11 janvier 1923 : occupation de la Ruhr par la France et la Belgique, une crise majeure de l’entre-deux-guerres

11 janvier 1923 : occupation de la Ruhr par la France et la Belgique, une crise majeure de l'entre-deux-guerres

Le 11 janvier 1923, les troupes françaises et belges pénètrent dans la région industrielle de la Ruhr, en Allemagne. L’objectif ? Contraindre l’Allemagne d’honorer ses obligations de réparations de guerre, stipulées par le traité de Versailles. Cet événement exacerba les tensions internationales, déjà vives, et plongea l’Allemagne dans une crise économique et politique profonde. Retour sur l’occupation de la Ruhr. 

Une pression politique sur l’Allemagne 

À l’issue de la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles imposa à l’Allemagne des réparations financières considérables, en compensation des destructions causées par le conflit. Ces paiements visaient notamment à dédommager la France et la Belgique, lourdement touchées par les combats. Cependant, dès le début des années 1920, l’Allemagne éprouve des difficultés croissantes à s’acquitter de ces sommes.

Face aux retards et aux défauts de paiement allemands, le gouvernement français, dirigé par le Premier ministre Raymond Poincaré, décide de recourir à une action coercitive pour obtenir le versement des réparations. La région de la Ruhr, cœur industriel de l’Allemagne avec ses mines de charbon et ses aciéries, apparaît comme un levier stratégique pour exercer une pression économique directe.

L’occupation de la Ruhr 

Le 11 janvier 1923, environ 60 000 soldats français et belges entrent dans la Ruhr, prenant le contrôle des infrastructures clés, notamment les mines, les chemins de fer et les usines. L’objectif affiché est de saisir les ressources et les bénéfices industriels afin de compenser les paiements manquants. Cette occupation est perçue par les autorités allemandes comme une violation de leur souveraineté, suscitant une indignation nationale.

En réponse, le chancelier allemand Wilhelm Cuno appelle à la « résistance passive » : les ouvriers et les fonctionnaires de la Ruhr cessent le travail, paralysant ainsi la production industrielle. Cette grève massive, soutenue financièrement par le gouvernement allemand, vise à empêcher les occupants de tirer profit de la région. Cependant, elle aggrava la situation économique déjà fragile de l’Allemagne.

Des conséquences économiques et sociales dramatiques pour l’Allemagne

La résistance passive entraîna une chute drastique de la production industrielle, privant l’État allemand de revenus fiscaux essentiels. Pour soutenir les grévistes et compenser le manque à gagner, le gouvernement imprime massivement des billets, provoquant une hyperinflation sans précédent. Le mark allemand se déprécia à une vitesse vertigineuse, réduisant les économies de la population à néant et plongeant des millions de personnes dans la misère.

Cette crise économique s’accompagna évidemment de troubles sociaux et politiques. Le mécontentement populaire prit de l’ampleur, alimentant les mouvements extrémistes. Des tentatives de coups d’État, comme le putsch de la Brasserie mené par Adolf Hitler en novembre 1923, trouvent un terreau fertile dans ce climat de désespoir et de chaos économique.

Réactions internationales et résolution de la crise

L’occupation de la Ruhr et ses conséquences dramatiques attirèrent l’attention de la communauté internationale. Les États-Unis et le Royaume-Uni, réticents à l’égard de l’action française, s’inquiètent de la déstabilisation de l’Europe centrale. Sous leur impulsion, des négociations s’engagèrent pour trouver une solution diplomatique à la crise des réparations.

En 1924, le plan Dawes est adopté : il rééchelonne les paiements allemands et prévoit des prêts internationaux pour stabiliser l’économie allemande. En contrepartie, l’Allemagne met fin à la résistance passive, et les troupes françaises et belges se retirent progressivement de la Ruhr. Ce plan marque le début d’une période de relative stabilité économique et politique en Allemagne, connue sous le nom des « années folles ».

L’occupation de la Ruhr reste cependant comme une illustration des dangers de la politique de coercition économique imposée à l’Allemagne. Les traumatismes engendrés par cette période laissèrent des traces durables dans la mémoire collective allemande, alimentant un ressentiment qui sera exploité par les mouvements d’extrême-droite dans les années suivantes.

Cette crise mit également en évidence la fragilité des mécanismes de paix instaurés après la Première Guerre mondiale et la nécessité d’une approche plus équilibrée dans les relations internationales, préfigurant les efforts qui conduiront à la création de la Société des Nations, puis de l’Organisation des Nations Unies… 

Sources : 

Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.

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