Une saga légendaire a fait son grand retour sur nos écrans le 8 mai 2024, avec La Planète des singes : Le Nouveau Royaume. Mais alors que nous attendions cet opus avec autant d’impatience que d’appréhension, il est désormais temps de faire une rétrospective de la totalité de la saga, afin de bien comprendre ce phénomène cinématographique.
Nota Bene : bien évidemment, cette rétrospective va spoiler sans la moindre vergogne certains événements importants de la saga.
La Planète des singes (1968)
Le grand classique du cinéma
Synopsis : les astronautes Taylor, Landon et Dodge s’écrasent en 3978 sur une planète inconnue, mais vivable. En ces terres arides, ils découvrent que les hommes de cette planète sont primitifs et sont placés sous le joug de singes très évolués. Capturé par ces singes, Taylor va devoir lutter aussi bien pour sa liberté que pour prouver sa valeur en tant qu’homme, auprès de singes intégristes et xénophobes. Mais cela n’est rien à côté de la découverte qu’il fera sur cette planète…
Adapté du roman homonyme de Pierre Boulle, ce film est sans conteste l’un des plus emblématiques de toute l’histoire du cinéma. Nous passerons très vite sur cet opus. Après tout, que dire sur ce film qui n’ait pas encore été dit 1001 fois ? Charlton Eston est impérial, la mise en scène très immersive et la scène de conclusion avec la statue de la Liberté est toujours aussi glaçante.
Certes, les effets spéciaux sont désuets et le rythme un peu daté, mais malgré son demi-siècle, ce film reste indéniablement une réussite. Raison pour laquelle il lança une mythologie qui perdure jusqu’à aujourd’hui…
Le Secret de la planète des singes (1970)
Une redite imparfaite, mais non-dénuée de charme
Synopsis : l’astronaute Brent est envoyé au secours de Taylor. Malheureusement, à l’instar de ce dernier, il s’écrase à son tour sur la « planète des singes », qui s’avère être la planète Terre, ravagée par la folie des Hommes. Alors qu’il cherche son compatriote, il découvre la « Zone Interdite ». Ces terres désolées abritent une société d’humains encore intelligents, dotés de pouvoirs télépathiques et vouant un véritable culte à la bombe atomique…
Si aujourd’hui nous avons tendance à saturer face aux licences au cinéma, en 1970, la situation était drastiquement différente. Donc, quand Le Secret de la planète des singes débarqua au cinéma, il y avait de quoi être curieux de ce que le film pouvait raconter. Grosso modo, celui-ci raconte en moins bien la même histoire que son prédécesseur. Cependant, la découverte d’humains mutants et intégristes vient renforcer la portée philosophique du film précédent.
Cette suite vient ainsi enfoncer le clou du nihilisme présent dans le film précédent, en nous offrant une critique acerbe sur l’espèce humaine et son indéfectible violence. Certes, la critique n’est pas très subtile et le film a pris un sacré coup de vieux, mais les faits sont là : Le Secret de la planète des singes est une fable d’une grande noirceur dont la conclusion est encore plus violente que le premier opus. Un film imparfait, mais bourré de bonnes idées et de messages impactants.
Les Évadés de la planète des singes (1971)
Un drôle d’opus tragicomique
Synopsis : les singes Cornélius et Zira parviennent à retourner vers le passé, avant la destruction totale de la Terre. Ils débarquent alors au XXe siècle, en plein Los Angeles. Et alors qu’ils subissent un traitement similaire à celui de Taylor chez eux, ils découvrent progressivement quels événements conduiront à la fin de la civilisation humaine…
Changement total de registre avec cette suite. Deux singes du futur débarquent dans notre époque « contemporaine » (entendez il y a cinquante ans) et se retrouvent de l’autre côté de la cage. Mais ce qui frappe le plus dans ce film, c’est le ton employé. Certes, on y retrouve là encore un commentaire acerbe sur l’espèce humaine. Mais la légèreté du film en fait pratiquement une comédie, malgré la noirceur du message déployé.
Si cela aurait pu gâcher le film, ce registre de la comédie noire offre pourtant à cette satire toute sa saveur. Les personnages sont tous plus marquants les uns que les autres, qu’ils soient protagonistes ou antagonistes. Quant au rythme, il s’agit peut-être du mieux géré de la saga d’origine, malgré sa désuétude. Comme toujours, on n’échappe pas à une conclusion pessimiste, malgré la lueur d’espoir qui pointe avec la naissance de César. En bref, malgré un parti-pris risqué, la saga prend avec ce film une direction assez pertinente.
La Conquête de la planète des singes (1972)
Une dystopie étonnamment efficace
Synopsis : 1990, les animaux domestiques comme les chiens et les chats ont disparu. Désormais, les humains se servent de singes-esclaves. Cependant, sous l’impulsion de César, un singe hautement intelligent, fils de Zira et Cornélius, ces derniers se révoltent et s’apprêtent à prendre le pouvoir…
Après la comédie presque vaudevillesque, teintée de drame, la saga change à nouveau de registre pour entrer dans la dystopie. Et malgré la nature fauchée de cette production, La Conquête de la planète des singes s’impose comme une véritable réussite. Ce monde post pandémie, dictatorial et esclavagiste, fait tout bonnement froid dans le dos. Le personnage de César prend désormais de l’ampleur, pour devenir la figure simiesque incontournable de la saga, jusqu’à nos jours.
