Spécial Halloween : « Une rencontre dans les collines »

Axel Juin
Axel Juin
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En cette journée du 31 octobre, il est traditionnel de se faire peur, à l’occasion d’Halloween, la « fête des morts ».

Mais au vu de la situation actuelle, peu encline au racket de bonbons à domicile, beaucoup d’entre nous resteront en 2020 cloitrés chez eux. Cependant, afin de vous apporter un peu de frissons à domicile, Cultea a décidé de vous concocter une petite histoire d’horreur maison. Alors, bonne lecture !

Spécial Halloween : Une rencontre dans les collines

Spécial Halloween : "Une rencontre dans les collines"

Si je publie ce témoignage aujourd’hui, c’est parce qu’un professionnel m’a assuré que ça me permettrait de libérer mon esprit.

Avant toute chose, je souhaiterais préciser que si je ne donne pas directement mon nom, c’est pour ne pas paraître ridicule. Mais peut être que c’est aussi imputable au fait que j’ai peur. Je ne saurais pas dire de quoi, mais ce sentiment ne cesse de me suivre.

Alors voilà, commençons. Laissez-moi vous raconter l’étrange et inquiétante mésaventure qui a changé ma vie.

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J’ai toujours été ce que l’on peut définir comme un « loup solitaire ». Je n’ai que très peu d’amis ou de connaissances, et mon travail plutôt discret me permet de maintenir ce statut. En fait, je me rends maintenant compte que si je venais à disparaître, on attendrait longtemps avant de me rechercher.

C’est ce même caractère qui m’amène à m’adonner à un de mes passe-temps favoris : la randonnée. Partir en excursion pendant plusieurs jours, en pleine nature : voilà une bonne définition de l’extase. Montagnes, canyons, grottes et glaciers ont donc peuplé les meilleurs moments de ma jeunesse. Cela dit, à l’approche de ma quarantaine, j’avoue que j’ai commencé à diminuer l’intensité de mes petites virées.

Ce fut dans cette optique-là que je décidais de partir passer une semaine explorer les collines boisées d’Avila. Il s’agit d’une vaste région située en plein cœur de l’Espagne. Le nombre d’habitants y est très faible. Les collines sont peuplées de plusieurs petits villages, parfois presque coupés du monde extérieur.

Bref, dès que j’ai pu obtenir un congé, je m’y suis rendu en voiture sous une chaleur d’été aride.

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Les trois premiers jours, tout se déroula sans encombre. En même temps, je pars toujours bien équipé pour ce type d’excursions. Sac de couchage, boussole, GPS, provisions, lampe torche et couteau de chasse étaient donc de la partie. Après avoir sillonné divers paysages bucoliques, dormi sous de magnifiques ciels étoilés et traversé des kilomètres de broussailles, les ennuis n’ont pas tardé à pointer le bout de leur nez.

Tout d’abord, mon fidèle GPS est tombé en panne. J’aurais sans doute dû en changer la pile après des années d’usage. N’emportant jamais de téléphone en excursion, afin de mieux me « déconnecter », il m’a fallu m’orienter avec différentes cartes régionales. Mais je crois bien qu’elles m’ont fait tourner en rond plusieurs fois et m’arracher un sacré paquet de cheveux.

Cela dit, après avoir marché pendant des heures, complétement égaré, j’ai pu m’extraire de ce qui me paraissait être une forêt sans fin pour atterrir dans une large vallée. Composée en grande partie de divers champs non entretenus, elle abritait en son centre un minuscule village. On pouvait, de loin, y distinguer à peine une dizaine de maisons en pierre, perdues en pleine nature. Espérant trouver une route ou un sentier pour mieux m’orienter, je décidais de me diriger vers ces lieux inconnus.

Je me souviens de ce moment-là, de la fatigue que j’éprouvais à la suite de mes confuses déambulations. Je me souviens aussi du ciel qui se teintait petit à petit de nuages, tandis que le soleil commençait à se coucher. Tout cela annonçait une nuit orageuse. Celles-ci sont très rares dans cette région du globe et pourtant, il fallait que cela m’arrive alors que j’avais choisi de ne pas emporter de tente.

C’est lorsque j’ai pénétré dans le village pour la première fois qu’un sentiment d’alerte a commencé à résonner en moi. Paradoxalement, alors que je retrouvais un semblant de civilisation, je me sentais comme un animal épié par un prédateur dans la jungle.

