« Sinners » : Étude brillante de la racine du Mal [Critique]

"Sinners" : Étude brillante de la racine du Mal [Critique]

Le mercredi 16 avril sortait au cinéma un nouveau film engagé sur la condition noire avec ceux qui font partie des maestros du genre. Sinners prouve que la dénonciation passe aussi très bien par le film de genre.

Duo de choc dans Sinners

Ryan Coogler reforme son duo avec Michael B. Jordan (Black Panther, Creed) pour ce thriller légèrement horrifique. Dans le Mississippi de 1932, durant la prohibition, les jumeaux Elijah alias « Smoke » et Elias alias « Stack » (tous deux incarnés par Jordan) sont de retour avec le projet de monter leur club exclusif aux noirs, grâce à de l’alcool volé durant leurs aventures et une scierie rachetée à un membre d’une résurgence du Ku Klux Klan. Alors que tout semble se passer à merveille, des étrangers à la famille veulent eux aussi participer à la fête. La descente aux enfers commence.

Ryan Coogler est un habitué de l’engagement pour la condition des personnes noires. Son premier long-métrage, Fruitvale Station (déjà avec Michael B. Jordan, ce dernier a joué dans l’intégralité des films du cinéaste), relatait l’histoire vraie d’Oscar Grant, drame important survenu aux États-Unis début 2009. Creed venait déconstruire les clichés des films de boxe en mettant un homme noir sur le devant de la scène. Black Panther, toujours à travers Michael B. Jordan, mettait en lumière la colère des peuples noirs face à leurs oppresseurs. On se souvient encore des derniers mots du personnage : « Je veux reposer dans l’océan. Avec mes ancêtres qui ont sauté par-dessus bord. Ils savaient que mourir, c’était mieux que de porter des chaînes. »

Les Tic et Tac du cinéma engagé

On est puni…

Fidèle à sa ligne directrice, le voilà de retour avec son acolyte dans Sinners pour nous parler de deux jumeaux désireux de rendre leur liberté au peuple noir, du moins le temps d’une soirée. Et il faut dire que le bonhomme est sacrément fort pour sublimer ses causes avec sa réalisation. On sait déjà que la scène musicale va marquer les esprits, tant elle est un magnifique hommage aux différents genres de musique (à travers le temps) initiés par la communauté noire. Le film, via son scénario et sa réalisation, défend sa cause toujours en étant juste, sans jamais en faire trop et en le faisant toujours bien.

Si la méthode existe depuis longtemps, c’est particulièrement la mode en ce moment de prendre un seul acteur pour jouer plusieurs rôles au sein du film (Sonic 3, The Alto Knights, Mickey 17…) et Michael B. Jordan ne démérite pas dans l’exercice. Ses deux personnages sont bien distincts, aussi bien physiquement que moralement. Smoke est le plus simple des frères, il va droit au but, sans fioritures, reste sérieux et priorise la famille. Stack est plus extravagant, un bon vivant que priorise le bon temps. Ce sont ces traits qui mèneront les personnages à vivre ce qu’ils vivent au cours de l’histoire.

Sinners Michael B. Jordan
Un en deux

Le film prend un malin plaisir à punir chaque erreur commise par les personnages. Les morts, les vivants (voire les deux en même temps), personne n’est épargné à la fin du voyage. Ce qui installe une tension très bien venue dans un film de ce genre, on a réellement l’impression que littéralement personne n’est à l’abri (sauf un seul personnage, mais c’est volontairement déclaré dès l’ouverture du film) et on est accroché au siège jusqu’au bout. Chaque personnage remplit sa fonction avec efficacité, ils sont tous attachants à leur manière et les antagonistes représentent une réelle menace palpable, imminente, terrifiante.

… par là où on a pêché

Le titre est évidemment très révélateur : chaque personnage commet au moins un acte répréhensible, surtout aux yeux de la religion, en particulier à l’époque. L’alcool, le sexe, certaines formes de musique, l’adultère, le vol… Tous ont commis un pêché, deviennent pêcheurs et seront punis par et pour ces raisons, d’une manière ou d’une autre. Par exemple, dans les pêchés capitaux, il y a la luxure. Eh bien, l’un des personnages sera puni par et lors d’un acte de luxure. Difficile de l’expliquer sans spoiler, on ne peut que vous conseiller de foncer voir le film, mais le scénario est très bien tissé et est très raccord avec son titre.

Et en sortant de la séance, il nous apparaît que Sinners est une excellente réflexion sur l’origine même du Mal… Oui, avec un grand M. Les antagonistes du film (ceux de départ et ceux qui le deviennent) sont emplis de colère, de haine et de pas mal de sentiments qui, encore une fois, ne sont pas bien vus par la religion. Et on remarquera qu’au départ, les antagonistes sont exclusivement blancs.

Sinners antagonistes
La mélodie du mal

Dans les années 30, la ségrégation était plus que d’actualité, notamment aux États-Unis. Les noirs vivaient encore de manière très frontale l’oppression qu’ils subissaient depuis des siècles. Et dans le cadre de ce film, tout ce que Smoke et Stack demandent, c’est un coin de liberté où ils pourraient être entre eux, loin de leurs oppresseurs qui trouvent tout de même le moyen de s’inviter et de causer du malheur. Manifestation claire de la volonté persistante de l’homme blanc à s’introduire sur un territoire qui n’est pas le sien et à y agir à sa guise. Mickey 17 parlait déjà cette année des méfaits de la colonisation, on est ici aussi en plein dedans, de manière un peu plus subtile.

Mais il s’avère que l’homme blanc responsable des maux de nos personnages, est lui-même victime de maux. À la fin, non seulement les blancs oppressent les noirs, mais en plus les blancs s’oppressent aussi entre eux, utilisant parfois la religion comme prétexte. Alors, quelle est la véritable racine du Mal ?

Sinners est une critique brillamment exécutée de l’humain, en particulier de ceux qui oppressent, soi-disant au service d’un dessein plus grand. Sans jamais tomber dans le cliché du film de zombie au scénario écervelé, Coogler offre une œuvre forte, intelligente, qui ne se prive pas de s’amuser avec son concept.

Sinners – Bande-annonce

Casting :

  • Michael B. Jordan (Elijah/Smoke et Elias/Stack)
  • Miles Caton (Sammie Moore/Preacher Boy)
  • Hailee Steinfeld (Mary)
  • Delroy Lindo (Delta Slim)
  • Wunmi Mosaku (Annie)
  • Jack O’Connell (Remmick)

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