Malgré le manque de moyens de cet opus, le film parvient à tirer partie de sa mise en scène millimétrée. On croit vraiment en ce monde froid et brutal, ainsi qu’à la dictature en place et à l’esclavage des singes. Dans ce contexte, la révolte a une saveur douce-amère. Nous savons que les singes seront bientôt libres, mais le prix à payer pour l’humanité sera terrible. Là encore, le film dégage une vision très noire de l’humanité, qui court progressivement à sa perte…
La Bataille de la planète des singes (1973)
L’épisode fauché, mais intéressant
Synopsis : la planète Terre est désormais dominée par les singes. César est leur leader, promouvant une coexistence pacifique entre singes et humains. Mais il est confronté aux ambitions impérialistes et ségrégationnistes d’Aldo, général gorille. En parallèle, une autre menace fait son apparition : des humains mutants…
Il s’agit là de l’épisode le plus faible de la saga d’origine. Une fois encore, nous avons droit à des messages philosophiques intéressants, ainsi qu’à un traitement pertinent du pacifisme et du vivre-ensemble, malgré les inimitiés. Malheureusement, cet opus souffre très fortement du manque de moyens financiers. Les masques des singes tombent en ruine, les décors sont d’un vide abyssal, la mise en scène fait le minimum syndical et le montage est aux fraises…
Pourtant, on sent que le film tente de raconter quelque chose de fort. Dans cet opus, l’ironie dramatique est à son paroxysme. Singes et humains luttent pour coexister malgré leurs griefs les uns contre les autres et parviennent à une entente fragile. Mais en tant que spectateur, nous savons que cela importe peu… La domination des singes est inévitable, tout comme le déclin de l’humanité, ainsi que la destruction de notre planète. En résulte un film qui tente d’insuffler une lueur d’espérance, en sachant que cela est désespéré. La saga se conclut ainsi sur une note symbolique d’une grande tristesse, car nous savons que tout espoir est vain.
La Planète des singes (remake de 2001)
L’accident industriel de Tim Burton
Synopsis : en 2029, un groupe d’astronautes entraîne des singes sur une station spatiale pour remplacer les humains dans les missions risquées. Un jour, pour porter secours à l’un de ces singes, Leo Davidson embarque dans un vaisseau expérimental. Il s’écrase alors sur une planète dominée par des singes…
Quelle purge ! Voilà comment résumer en deux mots cette catastrophe « Made in Tim Burton« . Aussi grand réalisateur soit-il, difficile d’avoir de l’indulgence pour ce ratage complet. Ce remake de La Planète des singes n’a tout simplement RIEN compris à l’intérêt philosophique de cette saga. Aucune véritable réflexion n’est portée sur la nature de l’Homme. Le film se contente d’être un blockbuster mécanique, peu inspiré et sans la moindre portée dramatique. On aurait au moins pu espérer un peu d’audace dans la mise en scène (on parle quand même de Tim Burton à la réalisation), mais même pas !
En résulte un film bâtard, porté par un réalisateur qui ne maîtrise pas son sujet et par un scénario bourré d’incohérences. Seul point positif : les décors et les costumes. Les décors parviennent à créer une ambiance assez réaliste et les maquillages de singes sont d’une maestria indiscutable. Encore aujourd’hui, ceux-ci rendent particulièrement bien à l’écran. Mais clairement, ça ne rattrape pas le reste…
La Planète des singes : Les Origines (2011)
Un reboot sacrément réussi
Synopsis : dans un laboratoire médical, des scientifiques expérimentent une molécule sur des chimpanzés pour vaincre la maladie d’Alzheimer. Cependant, la substance utilisée permet d’augmenter radicalement l’activité cérébrale de leurs sujets. Ainsi, César, un jeune chimpanzé, fait preuve d’une intelligence hors-normes. Mais suite à une mésaventure, celui-ci se considère comme trahi par les humains à qui il faisait confiance. Il décide alors de mener le soulèvement de tous les singes contre l’espère humaine…
Voilà le reboot qu’on attendait ! La Planète des singes : Les Origines démarre une nouvelle saga et bon sang, quel vent de fraicheur pour cette histoire qui ne peinait pas à se renouveler. Porté par des effets spéciaux à la pointe (par le procédé de la « performance capture »), une histoire forte et un casting parfaitement choisi, ce nouvel opus pose des bases solides pour un renouvellement.
Certes, nous n’échappons pas à quelques incohérences ou autres raccourcis, comme dans beaucoup de blockbusters. Toutefois, la magie opère et ce film s’impose comme une véritable réussite à quasiment tous les niveaux. La Planète des singes : Les Origines est sans conteste un renouveau vraiment bienvenu, mais aussi et surtout un divertissement de haute volée. Un film fort, émouvant et généreux en action.
