Le jour où Gisèle Halimi a joué son propre rôle dans un film d’Agnès Varda !

Le jour où Gisèle Halimi a joué son propre rôle dans un film d'Agnès Varda !

Ces derniers temps, beaucoup ont pu redécouvrir, à travers la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris mise en scène par Thomas Jolly, de grandes figures féminines ayant marqué l’histoire de la France. Parmi elles, l’avocate et militante franco-tunisienne : Gisèle Halimi. En s’investissant et en médiatisant les luttes féministes, antiracistes et anticolonialistes, l’avocate changera à jamais le destin de la France. Anecdote insolite ! Saviez-vous que Gisèle Halimi avait joué son propre rôle dans un film d’une cinéaste tout aussi engagée ? Eh oui, nous parlons bien d’Agnès Varda !

Gisèle Halimi en trois combats

Il est excessivement compliqué de résumer la vie et les combats de Gisèle Halimi, tant son existence y fut dédiée. Néanmoins, voici un portrait de la militante en 3 luttes emblématiques.

1. Procès de Djamila Boupacha ou la lutte ouverte contre le colonialisme.

Gisèle Halimi milite dès les années 50 pour l’indépendance de la Tunisie et de l’Algérie. Elle dénonce ainsi ouvertement les actes de tortures perpétrés par l’armée française sur des militants du Mouvement national algérien. Elle devient, par la suite, une des principales défenseuses du Front de Libération Nationale algérien (FLN). En 1960, Gisèle Halimi s’engage dans la défense de Djamila Boupacha, une jeune algérienne de 22 ans accusée d’avoir déposé une bombe dans un snack-bar d’Alger, avant d’être mise en détention, torturée et violée par les forces armées françaises. Gisèle Halimi médiatise le procès en prenant à partie de grandes personnalités intellectuelles du moment, telles que Simone de Beauvoir qui écrit une tribune dans Le Monde pour soutenir l’avocate et la jeune femme. En dépit de tous les combats menés, Djamila Boupacha se voit condamnée à mort avant d’être amnistiée, puis libérée après les accords d’Evian qui mettent un terme à la guerre d’Algérie. 

2. Procès de Bobigny ou le combat pour la dépénalisation de l’avortement. 

C’est en 1972 que Gisèle Halimi, en prenant la défense de la jeune Marie-Claire Chevalier âgée de 17 ans, entre encore plus dans l’Histoire. La jeune femme et sa mère, alors poursuivies par la justice pour avoir eu recours à l’avortement, font appel à l’avocate. Gisèle Halimi prend ainsi la décision de les défendre tout en transformant (avec leur accord) le procès en véritable manifeste contre les lois qui interdisent aux personnes enceintes d’avorter. En transformant le procès de ses clientes en véritable accusation contre les lois au-dessus d’elles, Gisèle Halimi parvient à les faire relaxer et à ouvrir la porte à la Loi Veil de 1975. « Ce jugement est quand même un pas irréversible vers un changement de la loi », dira l’avocate à la fin du procès.

3. Affaire Tonglet-Castellano vers la criminalisation du viol.

En 1978, Gisèle Halimi prend la défense d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, victimes d’un viol collectif. À cette époque, le viol en tant que tel n’est reconnu comme un crime « que » si celui-ci se passe dans un contexte précis « pénétration vaginale avec éjaculation hors mariage avec violence ». Cette criminalisation partielle laisse alors une sorte de flou juridique, empêchant les victimes d’obtenir justice face aux agresseurs. Encore une fois, Gisèle Halimi médiatise l’affaire et mobilise l’opinion publique. Elle s’oppose ainsi farouchement à l’avocat Gilbert Collard. Cette médiatisation de l’affaire entraine ainsi la condamnation de Serge Petrilli, meneur de l’expédition punitive, à six ans de prison, et Guy Roger et Albert Mouglalis, ses complices, à une condamnation de quatre ans. Seul le premier est condamné pour viol. En 1980, le viol devient en France un crime puni de 15 ans de réclusion criminelle.         

Cérémonie d’ouverture JO Paris 2024, statue dorée de 10 femmes, Gisèle Halimi – Directeur artistique Thomas Jolly – capture écran TV, F2 © CIO – France Télévisions – 26 juillet 2024                                   

L’une chante, l’autre pas : un film poignant d’Agnès Varda 

C’est en 1972 que le monde découvre le film L’une chante, l’autre pas, réalisé par la cinéaste et militante Agnès Varda. Le film suit alors les destins croisés et l’amitié entre Pomme, une étudiante révoltée, et Suzanne, une mère célibataire travaillant dans un planning familial. À travers l’évolution de la profonde amitié qui lie les deux femmes, le film fait la chronique des luttes féministes et de l’état du droit des femmes entre 1962 et 1976.

L'une Chante l'autre pas Gisèle Halimi
Affiche L’une chante, l’autre pas ©Ciné-Tamaris

Un film simple et touchant qui a la magie de raconter, à travers deux histoires intimes, l’universel. Une œuvre d’une modernité folle, dont des thèmes comme celui de la charge mentale ou de la double journée, sont toujours d’actualité.

Dans L’une chante, l’autre pas, Agnès Varda place l’histoire de Suzanne et Pomme dans la grande. Toutes deux se retrouvent en effet en pleine manifestation pour la relaxation de Marie-Claire Chevalier et de sa mère. Nous sommes en plein procès de Bobigny.

Tout d’un coup, on voit surgir du tribunal Gisèle Halimi, jouant son propre rôle. Elle y exprime la nécessité de médiatiser le procès en laissant entrer la foule à l’intérieur. Quand le cinéma rejoint l’histoire pour ne faire qu’un.

Un film merveilleux qui a su immortaliser le temps d’un instant, un procès qui changea à jamais la France. Une scène que l’on peut découvrir dans l’extrait ci-dessous. « Se battre est un devoir ; tendre la main aux autres femmes une responsabilité ; convaincre les hommes de la justesse de la cause une nécessité. » – Gisèle Halimi 

Sources :

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