La nomination du dernier gouvernement Macron fut parsemée de surprises, dont beaucoup ont de quoi laisser perplexe. Parmi les nombreuses nominations inattendues, une d’entre elles sort du lot, tant celle-ci paraît aux antipodes de la fonction occupée. Il s’agit de la nomination de Patrick Hetzel, devenu ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Un choix qui interpelle, quand on sait que ce personnage politique a eu, à plusieurs reprises, des prises de position aux antipodes de la science…
Les positions controversées de Patrick Hetzel durant la crise du Covid-19
La période du Covid-19 fut marquée par de nombreux manquements, hautement critiquables, de la part de l’Etat, aussi bien en termes d’action que de communication. Il est donc parfaitement sain de jeter un regard critique sévère sur certains ratés commis à l’époque. Cependant, certaines critiques de l’époque, alimentées par les théories du complot et la panique générale, ont eu pour conséquence de mettre en jeu la vie de citoyens. Ainsi, dans le marasme ambiant, Patrick Hetzel a régulièrement pris des positions aux antipodes des connaissances scientifiques de l’époque.
Opposition au port du masque
Durant la pandémie, Patrick Hetzel s’est opposé au port du masque obligatoire dès l’âge de 6 ans dans les écoles. Pour justifier son point de vue, celui-ci a évoqué les « effets négatifs sur le développement et l’apprentissage des enfants, ainsi que des effets psychologiques lourds ». Si la question psychologique du port du masque, surtout pour les jeunes enfants, est évidemment un sujet important, il est nécessaire de rappeler que cette mesure était déjà recommandée depuis plusieurs mois par la Société française de pédiatrie et le Haut Conseil de la santé publique, mettant l’actuel ministre dans une position antiscience. Et ce ne sera pas la dernière fois durant cette période.
Le cas de l’hydroxychloroquine
Le 2 avril 2020, Patrick Hetzel avait réclamé, dans une lettre adressée à Emmanuel Macron et publiée sur X (anciennement Twitter), l’autorisation temporaire de l’utilisation « de l’hydroxychloroquine (…) dans le traitement précoce du Covid, et ceci jusqu’à ce que soient connus les résultats des essais cliniques en cours ».
Ainsi, celui qui était alors député, militait activement pour un traitement encore en cours d’essais cliniques, déjà hautement controversé et dont aucune étude n’avait fait preuve de l’efficacité, malgré toutes les promesses de l’ex-directeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult.
« On avait déjà en avril 2020 des essais de traitement à l’hydroxychloroquine sur des malades et des critiques avaient été soulevées. »
Jean-Michel Constantin, président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar)
L’avenir donna ainsi tort à Patrick Hetzel, puisqu’un mois après sa requête deux études allaient conclure à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. Depuis lors, de nombreuses études ont même mis en avant la dangerosité de ce traitement pour les patients, et Didier Raoult fut condamné en appel à une interdiction d’exercer la médecine durant deux ans (interdiction contre laquelle il compte se pourvoir en Cassation).
« La seule façon de minimiser les risques, c’est de faire un essai clinique. Ceux qui disent le contraire ne veulent pas le bien des personnes. »
Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l’institut Pierre-Louis
Opposition au pass sanitaire
En juillet 2021, Patrick Hetzel interpelle le ministre de la Santé de l’époque, Olivier Véran, afin de s’opposer à la décision de rendre le pass sanitaire obligatoire. Si la question du pass sanitaire pouvait se poser d’un point de vue politique et de libertés individuelles, l’argumentation d’Hetzel frisait le complotisme, concernant le « problème juridique » concernant les vaccins, alors en phase 3 de leur essai clinique.
Un argument une fois encore démenti par Dominique Costagliola, selon qui affirmer que les vaccins étaient « des produits expérimentaux à l’été 2021 est inexact sur le plan scientifique. (…) Les traitements antirétroviraux ont été autorisés avant la fin des essais cliniques, et ça a sauvé des vies ». Pour rappel, l’efficacité du vaccin contre le Covid-19 avait été démontrée des mois plus tôt, en mars 2021, notamment contre les formes graves de la maladie.
Une simple « sortie de route » de Patrick Hetzel ?
