« Black Flies » : rencontre avec le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire

"Black Flies" : rencontre avec le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire

Black Flies, c’est LA sortie à ne pas manquer en ce mois d’avril 2024. Présenté en 2023 au Festival de Cannes, ce petit bijou met en scène Sean Penn et Tye Sheridan dans le rôle d’ambulanciers de nuit, au cœur d’un New-York populaire, où la violence sociale est omniprésente. Nous avons eu la chance de rencontrer le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire, qui nous a ainsi parlé du développement du film. Aujourd’hui, nous vous faisons part de notre rencontre avec le réalisateur de ce qui s’annonce déjà comme un des meilleurs films de l’année 2024. 

Synopsis de Black Flies : Ollie Cross, jeune étudiant en médecine, devient ambulancier de New York. Il fait équipe avec Gene Rutkovsky, un urgentiste déjà très expérimenté. Il découvre alors la violence qui règne dans le quotidien de ces travailleurs essentiels, mettant ses nerfs et ses convictions à rude épreuve…

Pouvez-vous nous parler de la genèse du film Black Flies

« Au départ, des producteurs sont venus me voir avec le livre de Shannon Burke. ça m’a tout de suite plu car c’était basé sur son expérience. Shanon a vécu ça dans les année 90 à Harlem […] La violence à New-York à l’époque était plutôt à Harlem, avec l’épidémie du crack. »

« Moi je cherchais déjà à faire un film à faire à New-York. J’avais un projet qui a été avorté, mais je restais toujours dans cette idée de filmer le New-York dans lequel je vivais, à Brooklyn. Il y a quelque chose de beaucoup plus populaire et de beaucoup plus réel dans ce New-York là. Donc quand ils [les producteurs] sont venus avec cette histoire d’ambulanciers, je me suis dit « c’est génial » car c’est un road-movie dans New-York. ça permet de connaître l’envers du décors. J’ai réadapté le livre qui se passait à Harlem (mais le Harlem contemporain c’est plutôt Brooklyn aujourd’hui). »

« J’aime travailler sur des films qui sont des expériences. J’aime les sujets qui me permettent de vivre des histoires de l’intérieur. Donc pendant deux ans j’ai fait des tous en ambulance. Les gens étaient parfois surpris en se demandant « qu’est-ce qu’il fait là celui-là ? » et on me demandait d’intervenir (rires). Et se confronter à ce réel, ça m’a permis de mieux le retranscrire. »

Comment vous avez interrogé le montage dans votre film ? 

Question posée par notre confrère du média Le fil d’Arianne. 

« C’est toujours une étape particulière pour moi. Le montage, c’est là qu’on trouve le rythme du film. Mais au départ ma première envie, c’est de trouver le « rythme du réel ». Si tu découpes ton film, tu pers le sens du temps et de la réalité. Donc j’aime bien toujours tourner en plan séquence. Les comédiens doivent vraiment ne pas se tromper et tout le monde est un peu sur le qui-vive. Pour moi cela correspondait au sentiment d’urgence. »

« Après, le montage va permettre de raccourcir tout ça, de couper dans le plan-séquence. Souvent, je filmais différents axes qui me permettaient de monter. Pour les acteurs, c’est parfois perturbant, parce-qu’ils savent qu’on ne coupera peut-être pas. Donc il faut qu’ils improvisent, qu’ils aillent au delà de la scène. Et quand ils ne sont plus en contrôle, là il se passe des choses intéressantes. Donc on est sur un montage plutôt proche du documentaire. Je n’ai pas de scripte qui note si on a fait tel ou tel plan. J’essaye toujours d’avoir une matière brute, puis d’en sortir un montage qui corresponde à l’énergie du film. »

"Black Flies" : rencontre avec le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire

Comment s’est décidé le casting de Black Flies ? (Et qu’est donc venu faire Mike Tyson dans tout ce bazar ?)  

« Tye (Sheridan) s’est tout de suite imposé. Je voulais quelqu’un de jeune et qui avait une innocence dans le visage, une vraie fragilité. Tye avait ça. Quant à Sean (Penn) c’était presque trop évident ! Quand tu lis le livre tu te dis « oui Sean Penn serait parfait ». On se connaissait et je voulais travailler avec lui. Il correspondait au personnage, rien que quand on filme son visage. »

« Tyson s’est aussi imposé comme une évidence pour moi. Il est de Brooklyn, il a grandi dans cette violence sociale Donc c’est aussi un exemple intéressant. Car le film parle de comment Cross va se sortir de cette violence. Donc le film raconte à travers Tyson la confrontation à la violence et les différentes options pour en sortir. »

Comment avez-vous travaillé avec Sean Penn pour en extirper cette incroyable performance ? 

« Sean, c’est un personnage très particulier, très intense. Je me suis dit « je vais diriger un acteur et réalisateur qui connaît le métier mieux que moi… Comment je vais faire pour le motiver chaque jour ? ». Et je pense que le côté très réaliste, presque proche du docu-fiction, ça lui plaisait. Je pense que le personnage de l’ambulancier lui parlait, car il a été confronté à ça en tant qu’activiste. »

« Dans son documentaire Citizen Penn, on peut le voir en Haïti en train d’aider les gens avec les ONG. Quand le Covid est arrivé, il a fait pareil avec le Fire Department. Il s’est engagé, a fait des vaccinations… Donc il a déjà dans sa volonté d’être humain, de sauver les autres. Je pense que ça, ça l’a motivé. »

Avez-vous pu montrer Black Flies aux premiers concernés (les pompiers de New-York) ? Quel impact aimeriez-vous avoir avec ce film ? 

« Je l’ai montré en cours de montage à l’équipe avec qui j’avais fait des tours en ambulance comme consultant. Et eux ont été vachement impacté et émus par le film. Ils se sont reconnus et étaient contents de ça, car ils avaient peur qu’on fasse un film qui était une fiction, peu représentative de leur réalité ou de leur santé mentale. »

« Car depuis le 11 septembre, les urgentistes ont été impactés au niveau mental. C’est un vrai trauma chez eux. Aujourd’hui, il y a plus de suicides chez les ambulanciers que de morts sur le terrain. Donc je voulais qu’on puisse dire :

« Ces gens là sont là pour nous aider, mais regardez à quel point ça impacte leur santé mentale… »

« Et je voulais montrer aussi, à travers le film, le système de santé américain, qui est une « grande réussite » (rires) comme on peut le voir. Et je trouve que c’est inadmissible dans un pays comme les Etats-Unis de se dire qu’il n’y a aucune aide sociale ni sécurité sociale. L’éducation et la santé, ça paraît être des évidence, mais ça ne l’est pas aux Etats-Unis. »

Black Flies sort au cinéma ce 3 avril et on ne peut que vous inviter chaudement à le découvrir en salles. Il s’agit d’une expérience puissante et unique, dont vous ne sortirez probablement pas indemnes. 

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Journaliste, photographe et réalisateur indépendant, écrire et gérer Cultea est un immense plaisir et une de mes plus grandes fiertés.

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