Le « Sony’s Spider-Man Universe » : un constat d’échec sans appel ?

Le "Sony's Spider-Man Universe" : un constat d'échec sans appel ?

Lancé en grande pompe avec la sortie de Venom en 2018, pour ensuite connaître les tréfonds du Box-Office, que reste-t-il de l’univers cinématographique de Sony (officiellement annulé) sans son protagoniste, Spider-Man ?  Un univers mort-né dès la sortie du premier film, qui tentait désespérément de capitaliser sur le succès du MCU

Les prémisses d’un univers

En 2010, Spider-Man 4 de Sam Raimi est annulé et un reboot est mis en place avec Andrew Garfield dans le rôle-titre et Marc Webb à la réalisation. Le premier volet sort en 2012 avec un succès modéré, mais une suite est mise en chantier pour une sortie au cours de l’année 2014. Durant ce laps de temps, l’idée de mettre en scène les grands méchants du Tisseur dans un film à part émerge dans la tête de Avi Arad, producteur en charge de la franchise. Ce film se focaliserait sur les Sinister Six et se placerait au sein de l’univers en cours de construction de Marc Webb.

Le projet finit par être mis de côté à cause des résultats décevants de The Amazing Spider-Man 2, film malade n’arrivant pas à trouver l’équilibre entre suite du long-métrage de 2012 et pierre angulaire d’un univers connecté comme le fait la concurrence qui commence à enchaîner les succès avec le Marvel Cinematic Universe.

En 2015, tout est bouleversé avec le retour au bercail du héros de Sony chez la maison-mère et son arrivée dans les prochains films de leur univers sous les traits de Tom Holland. Sony garde malgré tout le contrôle sur l’exploitation cinématographique du héros et garde dans ses tiroirs les droits de ses vilains. Le rêve de Avi Arad de produire un film sur l’un de ses personnages favoris, Venom, est donc encore à portée de main.

En 2017, pendant que Spider-Man commence à prendre son envol dans le MCU, le chantier du film sur le symbiote finit par prendre de l’importance et se concrétise avec l’arrivée de Tom Hardy dans le projet. Durant le même temps, Sony se tourne vers le catalogue à sa disposition avec comme objectif affiché de concrétiser le projet autour des Sinister Six. Des films centrés sur Kraven, Mysterio ou encore Morbius sont à l’étude pour pouvoir amener au rassemblement de ces personnages dans le film-réunion du même nom.

Pendant que le film sur le Vampire Vivant se concrétise et rentre en phase de pré-production, Venom commence à partager ses images qui enthousiasment les spectateurs en montrant un film qui semble se prendre au sérieux, en adéquation avec l’aspect sombre du personnage esquissé dans ses premières apparitions dans les comics. Le long-métrage finit par sortir dans le monde durant le mois d’octobre 2018 et rencontre un énorme de succès avec des recettes atteignant les 850 millions de dollars, dont un quart gagné sur un marché prometteur qu’est la Chine, malgré des avis très divisés en comparaison avec la promotion du film beaucoup plus sérieuse que le produit final. L’univers de Sony est officiellement lancé.

Bande-annonce officielle de Venom

L’ascension sans recul 

Sony, enorgueilli par le succès du symbiote au Box-office mondial, passe la seconde durant l’année 2019 avec l’annonce de la date de sortie du film Morbius pour le mois de juillet 2020, dont le rôle-titre sera assuré par Jared Leto, et de la mise en production de Madame Web, personnage secondaire de l’univers de l’Araignée dont son existence tourne essentiellement autour de ce dernier.

Comment peut-elle s’émanciper de son personnage phare dans son propre film solo ? Seul Sony semble avoir la réponse au vu des réactions du public face à cette nouvelle. La même année, la suite de Venom se met sur les rails et Andy Serkis se greffe au projet en tant que réalisateur, ce qui semble logique au regard de son pedigree qui s’est toujours tourné vers la Performance Capture. Le tout sera forcément utile pour l’affrontement entre le symbiote et son ennemi juré, Carnage.

Dans cet enchaînement d’évènements, la Covid débarque et freine les productions. Morbius s’engouffre dans une chaîne de reports de sortie et est finalement décalé au mois de mars 2022 tandis que sa communication devient hasardeuse, en disséminant dans ses images promotionnelles des liens avec l’univers de Sam Raimi tout en faisant apparaître un personnage du MCU, le Vautour incarné par Michael Keaton.

Carnage

Au même moment, Venom 2, sous-titré Let There Be Carnage, continue sa production et sort sur nos écrans en fin d’année 2021 et s’en tire avec les honneurs en engrangeant 506 millions de dollars, score certes inférieur au premier mais suffisant étant donné le contexte de sortie. En dehors de la qualité très discutable du film, avec un Tom Hardy qui double son cabotinage déjà flagrant dans le premier volet et un Woody Harrelson en roue libre qui a mis de côté sa perruque bouclée de la scène post-générique, Sony montre clairement sa volonté de lier sa continuité avec celle du Spider-Man du MCU sans concertation avec la maison-mère qui devra s’accoutumer avec ce changement de cap.

On sent que Spider-Man: No Way Home et sa communication très énigmatique mais très efficace est passée par là. Le tout finira par aboutir à un florilège de caméos proposant une fibre nostalgique des anciennes aventures du Tisseur sans concession et sans cohérence mais qui aura permis de battre tous les pronostics de l’ère covidienne en atteignant les sommets du Box-office. Sony veut sans aucun doute tirer profit de cet engouement et de cette manière de faire avec son propre univers.