Nombreux sont celles et ceux ayant dit des bêtises durant la crise du Covid-19, y compris parmi les scientifiques les plus réputés et les chercheurs les plus investis. Ainsi, Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard et professeur à l’université Paris-Cité, juge que :
« C’est une sortie de route. »
Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard
Un bénéfice du doute qui pourrait être accordé, au vu du nombre de personnes ayant dit des inepties durant la pandémie. Cependant, toutes ces prises de position controversées semblent s’inscrire dans un rapport plus large de mépris des sciences de la part de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche…
Patrick Hetzel : un soutien à l’homéopathie
Si le bénéfice du doute pouvait être accordé concernant la crise sanitaire, son positionnement concernant l’homéopathie est également dénoncé par la communauté scientifique. Pour rappel, malgré sa popularité, l’homéopathie est considérée comme une pratique pseudoscientifique et n’a, en plus de 200 ans, jamais fait preuve de son efficacité. En effet, les études cliniques effectuées à grande échelle durant des décennies ont démontré à maintes reprises que l’homéopathie n’était pas plus efficace que l’effet placebo.
Cependant, en octobre 2020, Patrick Hetzel a soutenu un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale visant à « créer un organisme spécifiquement dédié à l’évaluation des médecines complémentaires et alternatives dont l’homéopathie, ainsi qu’à la fixation d’un taux de remboursement ». Le mois suivant, il cosigna une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le taux de remboursement (15 %) de l’homéopathie, afin de ne pas brusquer les industriels du secteur avec le déremboursement de leurs produits. Des textes rejetés, l’homéopathie n’étant finalement plus remboursée depuis janvier 2021.
« Il y a un consensus scientifique pour dire qu’il ne faut pas prescrire de l’homéopathie. Au mieux ça ne sert à rien, au pire ça détourne d’un traitement utile. »
Jean-Michel Constantin, président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar)
Un mépris du fonctionnement de la « science officielle »
Fin 2023, fut lancé le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Une loi promulguée en mai 2024 et toujours en attente d’application à l’heure actuelle. Lors du débat concernant ce projet de loi, Patrick Hetzel s’est ainsi prononcé contre un article visant à créer un délit de « provocation à l’abstention de soins » médicaux. En d’autres termes, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’est opposé à la mise en place de sanctions contre les personnes souhaitant empêcher des personnes malades de recevoir des soins. Son argument à l’Assemblé Nationale fut le suivant :
« Quand vous regardez comment se font les avancées scientifiques, très souvent, les ruptures de paradigme (…) sont le fait de gens qui sont minoritaires. Donc faisons extrêmement attention, à vouloir là aussi développer, en quelque sorte, un dogme, qui serait celui d’une science officielle. Je pense que c’est extrêmement dangereux. »
Une rhétorique antisystème généralement utilisée par les adeptes de pseudosciences ou par les complotistes. Pierre Ouzoulias, sénateur et chargé de recherche au CNRS, a ainsi évoqué cette prise de position en ces termes :
« Participer au débat sur l’article 4 du projet de loi sur les dérives sectaires, sous-entendre que la science officielle relève du totalitarisme et laisser le choix des médecines alternatives aux patients qui n’ont aucun discernement, je trouve ça embêtant… Surtout pour un ministre qui a dans son champ de compétences la recherche scientifique. »
Dominique Costagliola a quant à elle déploré la rhétorique profondément conspirationniste de l’actuel ministre :
« Je suis frappée de voir que chaque fois qu’il monte au créneau, c’est avec des raisonnements complotistes. Cette accumulation dresse le portrait de quelqu’un qui ne comprend pas comment on fait évoluer les connaissances dans le monde de la science. »
Il paraît donc raisonnable de s’intéresser sérieusement au rapport à la science qu’entretient notre nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Et il sera d’autant plus raisonnable que de jeter un regard accru aux réformes qui seront portées par ce gouvernement concernant les disciplines universitaires.
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Le Ministre Patrick Hetzel, ennemi des sciences [Zet’NEWS]
Sources :
- Hydroxychloroquine, vaccins, homéopathie… Patrick Hetzel, un ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aux positions scientifiques peu académiques – France Info
- Patrick Hetzel – Wikipédia
- Le Ministre Patrick Hetzel, ennemi des sciences [Zet’NEWS] – La Tronche en Biais (Youtube)