La Planète des singes : L’Affrontement (2014)
Un petit chef-d’œuvre
Synopsis : L’humanité s’est effondrée sous les effets du virus qui s’est répandu sur Terre. En parallèle, une nation de singes évolués, dirigée par César, a émergé et se renforce. Après un conflit avec quelques survivants de l’espèce humaine, ils entament une trêve fragile. Mais des descensions se font ressentir entre les deux camps, y compris en interne…
Avec La Planète des singes : L’Affrontement, la saga rentre indéniablement dans un véritable état de grâce. Dans un paysage cinématographique déjà saturé par le MCU et où la logique de « licences » prend de plus en plus l’ascendant chez les blockbusters, cet épisode avait tout pour se casser la gueule. Au lieu de cela, il est un véritable tour de force, que l’on doit notamment au talentueux réalisateur : Matt Reeves (The Batman). Déjà, quelle audace que de proposer un blockbuster quasiment muet, où énormément des dialogues sont soit très courts, soit en langue des signes.
Mais surtout, on retrouve l’une des meilleures réflexions sur la violence de l’Homme, ainsi que sur celle des singes, qui ne sont finalement que le reflet d’une humanité qui a tant et tant échoué… La philosophie se mêle à la politique, dans un monde postapocalyptique où les moments de tendresse sont une denrée rare. Le tout dans un film où la mise en scène surpasse des loin ses prédécesseurs, que ce soit dans la contemplation ou dans l’action. Possiblement le meilleur film de la saga.
La Planète des singes : Suprématie (2017)
La « conclusion » dont la saga avait besoin
Synopsis : la guerre fait rage entre les singes et les vestiges de l’espèce humaine. César, à la tête des Singes, tente de minimiser les pertes des deux côtés. Mais quand un drame touche sa tribu, il se lance dans une vendetta personnelle contre l’armée des humains, dirigée par un impitoyable colonel…
À défaut de conclure la saga (qui s’est finalement prolongée sous l’égide de Disney), ce nouvel opus conclut avec brio la trilogie initiée en 2011. Toujours brillamment porté par Matt Reeves, La Planète des singes : Suprématie reste dans la droite lignée du précédent opus, en plongeant encore et toujours plus dans le nihilisme qui caractérise la saga. Un peu moins bien rythmé et moins subtil que son prédécesseur, ce film reste toutefois un blockbuster d’une qualité rare et d’une grande puissance émotionnelle.
S’appuyant sur des récits comme celui de l’Exode ou encore sur des métaphores de la Seconde Guerre mondiale, cet épisode d’une grande noirceur nous livre des messages bruts et sans concessions, aussi bien sur l’humanité qui court à sa perte, que sur la noirceur qui dort chez tous les individus, qu’ils soient humains ou singes. La scène finale est tout bonnement parfaite et vient faire une référence très bien pensée à la scène finale de La Bataille de la planète des singes, qui concluait la première saga. Un véritable travail d’orfèvre, dont on ne se lasse pas.
La Planète des singes : Le Nouveau Royaume (2024)
Un nouveau départ bien pensé, mais peu maîtrisé
Synopsis : plusieurs générations après la mort de César, les singes règnent désormais sur le royaume terrestre. Les humains ont quant à eux régressé à l’état sauvage. Noa, un jeune singe du « clan des aigles », vit en paix avec ses proches. Mais un jour, son village est attaqué et décimé par un autre clan de singes. Les survivants sont réduits en esclavage et Noa est laissé pour mort. Le jeune singe se lance alors dans un périlleux voyage venant questionner son passé, ses origines et le monde dans lequel il vit…
Sur le papier, ce nouvel opus avait tout d’une mauvaise idée. Outre le fait que la saga avait été parfaitement conclue, celle-ci voyait l’arrivée d’un nouveau réalisateur : Wes Ball. Un metteur en scène certes efficace, mais à mille lieues de la maîtrise de Matt Reeves. Pourtant, ce nouvel opus de La Planète des singes s’impose comme une indéniable réussite. À la fois rythmé et émouvant, le film semble avoir compris les enjeux de l’histoire qu’il raconte. Ainsi, l’univers s’étend progressivement, sans délaisser les questions philosophiques inhérentes à cette saga.
Toutefois, si ce film fut une bonne surprise, on ne peut s’empêcher d’y déceler un manque global de maîtrise. Certes, le film est à la fois touchant et bien pensé. Cependant, la nature philosophique est abordée de façon trop superficielle, tout comme les enjeux qui pèsent sur ce monde, où les singes sont censés régner sans partage sur les autres espèces. Si le film est une réussite inattendue et sincèrement touchant, il faudra quand même que la suite mette la barre un peu plus haut, car à certains égards, le film fait un peu « brouillon »…
Au vu de la conclusion du dernier opus, il paraît quasi évident qu’une nouvelle saga est en route pour La Planète des singes. Une perspective qui nous remplit à la fois de joie et de méfiance. Car si cette licence regorge encore de potentiel narratif, l’histoire nous a démontré qu’il n’était pas facile de faire les choses correctement avec une saga aussi exigeante… Affaire à suivre donc, pour ce qui reste comme l’une des plus grandes sagas de l’histoire du cinéma.
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