Malheureusement, dès mon arrivée, j’ai constaté qu’aucun sentier ou route ne traversait en long ou en large la commune. Toujours en quête de repères, je commençais à explorer les alentours.

Un ensemble de maisonnettes de pierre, façonnées à l’ancienne, se succédaient. Chacune était reliée aux autres par de minuscules chemins bitumés. Ce qui ne tarda pas à me frapper fut l’état des lieux. Chaque bâtiment était délabré, désert et envahi par la brousse. J’ai bien essayé d’appeler quelqu’un à voix haute, avant de crier par désespoir, en vain.

On aurait dit que personne n’avait mis les pieds ici depuis des décennies. Cependant, je n’allais pas tarder à être contredit dans mon raisonnement. En effet, après une vingtaine de minutes passées à explorer les moindres recoins de cette enclave déserte, je tombais nez à nez avec un objet familier.

Il s’agissait d’un bon vieux sac de randonnée de la marque Nike. Cet accessoire récent et aux couleurs vives détonnait beaucoup face à la froideur des alentours en ruines. Ce constat me rassura quelque peu. Au moins, je n’étais pas le seul imprudent ayant atterri dans ce curieux tableau.

Alors que j’examinais toujours le sac, un son rompit enfin le silence pesant sur tout le village, celui d’une voix humaine.

A los que pilla se quedan aqui para siempre

C’était de l’espagnol, et j’avoue sur le moment ne pas en avoir bien saisi la traduction. Cela dit, j’identifiais clairement la voix comme étant féminine, avec une curieuse tonalité abstraite.

Je me suis alors retourné devant le premier visage que je croisais depuis mon départ. Il appartenait à une jeune fille, sans doute la vingtaine, brune, la peau bronzée et portant un ensemble de jogging rouge. Ce qui me frappa chez cette fille fut avant tout son expression, vide, sans la moindre énergie, avec des yeux semblant baigner dans un néant absolu.

Evidemment, j’ai tout de suite accouru à la rencontre de mon interlocutrice, espérant obtenir quelques conseils et indications. Cependant, à peine eus-je fait un pas que celle-ci disparut derrière une des nombreuses murailles de pierre s’étendant aux alentours. J’eus beau la rattraper quelques instants plus tard, je dois avouer avoir totalement perdu sa trace. Cette volatilisation soudaine me poussa à partir à la recherche de l’inconnue. Ma quête demeura vaine. Sur le moment, j’aurais même pu croire avoir halluciné, s’il n’y avait pas eu ce sac abandonné.

Alors que les mots de la fille trottaient encore dans mon esprit, la pluie tant redoutée commença à tomber à grosses gouttes dans la vallée. Malgré mes doutes et le sentiment de malaise vis-à-vis de ce village toujours présent en moi, je décidais de m’abriter. De toute façon, il allait bientôt faire nuit et sans tente à disposition, l’une des maisonnettes abandonnées ferait largement l’affaire.

Spécial Halloween : "Une rencontre dans les collines"

Je me souviens avoir élu domicile dans une habitation envahie par la végétation. Seul le premier étage, ressemblant plus à un grenier, était épargné par la broussaille en dépit de cloisons pourries. Par la suite,  je me rappelle avoir mangé quelques barres énergisantes, déballé mon sac de couchage et m’y être emmitouflé en me promettant de déguerpir de cet endroit dès l’aube. Il faut dire qu’en plus d’une fatigue accumulée, le stress procuré par ce village ne me rassurait guère. Pourtant, je ne fus pas long à trouver le sommeil tandis que la pluie tombait sur les ruines à proximité.

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Curieusement, j’ai dormi comme un loir cette nuit-là, sans faire le moindre cauchemar ou rêve. Cela dit, je n’ai pas tardé à me réveiller, aux alentours je pense de trois ou quatre heures du matin.

Un son m’a tiré de mon sommeil, régulier et bien spécifique, celui d’une respiration. À vrai dire, on aurait plutôt dit une mauvaise imitation tant elle paraissait rauque et essoufflée. Comme si quelqu’un à proximité lâchait son dernier souffle et mourrait en permanence.

Plongé dans le noir, je fus immédiatement envahi par des sueurs froides. Je me souviens même avoir trembloté. Lentement et prudemment, je me retournais en direction de l’instigateur de ce bruit. C’est à ce moment-là que j’ai été témoin du spectacle le plus dérangeant et irrationnel qu’il me sera jamais donné de voir.

