The Underground Railroad : un chemin de fer clandestin pour échapper à l’esclavage

Maurane Charles
Maurane Charles
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Thomas Nast (1840-1902), Umpehent, J. W.− Emancipation, S. Bott, Philadelphie.

Revenons sur l’histoire du chemin de fer clandestin qui a permis à de nombreux Afro-américains d’échapper à l’esclavage au XIXe siècle : The Underground Railroad.

Le contexte esclavagiste des États-Unis au XIXe siècle

Des textes délaissant la question de l’esclavage

Lors de la déclaration d’indépendance des États-Unis le 4 juillet 1776, on ne parle ni de la traite, ni de l’abolition de l’esclavage. C’est pourtant un sujet de premier plan… Onze millions d’Africains ont été déportés vers l’Amérique depuis le XVe siècle pour être « utilisés » comme main-d’œuvre. Quelque temps après, les États-Unis signent les articles de la Confédération et chaque État adopte sa propre Constitution. Certains comme le Vermont, le Massachusetts et le New Hampshire ont aboli l’esclavage. On retrouve alors les États du nord abolitionnistes et les États du sud esclavagistes. On crée la ligne Mason-Dixon, une ligne de démarcation entre le nord et le sud, jusqu’au Compromis du Missouri de 1820 qui revoit la position de la séparation.

Déclaration d'indépendance figurant la Commission des Cinq déposant le texte de la déclaration d'indépendance - Cultea
John Trumbull (US-americain, 1756-1843) : Déclaration d’indépendance figurant la Commission des Cinq déposant le texte de la déclaration d’indépendance. De gauche à droite, John Adams, Roger Sherman, Robert Livingston, Thomas Jefferson et Benjamin Franklin.

En 1787, une convention réunie à Philadelphie adopte la Constitution des États-Unis, créant ainsi un État Fédéral. Dans ce texte, un esclave est considéré comme 3/5 d’un homme… De plus, les États du nord concèdent une clause qui oblige les États ayant déjà aboli l’esclavage à renvoyer les esclaves fugitifs du sud dans les États du sud. On accepte aussi de repousser l’interdiction d’importer de nouveaux esclaves d’Afrique jusqu’en 1808. Cela conduira à de grosses déportations d’Africains.

Les États du sud

Dans les États du sud, les plantations de tabac du XVIIIe siècle sont progressivement remplacées par celles de coton, ce qui permet à de nombreux propriétaires de faire fortune. Le nord quant à lui se développe également et produit en 1860 dix-sept fois plus de lainage que le sud.

L’économie du sud repose énormément sur la main-d’œuvre des esclaves. Un tiers des familles blanches utilisent 20 esclaves. 50 % en possèdent moins de cinq. En 1860, les États-Unis comptent 12 millions d’habitants dans le sud. 4 millions sont des esclaves et 250 000 sont des noirs libres. « L’entretien » des esclaves occasionne peu de dépenses, on leur sert une nourriture médiocre.

Scène dans une plantation de coton - Cultea
Scène dans une plantation de coton. NY Public Library, digital collections.

Dès le XVIIe siècle, on établit des « codes noirs » dans les colonies anglaises, fixant les règles de surveillance des esclaves. Les codes noirs sont contestés dès les années 1830 par les abolitionnistes du nord, menés par William Lloyd Garrison, favorables à l’abolition immédiate. Ils pétitionnent au congrès, mènent des campagnes (presse) et certains de leurs réseaux libèrent les esclaves. En 1852 paraît La Case de l’oncle Tom, un roman anti-esclavage, qui rencontre un très grand succès. On observe également des révoltes comme celle de Nat Turner en 1831. Et ces soulèvements, s’ils n’aboutissent pas la plupart du temps, nourrissent la peur des propriétaires.

Mais tous ces combats manquent cependant d’unité. Garrison prône une émancipation totale, tandis que d’autres penchent pour une émancipation graduelle (du temps pour éduquer). D’autres, comme le président Lincoln, veulent limiter l’esclavage. Enfin, certains veulent renvoyer les noirs en Afrique, au Liberia. On a donc de nombreuses dimensions pour ces combats (parfois très violents).

La guerre de Sécession

Les tensions vont augmenter jusqu’au premier conflit de la célèbre guerre de Sécession, le 12 avril 1861 à Fort Sumter. La garnison va être bombardée puis attaquée par 6 000 miliciens. La Virginie, la Caroline du Nord, l’Arkansas et le Tennessee rejoignent les sécessionnistes : la Caroline du Sud, le Mississippi, Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane, Texas qui quittent l’Union vers 1860. Ils se constituent en fédération, avec un gouvernement provisoire dont Jefferson Davis prend la tête.

