Sept ans après le ténébreux et marquant Hellblade Senua’s Sacrifice, l’équipe du studio Ninja Theory avait la grande responsabilité de délivrer l’exclusivité Xbox la plus importante de cette année 2024. Nous l’oublions peut-être, mais la patience autour de ce Senua’s Saga Hellblade 2 ressemblait presque à une arlésienne. Déjà séduisant par ses performances graphiques de haute volée, le jeu est-il la meilleure proposition de Microsoft du moment ? Il est bien plus et risque fort de faire parler de lui pendant longtemps. Attention, vous n’en ressortirez pas indemnes…
Nota Bene : Nous avons testé Senua’s Saga: Hellblade 2 sur Xbox Series X. Par ailleurs, le jeu est déjà disponible sur le Xbox Game Pass.
Après avoir défié les Dieux et tenter l’impossible à Helheim pour sauver l’âme de son époux, Senua a été emprisonnée et réduite en esclavage par le peuple du Nord, dans l’Islande mystérieuse du XXe siècle. Parce qu’une tempête la délivre de ses entraves, la femme décide de se battre pour libérer les opprimés.
Une tâche difficile, puisque Senua est atteinte de psychose : elle voit et entend des murmures que les autres ne perçoivent pas. Le basculement de l’état mental de l’héroïne permet à Senua’s Saga: Hellblade 2 d’offrir une aventure aussi folle que virulente, tout en traitant de nombreux sujets nécessaires. Tout d’abord, la responsabilité des aînés dans les traumatismes générationnels en passant par la maladie mentale et l’aliénation des humains lorsqu’ils désirent contrôler leurs semblables. Le tout en dosant entre la bienveillance et la noirceur.
S’appuyant sur les travaux de l’université de Cambridge sur le questionnement mental ainsi que sur les témoignages de personnes atteintes de troubles psychologiques, le titre édité par Microsoft pourrait heurter les âmes sensibles, mais il serait dommage de passer à côté de l’une des héroïnes les plus poignantes de ces dernières années. Car dans ce Hellblade 2, les développeurs nous permettent d’en apprendre bien plus sur la Viking tourmentée, quitte à proposer une œuvre à la fois bouleversante, excentrique et intimiste.
Hellblade 2 est brillamment sauvage !
Après les premières minutes pleines d’émotion, on perçoit que Senua’s Saga: Hellblade 2 reste très fidèle à l’identité de son prédécesseur, tout en greffant des changements minimes, mais essentiels. Par rapport aux mécaniques du premier volet, ce sont principalement les combats qui deviennent bien plus brutaux, sanglants et viscéraux.
Bien que très simples à prendre en main et sans multiples variétés de techniques, les affrontements sont splendides et parfaitement chorégraphiés, donnant énormément d’impact aux blessures et à la force des coups d’épée de Senua. Les vibrations de la manette et les voix incessantes de l’esprit de l’héroïne enfoncent pleinement la sauvagerie à son paroxysme, tout au long du jeu. C’est aussi visuellement impressionnant, autant en spectateur que joueur !
Oui, il faudra beaucoup jouer sur la carte de l’esquive et du coup faible et lourd, on ressent énormément cette âme de guerrier nordique, renforçant l’immersion à son meilleur. Tout s’enchaîne fluidement, tandis qu’on peut être soutenu ou dénigré par notre propre santé mentale, ce qui ajoute énormément d’impact. On vit chaque duel comme une évolution décisive du personnage avide de vengeance et de rédemption.
Nota Bene : La malédiction qui frappait Senua dans le premier opus, consumant son bras et détruisant la sauvegarde en cas de mort répétée n’existe plus ! Cela risque de peiner quelques personnes, mais pour combler ce changement, les développeurs de Hellblade 2 ont créé un mode de difficulté Dynamique qui s’adapte aux niveaux des joueurs.
L’un des plus beaux jeux au monde, tout simplement !
Surtout, Hellblade 2 apporte une montée en puissance de la mise en scène par rapport à son prédécesseur. Qu’en est-il alors de la direction artistique que l’on nous a tant décriée depuis des années ? Cette fois, la Xbox détient sa véritable vitrine technologique qui fait honneur à la console, définissant par la même occasion ce que devrait être un jeu de la Next-Gen.
Chaque détail de l’environnement, les jeux de lumière et les animations faciales (motion capture) sont criants de réalisme et de vérité, tandis que le tout baigne dans une ambiance torturée aussi magnifique que lugubre. Impensable de ne pas faire écho a la beauté des plans d’une réalisation de Terrence Malick ou de Chris Marker. Il faut dire que la contrée scandinave est une vraie carte postale ! On en viendrait presque à ressentir le vent, la pluie et la dureté des roches qui se jonchent de cadavres.
L’immersion est totale, d’autant que la bande sonore est touchée par la grâce tout en se montrant d’une cruauté sans faille, notamment par ses nombreuses voix off schizophréniques et ses visions de plus en plus sinistres. C’est simple, on reste très souvent ébahi. L’an passé, on avait déjà atteint l’excellence graphique avec Alan Wake 2, mais Ninja Theory est parvenu à faire encore mieux.
