Nous étions passés à côté. Il faut reconnaître que, pour beaucoup, le jeu de Luminous Production est le pire que l’on puisse avoir cette année. Echec critique mais aussi financier, il semble difficile de leur donner tort. Toutefois, l’échec cuisant de cette œuvre est un peu plus complexe. Forspoken n’est pas une catastrophe, mais il n’arrivera pas à convaincre grand monde non plus…
La vie de Frey Holland (Ella Balinska) est à l’image de ce jeu : paumée… Orpheline de 21 ans à Brooklyn, la jeune femme souhaite une meilleure vie. Sa rencontre avec un bracelet magique du nom de Krav va la propulser dans le monde fantastique mais hostile d’Athia. Commence alors pour Frey une quête difficile pour sauver ce monde de la tyrannie des Tantaas et d’une brume corrompant les habitants…
Forspoken est un titre qui fait vraiment mal. Il a toutes les cases de ce qui ferait un chouette divertissement, mais il se rate sur la quasi-totalité des points. Il suffit de voir les choix de scénario et de mise en scène dès les premières minutes pour redouter le pire.
Tous les problèmes de Forspoken
Entre le downgrade et les chutes constantes de framerate, les graphismes ne rendent pas honneur à la PS5. Cela pourrait être pardonnable, si le jeu n’était pas de ses AAA destinés à valoriser la puissance de la console. Avec un budget élevé, dont une infirmation révèle une somme conséquente de plus de 100 millions de dollars, des efforts supplémentaires n’auraient pas été de refus. Mais les graphismes ne sont pas les seuls fautifs. Son monde ouvert n’incite ni à l’exploration, ni à l’immersion. Il est totalement générique, reprenant des idées de ses concurrents sans pour autant le doter d’un vrai sentiment de passion. Forspoken ressemble à un jeu parmi tant d’autres…
Enfin, si Frey se veut attachante, elle s’avère finalement très antipathique. Souvent indifférente, vulgaire, bavarde pour rien, elle ressemble beaucoup à ces personnages de jeunes paumés que le cinéma nous sert avec tous les clichés possibles. Sa relation avec le bracelet magique n’est pas crédible, surexagérée, et l’on comprend très vite pourquoi une option propose de les faire taire… (pardon ?). C’est triste pour la carrière d’Ella Balinska, qui s’associe aussi à la mauvaise série Resident Evil de Netflix. Pourtant, ce n’est pas son acting qu’on lui reproche, mais bien son personnage et son développement faiblard.
Un scénario pas folichon
Qu’en est-il du scénario de Forspoken ? C’est aussi un cas complexe, car le titre de Luminous Production voudrait signer une grande épopée d’Heroïc Fantasy. Mais il ne dégage finalement qu’une narration dont on se fiche complètement. Pendant plus d’une dizaine d’heures de jeu, Forspoken traîne en longueur. Beaucoup trop ! Certes, de nombreux jeux n’hésitent pas à en faire de même pour exposer toutes les caractéristiques du jeu. Days Gone et Death Stranding en sont de parfaits exemples. Long à démarrer, ils se veulent néanmoins explicatifs d’un voyage dans la douleur et d’un univers qui se construit auprès du joueur. Dans le cas de Forspoken, c’est long, mais juste pour être long. Il faut dire que l’intrigue n’est pas surprenante, ne dispose pas assez de rebondissement et le jeu n’évolue pas au-delà de sa trop longue exposition. L’histoire se déroule alors en attendant une petite surprise qui ne viendra jamais.
Mais le pire vient peut-être du fait que l’on n’arrête pas de penser à un mauvais film Marvel tout le long. C’est quand même curieux, quand on sait que Forspoken est écrit par plusieurs scénaristes, dont la talentueuse Amy Hennig (Uncharted 2), Alysson Rymer (Shadowhunters) et Gary Whitta (le surprenant Rogue One : A Star Wars Story). Tant de talents pour ça ?
Nota Bene : Peu après la sortie de Forspoken, les scénaristes se seraient exprimés sur le fait que le pitch initial du jeu avait été drastiquement modifié par les éditeurs afin de satisfaire le public actuel. Mais est-ce vrai ?
« Quelques mois plus tard, ils sont revenus vers moi et l’un des scénaristes en nous disant « nous allons réécrire l’histoire depuis zéro, et nous voulons que ce soit comme ça maintenant ». Et ce qu’ils nous ont présenté était très proche de la version finale, à savoir une fille du monde réel qui se retrouve aspirée dans un monde fantastique. Notre scénario n’avait rien à voir avec cela. » (Gary Whitta)
Mentionnons aussi la mise en scène des cinématiques qui sort tout droit d’un autre temps, avec des personnages qui bougent systématiquement pendant les dialogues. Un défaut que l’on retrouvait dans Kingdom Hearts III par exemple, alors que le jeu vidéo a prouvé qu’il était capable de rivaliser avec le cinéma en matière de mise en scène.
Un atout dans la manche ?
Comme nous l’écrivions, l’open world du titre de Luminous Productions ressemble à n’importe quel autre. Vous avancez dans un monde divisé en quatre parties et vous devrez aussi compléter des quêtes secondaires redondantes (parfois, on a pensé à l’humiliation que la quête des flageolets dans Final Fantasy XV nous a fait ressentir). C’est triste alors de penser que Forspoken n’aurait rien pour lui. Mais détrompez-vous ! Quelque chose le fait devenir assez divertissant et lui permet de se démarquer de certaines œuvres. Le Parkour !
Soudainement, le jeu devient assez dynamique. Son utilisation permet de varier les longs chemins et les affrontements qui peuvent devenir très très vite brouillons, bien que très spectaculaires. Le Parkour est une aptitude qui nous fait vraiment ressentir de la puissance et de l’intérêt. Cela donne une bonne raison de faire ces quêtes secondaires, afin de pouvoir s’améliorer. Une idée brillante devant d’autres si génériques et réchauffées. Car oui, on réalise considérablement le problème du jeu : il fourmille de bonnes idées déjà vues, mais qui sont aujourd’hui particulièrement dépassées. Forspoken n’est pas assez moderne, et c’est sa véritable erreur !
Le véritable problème de Forspoken est d’être en retard ! Oui, Forspoken est véritablement dépassé par les nouvelles évolutions du média vidéoludique. C’est un titre qui aurait pu être terriblement efficace des années plus tôt, tant il possède des ambitions. Mais son retard est beaucoup trop flagrant. Les protagonistes ne sont pas assez développés, l’histoire mal écrite et l’open world n’a pas une identité qu’ont pu construire The Legend of Zelda: Breath of the Wild, Elden Ring ou Death Stranding. Il lui reste toutefois sa bande originale et son système de parkour plutôt efficace. On aurait aimé l’aimer, d’autant que l’univers d’Athia pouvait vraiment s’avérer enchanteur dans certains endroits ! Ainsi, Forspoken n’est pas une catastrophe… Mais il n’est pas du tout accrocheur.
5 Replies to “« Forspoken » n’est pas catastrophique, mais… [TEST]”