« (500) jours ensemble » est-il un film d’horreur ? [critique]

"(500) jours ensemble" est-il un film d'horreur ? [critique]

« Ceci est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille, mais sachez-le d’emblée, ce n’est pas une histoire d’amour « . Nous sommes en 2009. Le soleil brille, les oiseaux chantent, tandis que le public se délecte d’une histoire d’amour rocambolesque (avec un ÉNORME soupçon de toxicité) entre une humaine, un vampire et un loup-garou. Une romance considérée, déjà à l’époque, comme un brin kitsch par un public cinéphile, un poil snobinard, qui préfère alors se tourner vers le tout nouveau bébé de la prestigieuse et « indie » Fox Searchlight Pictures : (500) jours ensemble. L’histoire d’une « idylle » entre la pétillante Summer (Zooey Deschanel) et un jeune homme (aussi connu comme le pire cauchemar de la rédactrice de ces lignes) : Tom (Joseph Gordon-Levitt).

(500) jours ensemble : la new romance de l’année 2009 ?

Si vous tapez innocemment sur Internet (vous pouvez faire le test si vous êtes pris d’un ennui soudain) : « movies about love in 2009 » ou encore « 2009 romance drama movies », vous trouverez (500) jours ensemble dans les premières suggestions Google des films « à voir ». Ce premier film, signé Marc Webb (réalisateur aujourd’hui en pleine tourmente post-remake live-action Disney Blanche-Neige), peut se vanter d’une certaine innovation au moment de sa sortie.

Synopsis : Tom croit en l’amour avec un grand A. Qu’il sera capable de reconnaître la femme de sa vie dès que celle-ci entrera dans son champ de vision. Un jour, Tom croise le regard de Summer. Elle est celle qu’il a toujours attendue. Seule ombre au tableau ? Summer ne croit pas en l’amour et refuse de se définir comme la petite amie de quelqu’un…

S’il y a bien un point que le long-métrage de Marc Webb réussit avec brio, c’est son audace narrative comme visuelle. Quand on parle de comédie romantique (en 2009), on pense souvent à un coup de foudre, un couple, une séparation puis enfin des retrouvailles en fanfare avec violons, colombes, mariage et adorables bambins gambadant dans les champs. Bref. Un happy ending dans le sens le plus hétéronormé qui soit. Une image que (500) jours ensemble aurait pu reproduire aisément, mais c’était sans compter sur son pitch plus qu’original. (500) jours ensemble sera une histoire sur l’amour sans pour autant être une histoire d’amour.

Bienvenue dans l’esprit troublé du jeune Tom Hansen, petit employé de bureau pour une entreprise de cartes de vœux à la recherche de l’amour. Une situation initiale, tout droit sortie d’un roman sirupeux de Colleen Hoover, qui se brise dès le moment où Summer dit « Je ne sais pas » à Tom. Car là est l’essence même du film. Dresser le décor de la comédie romantique la plus clichée qui soit (comme on les adore, ne vous méprenez pas) pour la transformer en une analyse fine des relations amoureuses qui sont le plus souvent bien plus troubles.

Traduire ce labyrinthe de sentiments confus passe par la plastique même du film. Nous sommes dans la tête de Tom qui fantasme ses relations plutôt que les vivre. Quoi de mieux pour traduire cela qu’une narration non-linéaire ? (500) jours ensemble joue de cette ambiguïté entre film rose bonbon, pur produit de l’imagination de Tom et réalité vécue par Summer. Les séquences de liesse des premiers ébats s’entrechoquent en un cut avec la détresse de la rupture.

Un montage d’allers-retours effrayant sur le papier, mais diablement efficace tant les chocs sont maitrisés. Marc Webb connaît son propos. Montrer la complexité d’une relation « réelle » où l’amour ne suffit pas pour vivre heureux pour toujours avec beaucoup d’enfants. L’idée casse-gueule au scénario fait finalement mouche. Une bande-son travaillée, un duo d’acteur.ices au top de leur forme et des dialogues mordants. Que demander de plus ?

