Netflix et les documentaires, c’est une histoire… disons compliquée ! Certes, la plateforme peut proposer des choses intéressantes et n’hésite pas à s’attaquer à des sujets variés. Malheureusement, le traitement n’est pas toujours au rendez-vous. On se rappelle de la purge qu’était A l’Aube de notre histoire, véritable monument de désinformation. Avec Raël : Le prophète des extraterrestres, la plateforme s’est attaqué à un thème, là encore intéressant. Toutefois, on ne peut s’empêcher d’être mal à l’aise avec la façon dont celui-ci fut traité…
Raël : un gourou franco-français
Raël est l’incarnation même du « gourou ». Charismatique, éloquent, charmeur… Tout un panel de compétences qu’il aura su développer, afin de réunir autour de lui bon nombre d’adeptes très (très très) dévoués.
En 1973, Raël (de son vrai nom Claude Vorilhon), affirme être entré en contact avec une race extraterrestre appelée Elohim. Il est alors proclamé comme prophète et rencontre un succès monumental. Sous le regard bienveillant de la presse et de la télévision, le gourou en herbe multiplie les interventions, rassemblant au fur et à mesure celles et ceux qui formeraient le mouvement raëlien.
Si ce mouvement est d’abord regardé avec une certaine sympathie (il faut dire que Claude Vorilhon sait se faire apprécier), les problèmes commencent rapidement à affluer. On y retrouve tout le panel des dérives sectaires :
- Les exigences financières exorbitantes
- Des dérives sexuelles
- De l’emprise mentale
En bref, le quinté+ de tout ce qu’on peut attendre d’une secte. Le mouvement raëlien en devient presque caricatural, tant il cumule les poncifs du genre. À cela s’ajoutent les nombreuses incohérences dans le récit du gourou.
Exemple : dans un de ses ouvrages, Raël explique que les Elohim vivent sur une planète à deux années-lumière de la Terre. Problème… Il n’y a aucun système solaire à cette distance de notre planète ! Mais bon, plus c’est gros, plus ça passe non ? En bref, Claude Vorilhon a surtout réussi le pari fou de vivre aux dépens de ses adeptes à travers le monde, lui assurant un train de vie confortable. Quant aux fameux Elohim (et à l’ambassade censée être construite), on attend toujours d’en voir la couleur.
Mais pourquoi cette série Netflix sur Raël pose problème ?
Si traiter du sujet épineux de Raël était intéressant sur le papier, le paradigme adopté a de quoi interroger. À première vue, le programme paraît relativement objectif, laissant la parole aussi bien à des adeptes de la secte, qu’à des déconvertis, en passant par le juge Georges Fenech, qui a longuement travaillé sur le dossier Raël.
Mais à y regarder de plus près, on se rend compte d’une chose : le documentaire donne bien plus la parole aux adeptes du mouvement raëlien qu’aux déconvertis ou aux experts des dérives sectaires. De surcroît, même si les affaires poisseuses de la secte sont évoquées, celles-ci sont traitées de façon assez timide. Le comble du mauvais goût est la présence de Raël lui-même. Une présence qui n’a visiblement aucun autre intérêt que… Sa présence ! Car au final, à part capitaliser sur sa figure de gourou, Netflix ne profite pas de sa position unique pour nous offrir un véritable travail d’esprit critique.
Là encore, l’idée de lui donner la parole n’est pas une mauvaise idée en soi. Cependant, la façon dont celui-ci est iconisé (presque déifié) par la caméra a de quoi interroger. Pire, les rares moments où il prend la parole, il semble avoir quartier libre sur ce qu’il dit. Aucun dialogue contradictoire n’est engagé. Aucune question qui fâche n’est posée. Non… On laisse le gourou s’exprimer et basta.
En résulte une série qui donne l’impression d’explorer en profondeur le mouvement raëlien, mais qui reste finalement en surface concernant les dérives que ce mouvement a entrainées. Alors qu’au contraire, quand on traite d’un sujet aussi épineux, il faut savoir le prendre à bras-le-corps…
Une très bonne publicité pour les raëliens
Malgré les affaires évoquées, la secte est régulièrement glamourisée. Pire, certains de ses adeptes interrogés n’hésitent pas à se faire passer pour des sortes de « résistants » ou de « victimes persécutées » face à un système qui les rejette, usant et abusant des pires sophismes et procédés rhétoriques possibles. Et pas à un seul moment, leur parole n’est remise en question ! A quel moment Netflix et les personnes travaillant sur ce projet ont-ils pu valider ça, sans s’interroger sur les implications que cela pouvait avoir ? On parle quand même de personnes qui :
- Prétendent travailler au nom d’une race extraterrestre
- Affirment avoir cloné le premier humain au monde (sans jamais avoir fourni la moindre preuve)
- S’affairent (soi-disant) à créer une ambassade pour les Elohim
- Sont impliquées dans divers scandales à caractère financier et sexuel
Et pas à un seul moment la série ne semble prendre la mesure de cela. Ainsi, Raël : Le prophète des extraterrestres ressemble bien plus à une publicité de luxe pour une secte qu’à un véritable documentaire. Et là est la gravité de ce programme. Au lieu de présenter la secte de façon objective, il offre une tribune mondiale à des personnes dont la probité est loin d’être une évidence. Le tout sans contradicteur et en minimisant à l’extrême les scandales qui ont jalonné l’existence de cette secte.
Comment régler ce problème de paradigme ?
Il ne manquait pas grand-chose à cette série Netflix pour être réellement utile au grand public. En effet, tous les éléments étaient réunis pour réaliser une série documentaire de grande qualité :
- Les moyens exorbitants de Netflix
- Des contacts avec Raël, ses disciples et autres déconvertis
- L’accès à des archives absolument passionnantes.
Seul le paradigme adopté pose problème. Ainsi, Raël : Le prophète des extraterrestres avait plusieurs options pour être un programme moins équivoque concernant ce mouvement sectaire :
- Donner la parole plus longuement aux déconvertis ainsi qu’aux experts aillant travaillé sur cet épineux sujet
- Mettre en avant les mécaniques perverses que l’on retrouve dans les dérives sectaires (emprise mentale, arguments fallacieux…)
- Mettre en avant les sophismes et les inexactitudes manifestes de certains propos, aussi bien de Raël que de ses disciples.
Bien évidemment, l’idée n’est pas de s’acharner sans discernement sur les gens ou leurs croyances. Mais donner à ces mêmes personnes une plateforme comme Netflix pour faire du prosélytisme ne paraît pas non plus être très sain. Il eut été bon que cette série sur Raël trouve un juste-milieu, plutôt que de se contenter de tendre un micro aux membres d’une secte sans prendre le recul nécessaire sur leurs propos.
Raël : Le prophète des extraterrestres avait le potentiel pour être un documentaire passionnant et mettant en lumière les mécaniques de l’emprise mentale et des dérives sectaires. Au lieu de cela, il se contente d’être un passage en revue peu inspiré sur l’histoire du mouvement, doublé d’une tribune pour raëliens. Les rares intervenants servant de « contradicteurs » n’y changent pas grand-chose, du fait de leur présence anémique. Certes, le programme n’est pas dénué d’intérêt, mais il vaut mieux le regarder avec l’esprit critique au garde-à-vous…
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