Assise dans un coin de la maisonnette se dressait une silhouette qui ne cessait de me fixer. On aurait dit une vieille dame habillée avec d’amples vêtements sombres. Je ne l’aurais sûrement jamais distinguée dans la pénombre ambiante s’il n’y avait pas eu ses yeux. On aurait dit deux lanternes rougeâtres qui me dévisageaient avec un éclat inhumain.

Inhumain est bien le mot idéal pour décrire la chose qui me regardait dormir depuis je ne sais combien de temps. Il se dégageait d’elle une sorte d’aura chargée de peur qui n’exprimait qu’une seule vérité : ce qui me faisait face n’était en aucun cas de la même espèce que moi.

Souvent, lorsque l’on rencontre ce type de situations, on pense que l’adrénaline nous poussera à agir de façon adéquate. Laissez-moi cependant vous dire que dans ce cas précis, je me trouvais dans l’incapacité totale de bouger. Dès que mon regard a croisé celui de la chose, je n’ai plus pu mouvoir un seul muscle. L’angoisse semblait avoir gelé mon corps, tandis que mon esprit ne cessait de fixer avec horreur ces deux yeux surnaturels.

Je n’ai pas la moindre idée de combien de temps je suis resté planté là, face à cette créature à la respiration cadavérique. Chaque seconde passée à contempler le spectacle de ses pupilles menaçantes me semblait être une heure passée dans le pire des enfers.

Mon instinct me hurlait sans cesse les mêmes mots : Bouge, Bouge, Bouge.

Finalement, c’est la chose dans l’ombre qui s’est décidée à bouger !

Lentement, elle s’est avancée vers moi, toujours prisonnier de mon sac de couchage et de ma paralysie contre-productive. En dépit de son apparence de vieille femme, l’abomination, à chacun de ses mouvements, trahissait sa véritable nature. On aurait dit une sorte de marionnette commandée par des fils invisibles. Petit à petit, tel un lièvre cerné, je pus voir cet épouvantable regard d’un autre monde s’approcher.

Spécial Halloween : "Une rencontre dans les collines"

Finalement, la créature s’est arrêtée à quelques centimètres de moi, tel un prédateur sur le point de se repaître. Elle a alors retiré les vêtements qui couvraient le corps de vieille femme qu’elle affichait.

Le spectacle exposé m’a alors mis dans un état d’effroi indescriptible. Les chairs de ce qui se déguisait en humain pendouillaient de partout tel un déguisement organique mal enfilé. Cela dit, la partie la plus insolite de cette épouvantable anatomie était l’emplacement correspondant au ventre de la « vieille femme ». En effet, ce dernier semblait énorme, enflé comme celui d’un serpent venant d’ingurgiter un repas.

Là encore, mon instinct de survie tentait de me faire quitter mon état de choc, en vain : Bouge, Bouge, Bouge.

Je n’étais pas au bout de mes surprises lorsque je perçus des mouvements directement issus de l’estomac de cette chose. On aurait dit que plusieurs mains prisonnières essayaient de se dégager de l’intérieur de ce monstre. Le résultat visible s’apparentait à plusieurs empreintes humaines pressées contre une peau élastique trahissant sa nature de camouflage. Un camouflage qui, j’en suis certain aujourd’hui, cachait une apparence digne des pires cauchemars imaginables.

Alors que mes yeux, dorénavant chargés de larmes d’effroi, s’apprêtaient à recroiser ceux de mon indescriptible visiteur, je découvris une ultime infamie.

En effet, sous son déguisement de vieille femme, la créature commença à écarter les mâchoires dans des proportions inhumaines. Elle révéla par la même occasion une gigantesque gueule. On aurait dit un gouffre sans fond, d’où rien ne pouvait jamais sortir. Je compris ainsi quel destin sordide avait connu les propriétaires des mains s’agitant toujours dans l’estomac du monstre. Bien évidemment, la prise de conscience qu’un futur similaire était sur le point de m’être imposé me frappa soudainement.

Mon instinct continuait de m’ordonner cette même consigne vitale : Bouge, Bouge, Bouge.

Et cette fois, je l’ai écouté…

Submergé par un flot d’adrénaline sans égal, mes mains tremblantes ont tâtonné à l’intérieur de mon sac de voyage avant d’y trouver mon couteau de chasse.

