Après son étonnant western Bone Tomahawk, S. Craig Zahler est de retour avec un thriller de haute voltige, porté par Mel Gibson et Vince Vaughn : Traîné sur le bitume. Un film sans concession, un thriller d’action violent, un polar pessimiste et réaliste, une claque sans détour. Le cinéaste offre un regard cru sur le quotidien des policiers américains, et de leurs conditions de travail.
Traîné sur le bitume : Tarantino es-tu là ?
Beaucoup ont comparé Traîné sur le bitume à une approche façon Quentin Tarantino. Un rapprochement qui prend racine notamment dans le traitement de l’action assez réaliste. Pourtant, la comparaison s’arrête là. Quentin Tarantino signe des longs-métrages violents certes, mais relativement décalés, traitant d’une violence presque cartoonesque, en tout cas très différente ce qui est présenté ici. Dans Traîné sur le bitume, la violence se veut concrète, servant une ambiance sombre, où les personnages se noient doucement.
Cette explosion de violence sert un propos social criant sur la condition des policiers américains en services, sur les difficultés financières qu’ils rencontrent, mais également sur leur représentation négative auprès de la population. Bref, Tarantino n’aurait pas osé faire un film aussi radical dans son propos, et finalement l’œuvre de S. Craig Zahler n’a pas grand-chose à voir avec la méthode QT, beaucoup plus légère dans ses messages et son approche, aussi violente soit-elle.
Un duo explosif
Traîné sur le bitume doit également beaucoup à son casting. Un duo principal renversant dans lequel Mel Gibson rejoue les gueules cassées, les têtes brûlées taciturnes et froides, les policiers imposants et sans concession. Il est extrêmement plaisant de revoir cet acteur au sommet de son art. S. Craig Zahler lui offre un rôle à sa mesure, avec lequel Mel Gibson compose parfaitement. Il est ultra convaincant dans la peau de ce flic sur le déclin qui n’en peut plus de se faire exploiter par le système et désire offrir le maximum à son épouse malade et à sa jeune adolescente qui cherche un autre cadre de vie.
Grâce à ce protagoniste S. Craig Zahler met en scène un tableau criant de vérité dans lequel ce dernier s’asphyxie lentement et se retrouve livré à lui-même. Mel Gibson est de retour au sommet de son art dans cette vision du flic dépassé, prêt à tout pour sortir la tête de la merde. Vince Vaughn n’est évidemment pas en reste dans un second rôle parfaitement maîtrisé dans lequel il se laisse embarquer dans une histoire qui le dépasse.
L’acteur est lui aussi très inspiré, mais reste dans l’ombre de Mel Gibson. Un rapport de force volontaire qui s’explique par une écriture très intelligente, qui permet de donner une épaisseur inédite à ses personnages. La relation fonctionne à merveille entre le vieux roublard expérimenté et lassé face à une tranche d’âge plus jeune qui rêve encore d’un meilleur avenir. C’est cette dualité qui donne toute sa saveur à Traîné sur le bitume.
Un traitement de l’action impressionnant
Puis reste enfin des scènes d’action d’anthologie. Des séquences froides et volontairement désincarnées, anti-expressives, foncièrement timides et courtes, pour donner un réalisme saisissant. Jusqu’à sa séquence finale absolument renversante, le long-métrage impressionne constamment grâce à une vision de la violence glaciale. Presque dans la non-expressivité, le film cherche à atteindre une vérité absolue, une véracité tétanisante sur la condition de la police, mais également sur la violence humaine en général.
C’est surtout l’absence de manichéisme qui frappe, rien n’est simple, le noir et le blanc n’existent pas, le monde se compose d’un mélange grisâtre décadent. Traîné sur le bitume est une œuvre passionnante, dans la droite lignée d’un Gone Baby Gone. Et les 2h40 de ce long-métrage passent en un sursaut, jusqu’au grand final en apothéose, à la fois frustrant, terriblement logique, et également plein d’espoir.
Traîné sur le bitume est finalement un thriller/polar parfaitement maîtrisé, brillamment écrit, parfaitement réalisé, au casting décapant. Un film de gueules cassées, constat de la condition de la police américaine moderne. Mel Gibson y est renversant.
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