Paul Deschanel : le président français tombé d’un train en marche !

Paul Deschanel : le président français tombé d'un train en marche ! - Cultea

Il y en a eu des locataires à l’Elysée, mais sûrement pas d’aussi intrigants que Paul Deschanel. Ce président de la IIIème République a ponctué son mandat de plusieurs crises de folie. La plus connue l’a fait tomber d’un train en marche. Une chute digne des plus grands blockbusters – ou pas -, qui marquera la fin du mandat du président français.

Paul Deschanel est né à Bruxelles le 13 février 1855. Il était le fils d’un écrivain et auteur exilé, Emile Deschanel, un opposant de Napoléon III. Finalement, le fils revient en France et se lance dans une carrière politique. Il sera l’auteur de brillants ouvrages sur le fonctionnement des institutions, sera conseiller général puis député. En 1920, il arrive finalement à la tête de l’Etat, devenant président sous la IIIème République.

Le président Paul Deschanel, au bord de la dépression

Son arrivée à l’Elysée en 1920 se caractérise par des montagnes russes. D’abord impatient et excité à l’idée de devenir président, son élection le met finalement dans un état de dépression. La réalité le frappe de plein fouet et ses responsabilités pèsent lourd sur ses épaules. Paul Deschanel a enfin ce qu’il a toujours recherché. Mais désormais, il ne semble plus savoir qu’en faire, surtout que son élection fut une grande surprise pour lui. C’est par l’abandon de Clémenceau que Deschanel s’est retrouvé au sommet de l’Etat. De fait, ses premiers mots lors de son investiture auraient été :

« Ce peuple m’acclame et je ne suis pas digne de lui. »

Portrait de Paul Deschanel, en 1920 - Cultea
Portrait de Paul Deschanel, en 1920.

S’il est arrivé au pouvoir avec de grandes idées et plein d’intentions pour changer les choses, ce dernier fut déçu. Il se rend très vite compte que le président de la République ne possède pas beaucoup d’influence. Son impuissance le plonge encore plus dans la dépression. Par ailleurs, Paul Deschanel aurait même confié :

 « J’ai mis des années pour devenir président et une heure pour comprendre que ça ne servait à rien. »

Pour ne pas arranger les choses, Paul Deschanel vivra dans un stress perpétuel. Le protocole à suivre est strict et provoque des crises d’angoisse très handicapantes. Ainsi, les premiers mois de son mandat seront parsemés de crises d’hystérie, durant lesquelles il pouvait passer du rire aux larmes en un claquement de doigts. Certains pensaient que cet état résultait de la Seconde Guerre mondiale, qui l’aurait profondément affecté psychologiquement. De plus, pour ne rien arranger, il souffrirait du syndrome d’Elpénor, soit un réveil incomplet après un sommeil profond.

Les crises de folie et sa chute du train

Paul Deschanel a un comportement fantasque qui inquiète de plus en plus son entourage. Des épisodes de folie parsèment la vie du président. Par exemple, ce dernier avait pour habitude d’embrasser les fleurs qu’on lui jetait, avant de les renvoyer dans le public. Un jour, les fleurs tombent dans la boue, mais le président se prête tout de même à son rituel. Une autre fois, Paul Deschanel modifie sa voix, comme possédé. Lorsque le maire de Cap-Martin dit regretter son passage éclair, il prend une grosse voix.

« J’y reviendrai, mais seul, tout seul, sans personne, car aujourd’hui je suis entouré de policiers. »

Mais l’épisode de folie le plus célèbre de ce président est celui qui est arrivé la nuit du 23 mai 1920. Paul Deschanel prend le train cette nuit-là, pour se rendre à Montbrison à l’occasion d’une inauguration. Il va donc se coucher dans sa cabine, demandant qu’on ne le dérange pas avant 7h du matin le lendemain. Seulement, dans la nuit, le président est réveillé par une chaleur étouffante et tente d’ouvrir la fenêtre. Malheureusement, il s’agit de systèmes de fenêtres à guillotine, créées dans le but de faciliter l’interaction du président avec la foule sans avoir à descendre du train. Le président se bat alors pour ouvrir cette fenêtre qui est loin d’être facile à manier.

Cette dernière s’ouvre brutalement, faisant perdre l’équilibre au président qui plonge en dehors du train. Paul Deschanel, sonné, titube alors le long des rails – peu blessé car le train roulait doucement et qu’il est tombé sur du gazon. Il marche longtemps avant de finalement tomber sur un employé, André Radeau. Au départ, le cheminot ne croit pas Paul Deschanel qui dit être le président et le prend plutôt pour un ivrogne. Pourtant, plus tard dans la nuit, un médecin l’examinera et finira par confirmer l’identité du président de la République.

« Il avait la face ensanglantée, était vêtu simplement d’un pyjama gris blanc, les pieds nus dans ses pantoufles. »

André Radeau

La risée de la France

Bien évidemment, tomber d’un train n’arrange pas les affaires du président Deschanel, qui devient la risée du pays. Il se prend une vague de moqueries qui n’aident pas à soigner sa dépression. Les chansonniers et les caricaturistes ne manquent pas de se moquer de sa mésaventure. Il est alors ramené par sa famille à l’Elysée et présidera pourtant, comme si de rien n’était, le Conseil des ministres qui se tenait le lendemain.

La mésaventure du président Deschanel fait la une des journaux - Cultea
La mésaventure du président Deschanel fait la une des journaux.

Les jours qui suivent, Paul Deschanel se terre à l’Elysée. Son accident accentue sa dépression et il ne parvient plus à présider certains événements importants. Craquant sous les responsabilités, le président présente une première lettre de démission, quelques semaines après sa chute. Millerand parvient à l’en empêcher et conseille à Deschanel de se retirer quelques mois à Rambouillet, le temps de se remettre sur pied. Malheureusement, sa dépression est trop lourde et il ne parvient même plus à signer des documents importants. C’est le burn-out et Paul Deschanel présente une deuxième lettre de démission, en septembre 1920.

« Mon état de santé ne me permet plus d’assumer les hautes fonctions dont votre confiance m’avait investi. »

Paul Deschanel, dans sa lettre

Il remonta néanmoins la pente et parvint même à se faire élire sénateur en janvier 1921, dès le premier tour, avant de décéder l’année suivante des suites d’une pleurésie, en avril 1922. Ainsi, si le passage de Paul Deschanel à l’Elysée fut court, il n’en resta pas moins marquant.

 

Sources :

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