« ISSHO » : naissance d’un magazine manga européen ambitieux !

"ISSHO" : naissance d'un magazine manga européen ambitieux !

Cette 52ème édition du FIBD, qui a déjà récompensé Anouck Ricard au Grand Prix et Retour à Tomioka au Fauve Jeunesse, a aussi été l’occasion d’avoir des nouvelles d’un projet très ambitieux que l’on attendait avec impatience : l’arrivée prochaine du magazine de manga ISSHO ! Produit de la collaboration entre des éditeurs français, espagnols, italiens et allemands, ISSHO (qui signifie « ensemble » en japonais) compte bien trouver son public dès mars 2025 et réussir cet exercice difficile sur lequel de nombreux magazines se sont cassés les dents.

La difficulté du magazine manga en Europe

ISSHO n’est pas le premier essai de magazine manga à naître en Europe. Rien qu’en France, que ce soient des éditeurs lorgnant sur les recettes du Jump ou des passionnés cherchant à mettre en avant des talents européens, plusieurs projets ont émergé au fil des ans comme Shōnen Magazine, Shogun Mag ou Akiba Manga. Cependant, tous se sont arrêtés au bout de quelques mois ou années, même ceux portés par une grande maison d’édition.

A quoi est dû l’échec de ce système ? D’abord à une mauvaise adaptation de ces magazines au marché européen et à ses spécificités. Le modèle japonais est très particulier, puisqu’il repose sur des publics cibles (shōnen, seinen, shōjo, josei, etc.), un retour presque immédiat des lecteurs à chaque numéro qui décident de l’avenir des séries, un rythme de publication souvent hebdomadaire, une qualité d’impression médiocre et un tirage gigantesque (environ 1 million de copies par semaine), etc.

Or, ces éléments ne fonctionnent qu’avec un public très fidèle et marqué par de longues habitudes de consommation. En France et en Europe, nous n’avons pas les mêmes distinctions de cibles éditoriales qu’au Japon. Ainsi, la France segmente ses éditions plutôt en termes de genre artistique et de style et surtout, elle se concentre sur des produits de collection, en volumes.

Du côté des habitudes de consommation dans l’Hexagone, on a peu de modèles de magazines de BD qui ont réussi à trouver un lectorat fidèle en dehors de la jeunesse (Picsou Mag et Le Journal de Spirou). Certains, comme Métal Hurlant, ont réussi à renaître de leurs cendres grâce à un public niche qui a désormais les moyens de revenir financer le projet. Mais pour un magazine qui se veut grand public, les habitudes de consommation ne sont pas encore implantées.

Enfin, un problème majeur rencontré par les magazines de manga européens jusqu’ici était le chauvinisme inversé persistant du public quant à l’origine du manga. En effet, pendant longtemps, il a été presque impossible de considérer pour un public français qu’un manga puisse être créé par un artiste non japonais. Or, avec des lecteurs qui baignent dans cette influence nippone depuis les années 80, il était évident que la nouvelle génération d’artistes allait s’inspirer du manga et finir par s’en approprier les codes et le style.

Entre Tony Valente (Radiant), Reno Lemaire (Dreamland) ou Elsa Brants (Save me Pythie), aujourd’hui le manga français n’a plus rien à prouver et c’est donc un grand obstacle qui saute. Un timing dont ISSHO compte bien profiter !

Les nouvelles propositions d’ISSHO

Le comité éditorial à l’origine de ce projet européen est revenu en longueur sur la manière de relever tous les défis abordés ci-dessus. A commencer par leur union, qui leur permet de profiter de l’expérience de Planeta Comic (Espagne) sur son magazine Planeta Manga, implanté avec succès en Espagne depuis 2019. Dirigé conjointement avec Altraverse (Allemagne), Kana (France) et Star Comics (Italie), ISSHO publiera 18 auteurs pour son premier numéro et sera diffusé dans 4 pays et traduit en 4 langues.

Pour ce qui est de la ligne éditoriale du magazine, ISSHO va réunir plusieurs styles différents et proposer dans un même numéro des histoires qui s’apparentent à du shōjo, du shōnen ou du seinen. En s’affranchissant des étiquettes marketing, le magazine espère pouvoir ratisser un public plus large et éviter de se limiter à une catégorie mince d’acheteurs.

Un des auteurs d'ISSHO
Dreamland, le manga de Reno Lemaire qui est adapté en animé

Du côté de la qualité, on retrouve aussi une grande distinction avec les magazines japonais puisque ISSHO, malgré son petit prix, est imprimé sur du papier de bonne qualité et a vocation à devenir un objet de collection. Ce choix implique donc une production plus espacée et, en effet, le magazine aura une fréquence trimestrielle. 4 numéros par an et donc l’occasion pour chacun des 4 pays collaborateurs de réaliser alternativement la première de couverture en fonction de qui a l’actualité manga la plus chaude.

Parmi les autres nouveautés, ISSHO va mélanger les one-shots et les séries pour pouvoir renouveler très régulièrement le stock d’auteurs travaillant dans le magazine. L’objectif annoncé est de faire émerger et professionnaliser un maximum de nouveaux talents qui, après avoir été repérés, pourront éditer dans les maisons mères.

Et puisque le maître-mot de ce projet est la collaboration, le comité éditorial a insisté sur sa volonté de créer un sens de communauté et de soutien entre les nouveaux auteurs, afin de leur permettre de travailler dans les meilleures conditions dans un milieu réputé très difficile. Et si la présence d’auteurs confirmés tels que Reno Lemaire (Dreamland) et Federica Di Meo (Somnia) sur ce numéro sert avant tout à attirer le public pour le lancement, il permet aussi aux jeunes auteurs de profiter d’un mentorat bienvenu.

ISSHO a donc de belles ambitions et la possibilité de réussir là où tant d’autres ont échoué. Disponible pour l’instant uniquement en papier (un choix surprenant), le magazine, qui sortira dès mars 2025, se donne pour objectif de fidéliser son public dans les trois ans afin de pouvoir augmenter son rythme de publication et d’entretenir son vivier d’artistes.

 

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