Juste au moment où la chose avançait sa gueule béante vers moi, je précipitais la lame de mon outil sur son horrible tête. Le couteau se planta dans la tempe du monstre avec un bruit sec, comme si j’avais percé un simple ballon creux.

La créature s’immobilisa à la suite de cette riposte, pendant que je redevenais rapidement maître de mon corps. Cependant, mon agresseur venu d’ailleurs, en dépit de mon attaque, continua de me fixer avec le même éclat dans ses yeux rouges. Soudain, il interrompit sa respiration si particulière pour produire un son que je ne pourrais qu’assimiler à un rire. Un ricanement macabre paraissant se moquer de l’inefficacité de ma riposte.

Mon instinct m’a alors adressé un message différent et clair : Ça ne peut pas mourir.

Sans réfléchir, je profitais de la réaction de la créature pour tenter ma dernière chance de salut. Sans même me retourner, je me suis précipité hors de la maison où j’avais eu le malheur de m’assoupir. Atterrissant alors dans le village, pied nu, sans équipement et sous une pluie nocturne battante, je courus aussi vite que possible.

Après m’être éloigné d’une bonne dizaine de mètres de cette maudite bicoque en ruines, je jetais un dernier regard derrière moi. Je vis la créature me fixant au travers d’une des fenêtres. Elle avait réajusté son déguisement de vieille dame et réenfilé ses amples vêtements, mais ses yeux luisants trahissaient toujours sa véritable nature.

Ce fut l’ultime contact que j’eus avec cette chose et croyez-moi qu’il m’a bien motivé à poursuivre ma fuite !

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J’ai couru de longues minutes après avoir dépassé le village et les champs aux alentours, avant de finalement regagner la gigantesque forêt que j’avais quittée la veille. Là-bas, perdu dans le noir et démuni de mes possessions, je remerciais le ciel d’être encore vivant. Cela dit, la terreur toujours présente dans mon organisme me poussa à m’éloigner à toute vitesse de l’endroit où j’avais croisé cette créature.

Finalement, par je ne sais quel hasard ou miracle, je fus en mesure de trouver la trace d’un sentier aux premières lueurs de l’aube. À la suite de ça, je ne fus pas très long à rejoindre la civilisation offerte par une route locale.

Je revois encore la tête des gens qui m’ont pris en autostop après m’avoir vu errer, trempé, les pieds en sang et l’air terrorifié.

Finalement, si je suis aujourd’hui capable de relater mon histoire, cela signifie que j’ai retrouvé le confort de ma vie quotidienne. Après cette rencontre nocturne, tout semble être rentré dans l’ordre, enfin presque.

Tout d’abord, j’admets que je ne m’adonne presque plus à ma passion d’autrefois. Les excursions, c’est fini pour l’instant ! Ensuite, j’avoue avoir essayé de comprendre le sens de ma mésaventure. J’ai par exemple mené des recherches en ligne qui m’ont permis de découvrir que plusieurs disparitions continuent d’avoir lieu aux alentours d’Avila.

De plus, l’une de ces personnes recherchées porte le nom de Maria Calvadores. Cette blogueuse amateure s’est volatilisée dans ces collines il y a maintenant presque cinq ans. Si je vous parle de cette fille, c’est parce que les photos que j’ai vues d’elle me montrent le visage de l’inconnue que j’ai croisée dans ce maudit village.

Les paroles qu’elle m’a adressées lors de notre brève interaction résonnent encore dans ma tête.

A los que pilla se quedan aqui para siempre

Evidemment, je les ai depuis traduites :

Ceux qu’il attrape restent ici pour toujours

En fin de compte, je suis bien content que seules mes affaires soient demeurées dans ce village duquel je n’ai trouvé ni de nom, ni d’histoires associées.

Malgré tout, j’admets que toutes les nuits, je suis légèrement tendu au moment de m’assoupir. Je repense à ces yeux démoniaques… et s’ils étaient présents à mon prochain réveil ? Et si cette chose me retrouvait…

C’est tout pour aujourd’hui ! On espère vous avoir diverti, peut-être même fait trembler et nous vous souhaitons un joyeux Halloween. Et surtout, n’oubliez pas de scruter l’obscurité, on ne sait jamais ce qui peut s’y cacher… 

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Etudiant en communication, passionné de journalisme, ouvert à diverses variétés de cultures et sujets. Intéressé par l'histoire, le cinéma, le folklore moderne et plus ancien ainsi que les sciences en tout genres.
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