Peut-être un look qui semble parfaitement encapsuler le Zeitgeist de la fin des années 2000 ? Une esthétique vintage (oui, on plaide pour le retour à la mode des gros chignons donuts et des jupes vaporeuses fluo) fourmillant d’idées de mise en scène (animation, comédie musicale…) donnant à (500) jours ensemble tout ce qu’il faut pour en faire un film culte.

Summer ou la déconstruction de la Manic Pixie Dream Girl ?

Beaucoup parlent de (500) jours ensemble comme LE film qui parviendra à anéantir un des plus emblématiques (et sexistes) archétypes féminins des années 2000 : la Manic Pixie Dream Girl. Pour ceux qui auraient loupé le coche, on peut la définir comme une femme à l’allure de petite fille excentrique qui entre dans la vie d’un héros masculin morose pour lui apprendre les délices de la vie. La Manic Pixie Dream Girl est donc un pur produit du male gaze, présente dans une narration non pas pour exister par elle-même, mais plutôt pour faire prendre conscience à un homme de sa propre valeur.

Celle-ci est d’ailleurs théorisée en 2007 par le critique de cinéma Nathan Rabin pour The AV Club, alors qu’il fait une revue mitigée du film Elizabethtown de Cameron Crowe (2005). Une comédie romantique où un Orlando Bloom au fond du trou retrouve goût à la vie grâce aux espiègleries d’une Kirsten Dunst extatique. Le personnage de la jeune femme, que Rabin qualifie pour la première fois de l’histoire de « Manic Pixie Dream Girl », y est décrit comme :

« Un type de personnage que j’aime appeler Manic Pixie Dream Girl (…). La Manic Pixie Dream Girl n’existe que dans les imaginations fiévreuses des écrivains-réalisateurs sensibles, pour apprendre à de jeunes hommes à l’âme sombre à embrasser la vie, ses mystères et ses aventures infinies. La Manic Pixie Dream Girl est une proposition de tout ou rien. Soit le public veut l’épouser instantanément (bien que la Manic Pixie Dream Girl soit, vous savez, un personnage fictif), soit il veut commettre des lésions corporelles graves contre elle et leur famille. » – Nathan Rabin.

Bref, une Manic Pixie Dream Girl, c’est une fée/infirmière adorable et différente des autres filles (elle sait lire et n’écoute pas Britney Spears), mais toujours dans les canons de beauté, là pour sauver un jeune homme sans jamais que celui-ci se demande si elle va bien. Un trope que l’on peut parfaitement retrouver (en partie) dans (500) jours ensemble.

(500) jours ensemble
Avec son amour pour Ringo Starr et son sourire ravageur, Summer a tout de la Manic Pixie Dream Girl.

Les films « classiques » de Manic Pixie Dream Girls s’intéressent exclusivement aux personnages masculins, sans jamais remettre leurs perspectives en question. Or, c’est tout le contraire d’un film comme (500) jours ensemble

Tom tombe amoureux de l’image de l’excentrique Summer et non de la vraie personne. Quand Summer parle à Tom de ses traumatismes, celui-ci ne l’écoute pas. Il pense seulement au fait qu’il est la première personne à savoir les secrets de la jeune femme. Quand Summer réalise son mal-être, Tom nage toujours dans son illusion de relation idéale. Summer est une personne entière et non un simple ressort scénaristique. Un point de vue explicité à plusieurs moments du film…

On peut évoquer la séquence où Tom fréquente une nouvelle fille après sa rupture avec Summer. Un date aux allures de calvaire, tant Tom passe l’entièreté de la soirée à insulter Summer devant l’autre jeune femme. Celle-ci lui fait d’ailleurs remarquer que Summer s’est toujours montrée transparente avec Tom en lui disant qu’elle ne voulait pas de relation sérieuse. Une vérité que notre protagoniste refuse d’entendre… Là est la prétendue déconstruction.

