modélisées par l’intelligence artificielle. Un changement brutal qui va poser des questions fondamentales sur l’avenir de la créativité, les coûts de production et la nature même de la création vidéoludique. Seuls les joueurs auront le pouvoir de donner la direction vers la prochaine révolution vidéoludique et seuls eux pourront juger si l’IA dans le jeu vidéo est pertinente. Espérons juste que le futur ne sera pas des plus sombres…

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Bande-annonce de inZOI

 

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