C’est une photo choc, doublée d’une histoire terrible. L’image date de 1948 et illustre la pauvreté extrême qui toucha certaines familles à l’époque, aux Etats-Unis. L’année suivante connaîtra une grande récession, attribuée principalement à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Voici ce que représentent ces « 4 enfants à vendre ».
Ils sont quatre enfants confus sur un perron. Leur mère, enceinte, cache son visage au photographe. Devant la maison, trône un désolant panneau sur lequel est écrit :
« 4 enfants à vendre – Renseignez-vous à l’intérieur »
Cette photo fut diffusée pour la première fois le 5 août 1948 dans The Vidette-Messenger of Valparaiso. Mais comment en est-on arrivé là ?
La récession économique de 1949
La récession de 1949 est un ralentissement économique qui dura environ 11 mois aux États-Unis. Si l’on en croit le National Bureau of Economic Research, la récession commença en novembre 1948 et dura jusqu’en octobre 1949.
Toutefois, les effets se firent ressentir bien avant, car ils sont considérés comme principalement dus à la Seconde Guerre mondiale. La récession « officielle » commença peu après les réformes économiques du président Truman, connues comme le « Fair Deal ». Face à cette crise économique, certaines familles recoururent alors à des solutions extrêmes.
« 4 enfants à vendre »
Près des marches où se dresse le panneau de vente, nous retrouvons les quatre enfants évoqués. Il s’agit de :
- Lana (6 ans)
- RaeAnn (5 ans)
- Milton (4 ans)
- Sue Ellen (2 ans)
Impossible de dire combien de temps ce panneau est resté sur place avant que les enfants à vendre ne soient retirés à leur famille biologique. Il fallut d’ailleurs attendre 2013 (soit 65 ans plus tard) pour que le destin de ces enfants soit connu, le tout par le biais de sources assez éparses et peu détaillées… A cette époque, les parents, M. et Mme Ray Chalifoux, risquaient d’être expulsés de leur domicile. C’est ainsi qu’ils décidèrent de vendre leurs enfants.
Quand les enfants à vendre deviennent « esclaves »
Ayant été vendus à des familles différentes, le destin de ces enfants fut différent d’une personne à l’autre. RaeAnn, qui n’avait que 5 ans à l’époque, affirme avoir été vendue pour 2 dollars à John et Ruth Zoeteman, en compagnie de son petit frère Milton. Leurs noms furent alors changés en Beverly et Kenneth (nous garderons toutefois leurs noms de naissance pour le récit).
« Ils nous utilisaient à la chaîne. Quand j’étais petite, nous devions travailler dans les champs. »
Après avoir été vendue de la sorte, RaeAnn raconte avoir grandi dans un foyer « sans amour ». Il est d’ailleurs à noter qu’elle et Milton n’auraient jamais été adoptés de façon légale et officielle par leurs nouveaux tuteurs. Leur adoption avait avant tout pour but de les exploiter comme travailleurs agricoles. Milton racontera d’ailleurs plus tard les souvenirs de son arrivée dans sa nouvelle « famille ». Ligoté et battu par son « père adoptif », ce dernier lui explique qu’il sera désormais esclave :
« J’ai dit que ça me convenait. Je ne savais pas que voulait dire « esclave ». Je n’étais qu’un gamin. »
RaeAnn et Milton vivront ainsi une enfance difficile, qui n’ira pas en s’arrangeant. RaeAnn subira un viol durant son adolescence et sera envoyée dans un foyer pour mère célibataire, où son bébé lui sera retiré. A seulement 17 ans, elle part vivre sa vie seule et fondera sa propre famille. Son fils racontera plus tard que RaeAnn n’a pas reproduit les erreurs de sa génitrice et qu’elle sera une mère aimante.
Milton, quant à lui, aura quelques problèmes avec la justice durant sa jeunesse. Interpelé par la police après une altercation, il se retrouve devant le juge qui lui propose un choix cornélien : la maison de correction ou l’hôpital psychiatrique. Craignant la maison de correction, il choisit l’hôpital. Il y est alors diagnostiqué comme atteint de schizophrénie. A la sortie de l’hôpital, il s’éloignera des grandes villes polluées, sur les conseils de ses médecins. Il finira lui aussi par se marier.
Lana et Sue Ellen : que sont-elles devenues ?
A l’instar de RaeAnn et Milton, Lana et Sue Ellen furent vendues par leurs parents aux plus offrants. Lana est celle sur laquelle il existe le moins d’informations. La raison étant son décès en 1998, des suites d’un cancer. Selon Sue Ellen, sa sœur Lana aurait été adoptée légalement par un couple dont le nom est Johnson. Toutefois, il est impossible de l’affirmer avec certitude, puisque les dossiers d’adoption ont été perdus dans un incendie. Sue Ellen, quant à elle, a grandi dans une famille non loin de sa maison d’origine, dans le quartier East Side de Chicago.
Bedford : le cinquième des « enfants à vendre »
Si vous vous rappelez de l’introduction de l’article, alors il ne vous a pas échappé qu’un cinquième bébé était en route au moment où la mère Chalifoux vendait ses enfants. Son destin ne fut pas différent de ses frères et sœurs et il fut lui aussi séparé de sa famille biologique.
Bedford est né le 26 septembre 1949. Il fut légalement adopté le 16 juillet 1950 par Harry et Luella McDaniel, qui ne pouvaient pas avoir d’enfants. Il devint alors David McDaniel. Ce dernier grandit non loin de RaeAnn Mills et de Milton, qu’il put alors visiter de temps à autre. Il put alors constater la maltraitance subie régulièrement par ses frères et sœurs sur place.
Bedford (alias David) déclara plus tard qu’il était un adolescent rebelle, mais que son enfance fut globalement bonne. Malgré le fait qu’il ait grandi dans une famille chrétienne stricte, il considère avoir grandi avec de bonnes valeurs. Il décrit ainsi ses parents adoptifs comme stricts, mais aimants et d’un grand soutien. Il quitta la maison à l’âge de 16 ans, pour faire carrière dans l’armée. Après quoi, il devint chauffeur de camion.
Les retrouvailles (partielles)
Face à une séparation aussi brutale et au manque de moyens de communication de l’époque, toute la fratrie ne put malheureusement pas se retrouver à temps. Lana mourut malheureusement avant d’avoir pu retrouver ses frères et sœurs. Sue Ellen et RaeAnn Mills se retrouvèrent ainsi en 2013. Pour ce faire, elles eurent recours aux réseaux sociaux. Elles étaient alors âgées de 67 et 70 ans.
« C’est l’un des plus beaux jours de ma vie. »
RaeAnn Mills
Sue Ellen mourut malheureusement quelques semaines plus tard, des suites d’une maladie pulmonaire.
Peu connus du grand public aujourd’hui, ces « 4 enfants à vendre » sont le triste symbole de la grande misère qui toucha certaines familles aux Etats-Unis. Il en reste aujourd’hui des bribes d’histoires et une photo choc.
Sources :
!["Kinds of Kindness" : entre humour noir et réalité sombre [critique]](https://cultea.fr/wp-content/uploads/2024/06/Kinds-of-Kindness-600x400.png)
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