Bande-annonce officielle de Spider-Man: No Way Home

L’année 2022 sera une époque charnière pour l’univers imaginé par Sony avec la sortie de Morbius durant le mois de mars. Tandis que le casting de Madame Web s’étoffe avec l’ajout de Dakota Johnson dans le rôle principal et de Sydney Sweeney, actrice révélée par Euphoria et vedette en devenir, le phénomène Morbius émerge sur les réseaux sociaux et la sortie du film va permettre de l’intensifier.

Le long-métrage sort dans l’indifférence générale et ne rentre pas dans ses frais avec une recette estimée à 167 millions de dollars au niveau mondial. Néanmoins, une tendance s’affiche sur Internet et les spectateurs se moquent allègrement du film avec la phrase « It’s Morbing Time ». Sony, dans un but purement mercantile et croyant y dénicher un filon, augmente son parc d’exploitation sans comprendre le sens du phénomène.

Le film est un échec cuisant et enterre progressivement tout intérêt pour cet univers naissant. Le studio continue sur sa lancée avec la production de Madame Web et de Kraven The Hunter la même année et en annonçant des projets qui questionnent. Un film autour de El Muerto, personnage de catch mystique rangé au statut de rôle tertiaire dans la mythologie de l’Araignée et considéré comme un allié du super-héros, a-t-il le potentiel de marcher au cinéma ? Le doute est permis.

Une chute inévitable 

L’univers de Sony sans son héros principal s’embourbe de plus en plus et l’année qui suit la sortie de Morbius n’arrange pas les choses. Malgré une fin de tournage pour Madame Web et le début pour celui du troisième opus de la franchise Venom, la grève des acteurs aux Etats-Unis décale toutes les sorties pour 2024. C’est ainsi que Madame Web, Venom The Last Dance et Kraven The Hunter sortiront tout le long de cette année-là.

Le film porté par Dakota Johnson sort donc en début d’année au cours du mois de février et n’arrive pas à se dépêtrer du lien indissociable avec le Tisseur, qui est totalement absent du film mais est remplacé par des itérations féminines présentes pour remplir le quota Aranéide requis sans les développer et un antagoniste sans un semblant de charisme, au grand dam de Tahar Rahim qui essaie tout du long d’y apporter un minimum de personnalité. Résultat, le long-métrage de S. J. Clarkson fait pire que Morbius à l’international avec des recettes s’arrêtant à 100 millions de dollars.

Bande-annonce officielle de Madame Web

Le tout s’enlise pour Sony qui possède une dernière carte avec Venom The Last Dance, seul filon exploitable d’un univers à bout de souffle. Avec une sortie en fin d’octobre 2024, le film rencontre un succès modeste mais suffisant au regard des coûts de production et cherche à se détacher des films sortis sous l’égide Sony, tout en essayant d’appâter les derniers intéressés en ajoutant au casting des acteurs ayant joué au sein du MCU, tel que Chiwetel Ejiofor, ou même dans les anciens films Spider-Man, comme Rhys Ifans, mais dans des rôles diamétralement différents sans le préciser clairement avant la sortie du film. Une vision commerciale plus que malhonnête pour attirer un public déjà aux abonnés absents.

Le constat est unanime : le premier Venom avait bouleversé les compteurs grâce au marché chinois, qui avait disparu pour cause de Covid en 2021 et qui s’est totalement désintéressé du super-vilain avec cette dernière valse. Sony n’oublie pourtant pas l’avenir en ouvrant la porte à une suite malgré la conclusion actée par la fin de cette trilogie pour le personnage joué par Tom Hardy.

Eddie-Venom

Le dernier clou du cercueil survient durant la deuxième partie de l’année 2024 où la communication de Sony se résume par son absence totale. Aucun projet n’est mis en chantier et aucune suite n’est évoquée. Le pôle marketing consacré à Kraven The Hunter est en sourdine alors que le film sort dans quelques mois à peine. De nouvelles images sont quand même dévoilées mais le tout donne l’impression de revoir le même schéma que proposait Morbius et Madame Web, avec cependant une emphase sur une violence visuelle et frontale exacerbée.

Cela ne change rien et Sony en vient à diffuser les premières minutes du film pour attiser une quelconque envie qui restera inexistante chez les spectateurs. Le comble est atteint quelques jours avant la sortie du long-métrage de J.C. Chandor où Sony annonce l’arrêt de cet univers qui n’en partageait que le nom. Le film est clairement abandonné par ses producteurs et finit par être diffusé devant une poignée de spectateurs souhaitant se moquer une dernière fois de Sony ou cherchant à le défendre à la suite de l’injustice subie. Kraven The Hunter réussit même à battre les échecs de tous les films Marvel confondus, avec des recettes s’élevant aujourd’hui à hauteur de 58 millions de dollars. Un échec incontestable. 

L’univers voulu par Sony pour surfer sur le succès des super-héros au cinéma n’aura été qu’un rêve à peine effleuré par la franchise Venom et écroué par des projets sans volonté autre que l’aspect mercantile.

Ce bilan dressé permettra-t-il au studio de se tourner pleinement vers des films cherchant réellement à redéfinir le genre super-héroïque, comme le fut la trilogie Spider-Man de Sam Raimi en son temps ? Ou à proposer une nouvelle forme visuelle au public, à l’image des films animés du Spider-Verse vers lesquels les producteurs Avi Arad et Amy Pascal comptent se tourner aujourd’hui et qui prouvent bien que différentes versions du Tisseur peuvent coexister aux yeux du grand public ? Seul l’avenir nous le dira mais nous resterons à l’écoute, perchés tout en haut du Chrysler Building et prêts pour une nouvelle toile.

Miles-Gwen

Sources :

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