Par ce travail titanesque des développeurs, il est évident que ce voyage nordique est une authentique leçon de mise en scène qui saura très vite inspirer d’autres productions. Nous le souhaitons très fort.
Bien évidemment, Senua’s Saga: Hellblade 2 est frappé par sa linéarité et il ne faudra avancer qu’en ligne droite pour suivre le déroulé de l’histoire. Pourtant, selon nous, elle n’est en rien un défaut. L’histoire de la guerrière va droit au but, s’empare de son public jusqu’à la gorge et nous emmène dans les profondeurs de son enfer personnel. Il ne faudra pas compter sur la présence des objectifs secondaires ou des quêtes FedEx qui auraient pu dénaturer l’aspect de l’œuvre. Aucun remplissage, aucune baisse de rythme malgré le fait que l’épopée ne se compose principalement que de longues marches, de dialogues et d’une solitude pesante. C’est tout bonnement époustouflant.
Nota Bene : Il est possible de ramasser des collectables pendant le jeu afin d’en raconter plus sur le lore du jeu et sur les conditions de vie du Peuple du Nord. L’obtention des totems déverrouille des narrateurs qui offrent un tout autre point de vue au chapitre que le joueur souhaite faire revivre. Si son intérêt expérimental ne conviendra probablement pas à tout le monde, il nous a permis de nous relancer immédiatement dans l’aventure ! Une très bonne idée que l’on aimerait voir un peu plus souvent.
Le tout est parfaitement audacieux lorsqu’on sait que les titres actuels argumentent énormément sur le bienfait des arbres de compétences et l’Open World qui aurait enchaîné Hellblade 2 dans ses intentions. On aurait pu craindre une simple démonstration de l’Unreal Engine 5, mais heureusement, le titre de Ninja Theory trace sa propre voie et s’octroie une indubitable volonté artistique qui se ressent dans chaque détail. Plus fort encore, cette épisode paraît l’antithèse même du premier opus. On attendait une noirceur abyssale et suffocante, on se retrouve avec un récit maléfique baignant d’une grande empathie.
Film ou jeu ? Le choix est vôtre !
Cependant, une question pourrait vite se poser : est-on face à un projet vidéoludique ou du cinéma interactif ? C’est sur cette problématique que le jeu Xbox pourrait diviser les foules. Néanmoins, tâchons d’y répondre.
Si Hellblade 2 est un vrai jeu vidéo, alors il peut aisément se vanter d’être l’un des plus aboutis graphiquement, surpassant même les mastodontes les plus reconnus chez Xbox et dans la concurrence. Toutefois si Senua’s Saga se définit comme une œuvre cinématographique, il parvient à se hisser parmi ces très bons films que l’on aimerait découvrir plus souvent dans les salles obscures. Le talent des interprètes touche l’œuvre d’une telle humanité, tandis que l’histoire est particulièrement captivante malgré le désespoir qui s’en dégage.
Mieux que ça, le tout se compose en un plan séquence aussi intense que techniquement virtuose, représentatif de la fragilité en pleine désolation. Le titre s’amuse à brouiller cette frontière en utilisant le format cinémascope, très répandu sur grand écran.
Nota Bene : Nous parlions plus haut de l’acting des personnages, et force est de reconnaître que Hellblade 2 mériterait largement d’être récompensé sur ce point précis ! Melina Juergens s’approprie à la perfection le personnage principal et nous offre une immense palette d’émotions. Toutes nos félicitations ! Espérons la voir bientôt tourner pour des cinéastes ou remporter un prix d’interprétation.
L’enfer est court, mais inoubliable
C’est une formidable épopée dont l’on ressort à la fois fasciné et exténué. Certes, il ne faut que 6 heures environ pour terminer cette production bien trop facile dans son ensemble. Mais elle arrive à se montrer plus mémorable que de multiples jeux vidéo dépassant la vingtaine d’heures.
Précisons également que nous n’avons subi aucun bug ou baisse de framerate pendant l’intégralité de la session. Bloqué à 30 images par seconde, le rendu de ce Senua’s Saga: Hellblade 2 est sublime.
Enfin, parce que nous l’avons beaucoup utilisé au cours du jeu (comme le démontrent certaines illustrations de cet article), il est inimaginable de ne pas évoquer le mode photo. Avec toutes les options offertes, ce sont tous les adeptes de photographies in-game qui vont être pleinement satisfaits. Les amoureux de paysages et d’expressions sur les visages trouveront rapidement leur compte.
Voyage narratif au bout de l’enfer, Senua’s Saga: Hellblade 2 est une œuvre sensationnelle qui se démarque complètement de ses semblables. Humaniste, engagée, spectaculaire, contemplative, sincère sont des mots puissants qui s’associent à merveille à cette expérience dont l’on ressort le souffle coupé. Du grand cinéma, une œuvre artistique très humaine, mais aussi un très bon jeu vidéo, à n’en pas douter.
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