La Légion étrangère est un corps militaire français qui attise les fantasmes. Avec une réputation de troupe d’élite pouvant intervenir partout dans le monde, elle jouit d’une aura quasi mystique. À l’occasion du 190e anniversaire de la Légion, revenons ensemble sur l’histoire internationale de cette exception française.
Le principe de la Légion est relativement simple : recruter, sur la base du volontariat, tout individu étranger à la France souhaitant s’engager dans la défense de celle-ci à l’international. Ainsi, la Légion bénéficie de son propre service de recrutement. Tout individu muni d’une pièce d’identité valide, de quelque pays que ce soit, peut y prétendre. Dans la limite évidente que celui-ci n’ait pas un passé judiciaire de délinquant sexuel ou de meurtrier. Ce corps militaire a une longue histoire derrière lui que nous allons découvrir ensemble.
Un héritage ancien
Au Moyen Âge
L’idée de recruter des étrangers au service de la France ne date pas d’hier ! Ainsi, dès le Moyen Âge, on compte plusieurs régiments étrangers au service du royaume de France. Le recrutement se faisait sur la base du volontariat bien souvent mercenaire. La plupart de ces troupes étrangères se trouvaient alors dans des États allemands, en Suisse, en Irlande, en Pologne, en Belgique ou encore en Suède. Ces régiments servaient principalement dans l’infanterie, mais aussi parfois en cavalerie. Il est à noter que ces corps militaires prenaient souvent le nom de leur dirigeant comme appellation. Ce dernier point justifie que le suivi historique de ces corps soit parfois complexe, leur nom changeant à chaque décès de leur supérieur.
Il est important de retenir que ces corps sont avant tout des mercenaires. Ainsi, il n’est pas rare au Moyen Âge de voir ces groupes passer d’un camp à l’autre entre deux guerres. Les soldats français combattaient parfois aux côtés d’hommes qui étaient leurs ennemis la veille… Un exemple assez commun en est d’ailleurs les Guerres d’Italie du XVIe siècle. Les Français affrontèrent des troupes suisses lors de la bataille de Marignan (1515) qu’ils retrouvèrent finalement à leurs côtés lors de la bataille de Pavie (1525)…
À l’époque moderne
L’apogée de ces régiments étrangers a lieu sous les règnes de Louis XIV et Louis XV. Ces troupes supplémentaires sont particulièrement utiles lors de la guerre de Trente Ans (1618-1648) ou encore pendant les nombreuses guerres européennes du XVIIIe siècle. Ainsi, lorsque Louis XIV monte sur le trône en 1643, l’état des lieux présente 166 régiments d’infanterie, dont 25 étrangers ! En 1690, on passe à 155 régiments pour 32 étrangers.
Au-delà de leur rôle sur le sol européen, le XVIIIe siècle voit arriver les régiments étrangers dans des pays du « nouveau monde ». En France, c’est le cardinal Richelieu qui impulse la création d’un nouvel empire colonial. Démarre alors une véritable course avec nos voisins européens pour le contrôle de territoires étrangers sur les continents asiatique, africain et américain. À noter par exemple que la Compagnie des Indes orientale disposa de ses propres troupes privées. On retrouve alors des régiments au Sénégal, aux Antilles, à Pondichéry, en Inde ou encore à Saint-Domingue.
De plus, la concurrence entre la France et l’Angleterre ne cessa quasiment pas avant la guerre pour l’indépendance américaine. L’aboutissement étant que les colons américains, avec l’aide des Français, ont viré les Anglais et obtenu l’indépendance des États-Unis.
Enfin, avec le passage de la Révolution française, ces corps étrangers sont fusionnés avec les troupes classiques. Certains choisissent alors de retourner dans leur pays d’origine, n’ayant aucune sympathie pour la république. Cependant, certains régiments sont restés quasiment identiques lorsque Napoléon prit le pouvoir. De plus, Napoléon forma des régiments étrangers à partir de déserteurs d’armées qu’il avait vaincues.
1831 : la Légion étrangère
C’est Louis-Philippe, roi des Français, qui fonde la Légion le 9 mars 1831. L’ordonnance stipule alors que seront fusionnés trois corps préexistants :
- Les gardes suisses, une garde rapprochée de personnages importants. On les retrouve par exemple aujourd’hui au Vatican. Il s’agit de mercenaires employés.