(500) jours ensemble, la romance fait tout de même grincer des dents ! (spoilers) 

(500) jours ensemble était LE film qui devait enterrer la Manic Pixie Dream (bon, c’est plutôt une déclaration signée John Green, mais nous en reparlerons). Celui qui devait enfin rappeler à ces messieurs que dénigrer les femmes pour mettre celle qui les « sauvera » en avant est un comportement absolument masculiniste. Bref, abject.  

Alors pourquoi le film est-il aussi mal compris de son public ? Pourquoi a-t-il fallu que Joseph Gordon-Levitt lui-même revienne sur l’analyse du personnage de Tom en déclarant que tout le chaos de sa relation avec Summer est en partie causé par l’égocentrisme du jeune homme ?

« Je pense que c’est la faute de Tom. Si on fait vraiment attention (au film), Tom n’écoute jamais Summer. Et je pense que si on demande quel est le message de (500) jours ensemble, c’est que vous devez écouter les autres. Les écouter et comprendre vos propres biais. » – Joseph Gordon-Levitt sur le podcast de Larry King (Ytb).

On va se faire un plaisir de le rappeler. Pour la majorité du public, le grand méchant de (500) jours ensemble est Summer. Celle qui a quitté Tom et lui a brisé le cœur. Un point que l’actrice de Summer, Zooey Deschanel, a elle-même souligné en 2022 pour The Guardian.

« Les gens veulent que les personnages soient ensemble, mais c’est justement le fait que cela n’arrive pas qui rend le film intéressant. Elle (Summer) dit clairement qu’elle ne veut pas de relation, mais il (Tom) l’ignore. La scène la plus révélatrice est celle où elle lui dit : « Je n’ai jamais dit ça à personne auparavant », et où il ramène tout à lui. Il est obsédé par des détails extérieurs, comme le fait qu’elle aime les Smiths, qui n’ont rien à voir avec qui elle est en tant que personne. À tous ceux qui pensent que Summer est la méchante, je dis : réfléchissez un peu plus profondément. » – Zooey Deschanel pour The Guardian. 

(500) jours ensemble manque cruellement le coche à cause de deux points : son premier plan et son dernier. Comment dire qu’on fera un film féministe, prenant la défense du personnage féminin, quand celui-ci s’ouvre sur une charmante note du scénariste à propos de son ex disant :

« Ceci est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec une personne vivante ou décédée est purement une coïncidence. – Surtout avec toi Jenny Beckman – Salope. »

Comment critiquer Tom quand le film lui offre un happy ending auprès d’une autre jeune femme par « coïncidence » du nom d’Autumn ? Au moment où le jeune homme rencontre Autumn, celui-ci tourne son regard vers nous, un sourire aux lèvres. Le carton de fin passe de (500) Days of Summer (nom du film en anglais) à Day 00 of Autumn. Tom s’est-il remis en question à la fin du film ? Non. Sa rencontre fortuite avec le bonheur légitime au contraire ses actes.

(500) jours ensemble
Un sourire plus que glaçant. Quand Tom (Joseph Gordon-Levitt) regarde la caméra à la fin du film, on comprend que celui-ci ne changera pas de si tôt.

Une seule conclusion nous vient alors à l’esprit : bonne chance Autumn !

L’héritage de (500) jours ensemble est aujourd’hui absolument incontestable. La trace d’un film qui aura su révolutionner les codes de la comédie romantique acidulée tout en bâtissant les premières fondations de l’effondrement du mythe de la Manic Pixie Dream Girl. Le terme sera d’ailleurs rejeté par Nathan Rabin lui-même cinq ans après la sortie du film, quand il déclarera que le trope est « fondamentalement sexiste ». Or, le film tombera dans les mêmes travers que tous ses copains se vantant d’un tel exploit (voir Ruby Sparks) : caresser dans le sens du poil le héros plutôt qu’écouter la voix de celle qu’on voudrait comme héroïne et non personnage secondaire. (500) jours ensemble, culte ? Oui. Féministe ? Non. 

(500) jours ensemble, un film de Marc Webb avec Zooey Deschanel et Joseph Gordon-Levitt à découvrir actuellement sur Disney+

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