Thierry Ardisson : l’homme en noir disparait à 76 ans

Thierry Ardisson

Thierry Ardisson, figure incontournable de la télévision française, est décédé à l’âge de 76 ans. Producteur visionnaire et animateur provocateur, il laisse derrière lui un héritage audiovisuel immense et controversé. Retour sur la carrière de l’homme en noir. 

Thierry Ardisson s’est fait connaître dans la publicité. Il est à l’origine de slogans devenus cultes comme « Lapeyre, y en a pas deux » ou « Quand c’est trop, c’est Tropico ». Cette capacité à aller droit au but, il la développera davantage à la télévision, pour capter l’attention en quelques secondes. Sur ses plateaux, il introduit régulièrement des gimmicks devenus cultes : « Amis de l’homme en noir, bonsoir ! », « Tout le monde en parle, alors Tout le monde en parle… », ou encore le célèbre « Magnéto, Serge ! » .

Thierry Ardisson posait des questions qui pouvaient surprendre, gêner ou troubler l’invité. Il a notamment lancé à Michel Rocard la phrase désormais culte : « Est-ce que sucer c’est tromper ? », ce qui montra son goût pour les provocations verbales extrêmes. Il plaisantait ouvertement autour de la drogue, du sexe ou de la politique, sans être impressionné par son interlocuteur. Avec Tout le monde en parle, lancé en 1998, Thierry Ardisson a transformé les habitudes de la télévision française, mêlant culture, politique, divertissement.

Son émission suivante, Salut les Terriens !, née en 2006, a prolongé ce style jusqu’en 2019 sur Canal+ puis C8. Là, il affinait les recettes qui lui étaient propres . Malgré l’image provocatrice, Thierry Ardisson était un animateur méticuleux : il préparait ses interviews avec soin, rédigeant des centaines de fiches pour chaque émission. Derrière le show se cachait un professionnel exigeant, pour qui la liberté d’expression était primordiale et les tabous n’existaient pas.

Thierry Ardisson, animateur mais aussi producteur 

Thierry Ardisson, c’était aussi un producteur de génie, capable de sentir l’air du temps et de l’anticiper. Son flair et son goût pour la provocation ont donné naissance à des formats qui ont profondément marqué la télévision française, notamment Salut les Terriens !, Les Terriens du Dimanche, 93, faubourg Saint-Honoré et dans les années 1990, avec Lunettes noires pour nuits blanches, puis Tout le monde en parle. Thierry Ardisson invente une télévision de la parole libre, où les frontières entre l’intime, le politique, le trash et le satirique n’existent pas ou peu. Son objectif est de casser les codes de la télé figée des années 80-90.

Son dernier programme, Hôtel du Temps, une émission ambitieuse dans laquelle des figures disparues sont ressuscitées grâce à l’intelligence artificielle et à la retouche numérique pour un « entretien posthume », était la preuve de l’avant-gardisme de Thierry Ardisson. Sa société de production, Ardimages, a longtemps été un laboratoire d’expérimentation télévisuelle où Thierry Ardisson revendiquait un rôle quasi éditorial : « Je fais une télévision où l’on pense, où l’on apprend, où l’on rit aussi, mais où l’on ne s’ennuie jamais », déclarait-il, des idées souvent dérangeantes, mais toujours assumées.

Thierry Ardisson : animateur polémique 

Thierry Ardisson et son émission Tout le monde en parle ont souvent été critiqués pour la manière dont les jeunes femmes, y étaient traitées. Comme Mélanie Thierry, qui est toujours en colère, par la façon dont elle a été traitée dans l’émission. Ce jour-là, Thierry Ardisson lui soumettait le questionnaire, Première fois, qui, selon lui, devait être sexualisant pour pouvoir être drôle, quitte à humilier son invitée. Lorie et Mila Jovovich, elles aussi, en gardent un souvenir amer.

En 2002, alors que Milla Jovovich est invitée sur le plateau pour faire la promotion de Résident Evil, la jeune femme subit les moqueries et autres attaques sexistes du duo Thierry Ardisson/Laurent Baffie. Thierry Ardisson évoque les démêlés judiciaires de son père, incarcéré durant huit ans aux États-Unis pour fraude à l’assurance : « Oui, c’est vrai, mon père a passé huit ans en prison. J’ai perdu mon père pendant huit ans », lance-t-elle avant de jeter son verre d’eau et de quitter le plateau.

En 2019, Thierry Ardisson revenait sur les moments les plus glissant de sa carrière : « Quand les journalistes recevaient Milla Jovovich, ils lui disaient bêtement : “vous êtes la femme de Luc Besson et vous avez fait ’Jeanne d’Arc’”. Moi j’avais travaillé un peu plus le sujet et j’avais découvert que son père avait fait huit ans de prison », s’était-il défendu. « C’est vrai que lui balancer cette histoire, qui a dû être épouvantable pour elle quand elle était petite, n’était pas la meilleure chose à faire. Il n’y a pas eu de mauvaise intention de ma part, seulement du professionnalisme, mais je comprends sa réaction », avait-il ajouté.

« On était sexistes, machistes et cons », avait reconnu Laurent Baffie en avril dernier dans l’émission Quelle Époque ! sur France 2. « Quand je dis ça, Thierry déteste parce qu’il dit qu’il ne faut jamais s’excuser. Moi, je pense qu’il faut s’excuser quand on fait des erreurs », avait-il reconnu.

4 moments cultes avec Thierry Ardisson :

1. L’interview de Michel Houellebecq sur l’islam (2001 – Tout le monde en parle) : invité pour la sortie de son livre Plateforme, Michel Houellebecq choque en déclarant que « la religion la plus con, c’est quand même l’islam ». Cette phrase provoque un tollé immédiat et une polémique nationale. Ardisson, en tant qu’intervieweur, ne coupe pas la parole à l’auteur, affirmant son rôle de passeur et non de censeur. Cette séquence a profondément marqué les débats sur la liberté d’expression à la télévision.

houellebecq ardisson

2. Le cercueil sur le plateau (93, faubourg Saint-Honoré, 2005) : dans une séquence volontairement macabre, Thierry Ardisson fait entrer un cercueil sur le plateau pour interroger un invité sur sa vision de la mort. La scène crée un malaise palpable chez l’invité et le public.

3. Sa fausse mort en direct (Salut les Terriens!, 2016) : dans une mise en scène audacieuse et grinçante, Thierry Ardisson ouvre une émission par un faux flash info annonçant sa propre mort. Un écran noir, un ton solennel, et une voix off dramatique : tout est mis en œuvre pour tromper les téléspectateurs… avant de révéler la supercherie. Cette séquence illustre son goût pour l’humour noir et l’autodérision.

4. Son adieu aux téléspectateurs (Les Terriens du samedi, 2019) : en juin 2019, après 33 ans de télévision, Thierry Ardisson annonce qu’il quitte C8, faute de pouvoir produire une émission « de qualité » avec les moyens imposés. Lors de la dernière de Les Terriens du samedi, il rend hommage à ses équipes, ses invités et au public, avec une émotion rare. Le ton est grave, sincère, et marque la fin d’une époque. Une sortie digne d’un homme de télé hors normes.

Thierry Ardisson s’est éteint à l’âge de 76 ans, des suites d’un cancer du foie, le 14 juillet 2025, à Paris. Avec son style inimitable, sa voix grave et son ton acide, Thierry Ardisson aura marqué plusieurs générations. Il a transformé la télé en un terrain d’expérimentation et d’irrévérence. Parfois pour le meilleurs, parfois pour le pire… Son décès marque la fin d’une ère, celle d’une télévision qui osait déranger et bousculer. 

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