Défendue par Gisèle Halimi lors de son procès pour avortement illégal en 1972, Marie-Claire Chevalier est une figure importante de la lutte pour le droit à l’avortement en France. Depuis le Procès de Bobigny, la libération de sa parole fut un acte déclencheur pour la loi Veil de 1975. Retour sur son incroyable histoire…
Son combat restera gravé dans l’histoire du féminisme ! Enceinte suite à un viol commis par un homme de son lycée, elle décide d’avorter à l’âge de seize ans. Toutefois, son bourreau la dénonce et Marie-Claire Chevalier se retrouve inculpée pour avortement illégal. De victime, elle devient criminelle aux yeux de la justice. Sa mère était également jugée pour complicité dans une France où l’avortement était malheureusement encore un crime.
Un combat historique pour le droit à l’IVG
Cependant, son « crime » selon la France de l’époque aura marqué un tournant décisif pour les droits des femmes. En octobre 1972 commence le Procès de Bobigny. Gisèle Halimi, une avocate et militante féministe également signataire du Mouvement des 343 femmes qui avouaient avoir eu recours à un avortement, assurera sa défense : « J’ai avorté aussi et je le dis Messieurs, je suis une avocate qui a transgressé la loi. » Marie-Claire Chevalier ne sera pas seule. En plus de son avocate, elle est soutenue par plusieurs militantes du MLF (Mouvement de Libération des Femmes). La plaidoirie de son avocate à ce procès restera historique :
« Elle comparaît devant vous, Messieurs, quand elle n’a pas obéi à votre loi, quand elle avorte. Comparaître devant vous. N’est-ce pas déjà le signe le plus certain de notre oppression ? Pardonnez-moi, Messieurs, mais j’ai décidé de tout dire ce soir. Regardez-vous et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes… Et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses, et d’avortements ! […] A-t-on encore, aujourd’hui, le droit, en France, dans un pays que l’on dit “civilisé”, de condamner des femmes pour avoir disposé d’elles-mêmes ou pour avoir aidé l’une d’entre elles à disposer d’elle-même ? »
La mère de Marie-Claire Chevalier, Michèle Chevalier, décida de faire appel à Gisèle Halimi après avoir découvert l’ouvrage de cette dernière et de Simone de Beauvoir sur Djamila Boupacha, une militante algérienne violée par des soldats français.
Le procès de Bobigny sera une occasion pour l’avocate de dénoncer la loi de 1920, qui interdit la contraception, l’avortement, mais aussi toute “propagande anticonceptionnelle ». À la fin du procès, Marie-Claire est relaxée. Sa mère, quant à elle, écope d’une peine de prison d’un an, en plus d’une amende. Toujours marquée par tout ce qu’elle a vécu, elle réussit toutefois à retourner dans l’anonymat pour devenir aide-soignante. En 2019, lors d’un entretien avec le journal Libération, elle explique :
« Il y a eu un trou dans ma tête. Je ne savais plus qui j’étais. J’étais méchante, je haïssais et j’insultais tout le monde. Le temps a passé et pourtant, c’est toujours là, enfoui dans ma mémoire. Il suffit d’un tout petit truc pour que ça se réveille. »
Le Procès de Bobigny deviendra alors un des piliers de la fondation de la Loi Veil et cette victoire marquera le début de la dépénalisation de l’avortement en France à partir du 17 janvier 1975.
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