Bataille de Franklin - Cultea
Bataille de Franklin, 1864, Prints and Photographs division de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis.

La guerre se terminera en 1865 sur la victoire des nordistes. Ce conflit reste l’un des plus traumatisants et meurtriers des États-Unis. On réaffirme la Nation et on abolit enfin l’esclavage. On observe cependant encore de nombreuses difficultés… De nombreux noirs migrent au nord afin d’échapper aux organisations terroristes comme le Ku Klux Klan, une société secrète de suprémacistes blancs. Mais ils ne trouvent pas au nord l’accueil positif qu’ils espéraient. Ils souffrent beaucoup du chômage ou d’emplois miséreux mal payés.

Le chemin de fer clandestin (Underground Railroad)

Dans ce contexte extrêmement sensible des États-Unis après leur indépendance, des réseaux vont être créés afin d’aider les esclaves à regagner leur liberté. L’organisation de l’Underground Railroad débute dans les premières années du XIXe siècle. Mais son efficacité s’observe plus entre les années 1850 et 1860.

Son nom est également trompeur. Il n’est pas question de « chemin de fer » à proprement parler, mais d’un véritable agencement de contacts, lieux, transports fiables créant un réseau solide pour les esclaves en fuite avec un jargon relatif au chemin de fer. On y retrouve des abolitionnistes de tous horizons : noirs libres, nordistes, religieux (Quakers), etc. Le but étant de mener des groupes d’esclaves au-delà de la ligne Mason-Dixon, jusqu’au Canada, pour qu’ils regagnent leur liberté.

The Underground Railroad - Cultea
The Underground Railroad, tableau de Charles T. Webber.

Les fuites se déroulent principalement la nuit, le groupe mené par un « chef de train ». On navigue de station en station (noms de code donnés aux lieux de repos sûrs dirigés par un « chef de gare ») à pied ou par chariot. Durant les voyages, certains membres du réseau se chargent d’apporter le ravitaillement.

On estime que l’Underground Railroad a permis à mille personnes par an (au plus haut) d’échapper à leur condition d’esclave. À l’image des révoltes, il permet de faire pression psychologiquement sur les propriétaires. Afin de contrer cette organisation, le Congrès vote la Fugitive Slave Act qui accorde de restituer sans procès l’esclave en fuite à son « propriétaire ». On punit également tous ceux qui aident les esclaves à s’enfuir. Et il existe même, malheureusement, des chasseurs d’esclaves

Des figures clés

La figure emblématique de ce réseau est la moïse noire, Harriet Tubman. Elle-même réduite en esclavage, elle parvient à s’enfuir vers la Pennsylvanie dans les années 1850, aidée d’abolitionnistes membres du réseau de l’Underground Railroad. Elle aide par la suite des centaines d’esclaves à suivre son chemin vers la liberté en intégrant elle-même le réseau. On estime qu’en une vingtaine de voyages, elle a sauvé trois cents esclaves ! Elle donne espoir à de nombreux noirs. Lors de la guerre de Sécession, elle s’engage contre les esclavagistes.

On retient également le nom de William Still, souvent appelé le « Père du Chemin de fer clandestin », qui aide jusqu’à 60 esclaves par mois à s’évader vers le nord. Cet incroyable combat a mis en lumière le courage de figures se battant pour la liberté.

Une série Prime Video

Le réalisateur du film oscarisé Moonlight, a exploré l’histoire de l’Underground Railroad à travers une minisérie pour Prime Video. Pour ce faire, Barry Jenkins adapte sur nos écrans le roman récompensé de Colson Whitehead, Underground Railroad.

On suivra l’histoire de Cora (Thuso Mbedu), une jeune esclave qui est une paria dans sa plantation de coton en Géorgie. Lorsqu’elle entend parler du chemin de fer clandestin et d’une promesse de liberté, elle décide de risquer sa vie et de s’échapper. Elle découvrira des choses inattendues au cours de ses voyages.

Vous pourrez donc découvrir The Underground Railroad sur Prime Video, qui traite de ce sujet trop méconnu mais pourtant si passionnant.

The Underground Railroad – Bande-annonce

 

Sources :

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Étudiante chercheuse en Histoire Contemporaine - Passionnée de littérature, de musique, de cinéma.
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