- Le régiment suisse de la garde royale. Même fonction, mais il s’agit d’un régiment officiel consacré exclusivement à la protection royale.
- Le régiment Hohenlohe, un bataillon austro-allemand composé par Napoléon avec de nombreux déserteurs allemands.
Lors de sa formation, il est annoncé que la Légion ne peut intervenir qu’en dehors de la France. La Première Guerre mondiale sera une première exception. Ce caractère international est dû à la raison même de la naissance de la Légion : maintenir l’empire colonial français. On retrouve principalement le corps dans des théâtres d’opération comme l’Afrique, la Crimée, l’Asie ou le Mexique. C’est dans ce dernier pays que le régiment trouve d’ailleurs sa légendaire aura.
La légende
En effet, lors de l’expédition du Mexique, la Légion fait partie des armées mobilisées. C’est lors d’un affrontement particulièrement violent le 30 avril 1863 qu’elle se démarque. On parle alors de 62 légionnaires qui ont réussi à tenir une journée entière face à 2 000 soldats mexicains. Le bilan est lourd : 190 morts et plus de 300 blessés côté mexicain. Côté français, 40 ont péri et 18 sont blessés. C’est ce jour qu’est née la réputation de jusqu’au-boutisme du corps militaire.
La Légion sera aussi utilisée durant les deux grands conflits mondiaux. Bien que partiellement dissoute en 1940, certains de ses membres rejoignent des groupes résistants. Par la suite, elle servira principalement en Indochine, en Algérie ou en Afrique subsaharienne. Dans cette dernière, elle bâtit notamment des routes et des installations là où il n’y a rien.
L’Algérie est également une terre lourde d’histoires douloureuses pour la Légion. C’est là-bas que se sont longtemps trouvés son quartier général, sa base de recrutement et de formation, mais également ses prisons. Aujourd’hui, elle est installée à Aubagne, en France.
Ne nous y trompons pas, la Légion est une Suicide Squad. Elle est toujours envoyée là où les affrontements sont les plus violents.
Pourquoi s’engager ?
Si l’amour de la France a été un argument motivant pour beaucoup, il n’en est plus vraiment le même aujourd’hui. Ce qui séduit ironiquement dans la Légion, c’est sa perspective d’un avenir nouveau. Ainsi, l’ouverture à tous est pour beaucoup une dernière carte à jouer lorsque la vie n’a plus de sens. On retrouve de nombreux êtres brisés en quête d’un renouveau ou souhaitant faire table rase du passé. Les contrats durent cinq ans, cinq années de violence au bout desquelles on obtient automatiquement la nationalité française. Un « sacrifice » de cinq ans qui, pour beaucoup, peut permettre de repartir de zéro. Fait marquant, le nom d’un engagé est effacé temporairement. Et si, au bout de six mois, il décide qu’il n’y est plus attaché, celui-ci disparaît pour toujours…
Enfin, certains y trouvent une famille. La Légion est réputée pour sa culture collective. Le groupe passe avant tout. Le deuxième article du code d’honneur du légionnaire est d’ailleurs très clair :
“Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelles que soient sa nationalité, sa race ou sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille.”
La Légion étrangère a donc derrière elle une longue histoire. Il est intéressant de voir que le sentiment patriotique n’est pas inné, mais peut très bien s’apprendre. L’amour d’un pays, de ses paysages, de sa culture et de sa philosophie peut donc frapper n’importe qui. Il faut cependant nuancer. Il s’agit également d’une solution extrême pour certains êtres égarés désireux de recommencer une vie. Ainsi, de groupes de mercenaires, la Légion est devenue un corps exigeant où des étrangers risquent leur vie pour l’amour de la France ou pour s’offrir un nouveau départ.
Sources :
- Walter Bruyère-Ostells, « Les étrangers dans les armées françaises de 1789 à 1945 », Inflexions, vol 34 n°1, 2017
- Bruno Dary, « La légion étrangère : une société multiraciale et monoculturelle », Inflexions, vol 11 n°2, 2009
- Les corps contrôlés dans les registres de l’Ancien Régime – Mémoire des hommes
- A. Corvisier, Les contrôles des troupes de l’Ancien Régime
- Victor Louis Jean Belhomme, Histoire de l’infanterie, Tome 2
- Valérie Esclangon-Morin, « La Légion étrangère, une particularité française », Hommes & migrations, 1306, 2014
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